Kaouther Adimi signe l'un des beaux romans de cette rentrée. Avec "Nos richesses", la romancière dresse le portrait e l'éditeur Edmond Charlot, et au-delà, retrace l'histoire contemporaine de l'Algérie, et de ses richesses. "Je ne voulais pas écrire la biographie d'Edmond Charlot, je voulais pouvoir combler les blancs, imaginer, broder(...) raconter ma ville", confie la romancière. Interview.
Kaouther Adimi : "Nos Richesses" est un roman qui retrace l'histoire d'un lieu : le 2 bis rue Hamani à Alger où en novembre 1936, Edmond Charlot ouvrit une librairie de prêt appelée "Les vraies richesses" et commença une formidable aventure éditoriale. C'est un roman construit autour du carnet imaginaire d'Edmond Charlot de 1935 à 1961, auquel fait écho une partie contemporaine. En effet, j'ai imaginé que ce lieu qui est toujours ouvert soit cédé à un industriel privé qui souhaite le transformer en boutique de beignets. Ainsi, arrive un soir Ryad, un jeune homme d'une vingtaine d'années qui a été chargé de débarrasser le 2 bis des livres mais Abdallah, le dernier gardien des lieux, est là et va tenter de préserver cet endroit. J'ai voulu que ces deux parties se fassent écho, se croisent et aient pour toile de fond l'Histoire du 20e siècle avec la seconde guerre mondiale et la guerre d'Algérie.
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Comment est né le livre ?
Le livre est né d'une phrase : "Un homme qui lit en vaut deux" inscrite sur la façade du 2 bis rue Hamani et d'une envie de rendre hommage à tous ceux qui ont choisi la littérature comme boussole.
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Comment avez-vous travaillé sur ce roman?
J'ai passé une année à écumer les fonds d'archives sur la trace d'Edmond Charlot, j'ai également lu les correspondances et journaux des auteurs de son époque (Camus, Roy, Giono, Amrouche…) enfin, j'ai pu rencontrer des amis d'Edmond Charlot qui ont partagé avec moi souvenirs et anecdotes. Une partie de l'histoire du livre est là mais ça ne suffisait pas, je ne voulais pas écrire la biographie d'Edmond Charlot, je voulais pouvoir combler les blancs, imaginer, broder et puis il me fallait revenir à Alger, inventer Ryad et Abdallah, raconter ma ville, entraîner les lecteurs chez moi.
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"Nos richesses", pourquoi ce titre, comment l'avez-vous choisi ?
"Nos Richesses" rend hommage à la librairie d'Edmond Charlot et donc au titre de Giono mais également aux richesses de l'Algérie que sont les artistes, la littérature, les histoires et non le pétrole !
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Que diriez-vous en quelques mots pour donner envie au lecteur de lire votre roman ?
Qu'Edmond Charlot a eu une vie incroyable : à vingt ans, il a publié Camus et a ouvert une maison d'édition, librairie, bibliothèque avec l'ambition de publier des auteurs de toute la méditerranée. A trente ans, il avait fait de la prison, avait été résistant pendant la seconde guerre mondiale et s'apprêtait à aller conquérir Paris avec ses auteurs. A quarante ans, il rentre à Alger ruiné et commence une nouvelle aventure. A cinquante ans, il voit l'œuvre de sa vie partir en fumée suite à deux plasticages attribués à l'OAS. Je dirais aussi qu'Abdallah, aujourd'hui en 2017, est un homme-mage, un amoureux des livres, un être d'exception et que ça vaut la peine de s'arrêter au 2 bis de la rue Hamani.
"Nos richesses" est en piste pour le Goncourt, le Renaudot, le Medicis, le Prix Interallié, et le Prix du Style 2017.
Kaouther Adimi est née à Alger en 1986 et y a vécu jusqu'à 2009. "L'Envers des autres" (Actes Sud, d'abord publié en Algérie par les éditions Barzakh), son premier roman, a obtenu le Prix de la Vocation en 2011. En 2016, paraît son deuxième roman "Des pierres dans ma poche" aux éditions du Seuil (Publication Barzakh en novembre 2015). "Nos richesses" (Seuil), est son troisième roman. Kaouther Adimi a également publié des nouvelles : "Le chuchotement des anges", dans le recueil "Ne rien faire et autres nouvelles aux éditions" (Buchet/Chastel, 2007), et "Le Sixième Œuf", dans le recueil collectif "Alger, la nuit" ( Barzakh, 2011).
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