Romain Gary, "né à Vilnius" : la Lituanie exhume des archives inédites
"J'ai découvert un dossier avec des papiers d'identité de Roman Kacew, qui allait devenir l'écrivain Romain Gary, quatre dossiers concernant sa mère Mina Kacew et six sur son père", raconte à l'AFP l'archiviste Elzbeta Simeleviciene, tout en feuilletant les documents.Les anonymes chemises de carton marron cachent de véritables trésors.
On y trouve pêle-mêle le passeport de Mina Kacew, délivré en 1925, où le jeune Romain Gary, 11 ans, pose avec sa mère sur la photo d'identité, un extrait d'acte de naissance de l'écrivain, des documents sur l'activité commerciale lucrative de son père fourreur, la preuve de l'existence d'un demi-frère de l'écrivain, né d'un premier mariage de sa mère, ou encore des documents en français témoignant de son installation à Nice à la fin des années 1920 ou de son abandon de la nationalité polonaise.
"Né à Vilnius"
Durant l'entre-deux-guerres, Vilnius était une ville polonaise, appelée Wilno. L'écrivain, homme caméléon selon sa biographe Myriam Anissimov, a toujours aimé brouiller les pistes. Les documents mis au jour à Vilnius permettent de mettre un point final aux questionnements entourant son lieu de naissance. Celui qui fut tour à tour pilote militaire des Forces françaises libres, diplomate, réalisateur est bien né à Vilnius, connu à l'époque sous le nom de Vilna, puisque la ville faisait partie de l'empire russe.
"Pendant longtemps, c'était un fait qui n'était pas prouvé puisque toute sa vie Romain Gary a toujours dit qu'il était né soit à Vilnius, soit à Moscou, soit dans un train à la frontière", relève Loïc Salfati, médiathécaire à l'Institut français de Vilnius et auteur d'un riche webdocumentaire sur Romain Gary.
Ces déménagements incessants de Romain Gary et de sa famille sont une aubaine. "S'ils ne s'étaient pas si souvent déplacés, remarque Elzbeta Simeleviciene, nous n'aurions pas eu autant de documents à notre disposition". "A l'époque, les passeports internationaux coûtaient cher et avaient une durée de validité limitée. Il fallait justifier les raisons de son départ et les documents devaient être restitués au retour de chaque voyage", explique l'archiviste.
Une galoche dans les mains
La découverte de ces documents inédits scelle le véritable retour de Romain Gary en Lituanie. Le mouvement avait été timidement amorcé en 1997 avec l'apposition d'une plaque au 18, rue Basaniviciaus, anciennement 16, rue Grande Pohulanka, décrit dans son roman autobiographique "La promesse de l'aube".
Lors de la présentation récente d'une partie de ces documents d'archives au public, la salle était comble. L'artisan infatigable de cette redécouverte est l'acteur lituanien Romas Ramanauskas, le fondateur de l'association Romain Gary. Il a découvert l'auteur dans un journal littéraire russe à la fin des années 1990, quand la Lituanie était encore une république soviétique.
La mention "né à Vilnius" réveille aussitôt sa curiosité et il dévore ses écrits, en russe. En 2007, une petite statue est érigée à deux pas de son ancien domicile. Elle représente l'écrivain enfant, une galoche dans les mains, allusion au célèbre passage de "La promesse de l'aube", où il avale une galoche pour séduire la jeune Valentine.
La même année, Romas Ramanauskas initie une recherche dans les archives. A cette occasion, le registre du 16 rue Grande Pohulanka est découvert. Y sont mentionnés les habitants Roman et Mina Kacew, résidant dans l'appartement numéro 4. "La promesse de l'aube" est traduite en lituanien en 1999 et devrait être rééditée une septième fois l'année prochaine.
Archives en libre accès
"Pour les Lituaniens, Romain Gary reste un auteur français. Mais il est de plus en plus connu. Les Lituaniens veulent découvrir leur histoire et tout ce qui touche à Vilnius les intéresse", relève l'éditeur Saulius Repecka.
Romain Gary a quitté Vilnius en 1925 pour Varsovie et s'est installé à Nice (sud de la France) en 1928. Il publie son premier roman en 1945, obtient son premier prix Goncourt en 1956, pour "Les Racines du ciel", et un deuxième en 1975, pour "La Vie devant soi", sous le pseudonyme Emile Ajar. L'écrivain se donne la mort à Paris en décembre 1980.
Tous les documents découverts dans les archives ont été numérisés et sont désormais en libre accès dans la salle de lecture des archives centrales lituaniennes.
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