Serge Joncour immerge son "'écrivain national" chez les notables
Serge Joncour a un talent fou pour planter un décor et partager un malaise. En l'occurrence, ici, celui de cet "écrivain national" (baptisé ainsi par le Maire qui souhaite le distinguer des autres, potentiellement régionaux ou locaux et donc moins valorisant, électoralement parlant) qui débarque dans une petite ville du Morvan.
On sent le vécu dans cette "résidence" de quelques semaines, où les libraires, l'hôtelière et les notables vont se mettre en quatre pour montrer à l'artiste à quel point le secteur mérite le détour. Entre ateliers d'écritures pour analphabètes, séances de signature et repas interminables, l'écrivain a théoriquement de quoi occuper ses journées. Mais, dès le début, un grain de sable a déréglé cette belle aventure.
A peine arrivé, l'auteur s'est pris de passion pour un fait divers – la disparition d'un riche maraîcher –, plus précisément pour l'une de ses protagonistes, la troublante Dora. Plus ça va, c'est tout ce qui l'intéresse vraiment ici : Dora, cette affaire bizarre de meurtre sans corps, les combines louches des uns et des autres, les projets de scierie géante, les plantations de cannabis dans la forêt… Bref, tout ce qui défrise les habitants du coin qui aimeraient tant que "l'écrivain national" détourne le regard et se contente de signer une ode à la douceur de vivre locale.
Ce livre tonique dépeint une France très chabrolienne, dans laquelle les puissants se serrent les coudes. On y trouvera aussi des accents à la Simenon, pour la justesse et la description de la vie des campagnes, et même des traces de David Lodge, dans les angoisses de l'intellectuel égaré. Un peu polar, sans en rajouter, cet "Ecrivain national" est drôle, juste, bien balancé. Un régal !
"L'écrivain national" de Serge Joncour (Flammarion) – 392 pages – 21,00 €
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