"Stella et l’Amérique" : le sexe, Dieu et les psychopathes dans un road-trip débridé
Il y a de la poésie dans la dernière œuvre de Joseph Incardona, Stella et l’Amérique (éditions Finitude). Et beaucoup de délires. Et de bastons. Et du sexe salvateur. Il faut dire que Stella, le personnage principal, fait se lever les paralytiques, guérit les malades, dont ceux atteints de psoriasis. Le Vatican s’enthousiasme au point de la sanctifier. Subito santa ! Sauf que Stella est prostituée et réalise des miracles en pratiquant son métier. Stella couche, donne du plaisir. Avec allégresse. Sainte, Stella l’est assurément. Stella n’a pas d’inhibition, elle ne cherche que le bien pour son prochain. Mais pour la sanctification, sa profession pose souci. La solution, selon le Saint-Siège : qu’elle devienne martyre, d’autant plus qu’à 19 ans Stella a l’âge idéal.
Stella doit mourir
Il y a la verve et l’humour de Donald E. Westlake, les personnages loufoques, déjantés et haut en couleur de Quentin Tarantino et la noirceur de Jim Thompson dans Stella et l’Amérique. Les jumeaux Bronski, Mike et Billie, chargés par le Vatican d’aider Stella à rejoindre le Ciel plus tôt que prévu, sont affreusement attachants. "Le souci avec les frères Bronski, c'est qu'ils étaient un véritable fléau pour la petite part d'humanité ayant eu affaire à eux. On pouvait aisément énumérer cet échantillon depuis qu'ils avaient fondé leur entreprise il y avait 24 ans (bientôt le jubilé). On devait cette exactitude à William (Billie) Bronski, le frère cadet, lequel tenait scrupuleusement le compte des disparus : 1 239 âmes".
Avec son écriture cinématographique, Joseph Incardona nous emmène dans une Amérique excentrique et névrosée. Une Amérique des petites gens et des grands intérêts, des fêtes foraines et des limousines feutrées. Joseph Incardona arrose à tout-va : capitalisme, religion, puritanisme... Rien ni personne n’est épargné. Tout le monde veut Stella, chacun attend d’elle quelque chose. Même son ange gardien, le Père Brown, prêtre ancien marine. Stella et l’Amérique se lit d’une traite, comme un roman graphique survitaminé ou un scénario des frères Coen. Joseph Incardona s’amuse à plonger ses personnages dans des situations absurdes, et nous avec. Stella et l’Amérique, une comédie débridée où le pire n’est pas certain.
"Stella et l’Amérique" de Joseph Incardona, éditions Finitude, 21 euros
Extrait : "Il faut savoir que Stella n’était pas exactement belle, ni très futée non plus. Mais elle était sincère. Et loyale. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une sainte. Pas très futée ni exactement belle, mais désirable, ça oui. C’était dans son attitude, sa posture, sa façon de bouger les hanches et de vous regarder. Quand Stella vous regardait, vous étiez le seul homme sur terre, vous comptiez pour quelque chose. Peu importe qui vous étiez et de quelle façon : Stella jetait sur vous ses yeux d’ambre, ses yeux candides, et vous étiez vivant. (…) Stella Thibodeaux avait 19 ans, l’âge des martyrs. Elle-même n’était pas sûre de la date de naissance inscrite sur ses papiers d’identité".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.