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"Terminus radieux", l'épopée post-apocalyptique d'Antoine Volodine prix Médicis

Antoine Volodine, qui a reçu mardi le prix Médicis, peint dans "Terminus radieux" (Seuil) une épopée post-apocalyptique dans une Sibérie dévastée par les explosions nucléaires où les hommes sont devenus des mutants ou des morts-vivants.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Antoine Volodine, prix Médicis 2014 pour "Terminus radieux" (4 novembre 2014)

Antoine Volodine, principal pseudonyme de ce romancier né en 1950, qui signe également Elli Kronauer, Manuela Draeger ou Luitz Bassmann, est l'auteur d'une vingtaine de romans sous le nom de Volodine, dont "Des anges mineurs" prix du Livre Inter en 2000. Peu connu du grand public, cet ancien professeur de russe, est suivi depuis des années par un cercle d'admirateurs et de critiques fervents.

Un récit halluciné au style puissant

Dans les territoires irradiés, après la "Deuxième Union soviétique", de rares survivants de l'utopie socialiste (tractoristes, kolkhoziens, komsomols, soldats en déroute, zeks (prisonniers) en liberté, liquidateurs) sont les héros déchus de "Terminus radieux", récit halluciné au style puissant. La vie au kolkhoze "Terminus radieux" n'a rien de réjouissant : elle s'organise autour d'une pile nucléaire devenue folle qui s'est enfoncée à deux kilomètres sous terre.

Une ancienne liquidatrice, Mémé Oudgoul, l'apaise et la nourrit inlassablement de bric-à-brac contaminé, de cadavres d'hommes ou d'animaux carbonisés. Insensible aux rayonnements, le président du kolkhoze, mi-sorcier, mi-chaman, règne en maître sur les habitants, avant tout ses trois filles nées de "mère inconnue" qui dissimulent leur crâne chauve sous de lourdes perruques.

Sans foi ni loi, Solovieïv les considère comme ses femmes et s'introduit la nuit dans leurs pensées, leurs rêves et leurs corps, prêt à détruire tout homme qui tentera de les séduire, comme le soldat Kronauer encore pétri de "morale prolétarienne", venu chercher secours dans ce village perdu en enfer.

Train fantôme

Au périple de Kronauer, se superpose celui d'un convoi de soldats et de prisonniers, qui ne savent plus se différencier après des milliers de kilomètres en wagons blindés. Un train fantôme d'hommes exténués à la recherche d'un "havre concentrationnaire" où trouver enfin repos et protection car "personne ne peut nier que le camp est le degré supérieur de la dignité".

Ils se feront tirer dessus depuis les miradors par des snipers qui refuseront de les laisser entrer: derrière les barbelés, leur refuge rêvé affiche complet. Dans ce monde retourné à la sauvagerie où rôdent des loups affamés, les sentiments, brûlés au feu nucléaire, n'ont plus cours, et c'est la violence qui domine des hommes en rut à la recherche de femelles. 

"Une littérature située ailleurs et venue d'ailleurs"

Forêt, steppe, taïga : Volodine décrit d'une langue envoûtante et inventive une végétation à la beauté inquiétante d'arbres tourmentés, d'herbes et de champignons mutants. "Terminus radieux", gros roman de 600 pages fait parfois écho à un autre récit post-apocalyptique, "La Route" de l'Américain Cormac McCarthy.

Mais chez Volodine, c'est l'Homme rouge qui "ne croit à rien et attend la fin", condamné à errer sous les "craillements" des corbeaux, dans un monde sans avenir où le plutonium a balayé la civilisation. L'univers parallèle créé par l'écrivain au fil de son oeuvre a pour objectif "une littérature située ailleurs et venue d'ailleurs". Pari réussi et récompensé.

 
Terminus radieux Antoine Volodine (Seuil - 616 pages - 22 euros)

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