"Tibi la Blanche" ou le roman des amours et des rêves de trois adolescents dakarois
Partir en France ou rester au Sénégal après le bac ? Issa, Neurone et Tibilé sont perplexes, ils s'interrogent sur leur avenir. Avec une écriture percutante, fluide, riche, Hadrien Bels suit les amours et les ambitions de trois jeunes lycéens dakarois dans "Tibi la Blanche" (Editions de l'Iconoclaste). L'écrivain marseillais a le sens de la formule, ses phrases font souvent tilt. Sa langue imagée arrive à nous transporter dans la capitale sénégalaise en pleine effervescence. Trois lycéens, de milieux sociaux différents, sont à la veille du passage à l'âge adulte. Le baccalauréat est un visa pour un avenir situé ailleurs que le pays natal ?
En attendant la France
Issa, Neurone et Tibilé sont amis. Issa, issu d'une famille modeste, se rêve styliste. Peu porté sur les études, il déborde de créativité et d'imagination. Pour le bac, il a une arme infaillible : un Bic marabouté, un Bic qui donne la confiance. En attendant les résultats, il a sa machine à coudre. Issa voyage beaucoup sans bouger, derrière sa machine. Le cerveau du trio s'appelle... Neurone. Venant d'une famille aisée, il rêve pourtant de justice sociale. Il déteste les costumes-cravates, ceux qui font la sieste dans les hémicycles les mains croisées sur leurs ventres bien remplis. Et il a un amour : Tibilé. Il aime Tibi la Toubab, Tibi la Blanche ou Tibi la Française. Il sait, tout le monde sait que Tibi souhaite partir en France, une fois son bac en poche. Tibilé est déterminée, elle se projette déjà vivre loin de sa famille, du Sénégal. "En France, je pleurerai devant ces paysages sans poussière. Mais cela ne durera pas longtemps. Je n'ai pas appris à me plaindre. Là-bas je prendrai dans mes bras ceux qui les ouvrent. Je leur donnerai un peu de ma couleur".
Hadrien Bels est un écrivain du réel. "Je ne fais pas de littérature introspective, j’aime la littérature africaine, parce qu’elle sait être drôle et triste en même temps. Ce texte, c’est une déclaration d’amour pour un pays, le Sénégal, et l’histoire d’une double culture", explique-t-il. L'auteur du très remarqué Cinq dans tes yeux, est un formidable conteur, griot, du quotidien. Tibi la Blanche est une ode à la jeunesse sénégalaise, africaine, loin des clichés, du misérabilisme. Un livre vivant, plein d'empathie.
("Tibia la Blanche", Hadrien Blanche, L'iconoclaste, 20 euros)
Extrait : "Dans sa chambre, Tibilé est penchée sur Les Soleils des indépendances de Kourouma: "Tu vois qu'un malheur, c'est parfois un bonheur bien emballé et quand tout s'use, c'est le bonheur qui tombe". Pour Tibilé, la lecture a toujours été un combat. On lit, on lutte, on fait reculer les lignes ennemies. Elle se sent plus proche des chiffres, au moins eux n'essaient pas de te manipuler. Les mots sont traîtres. Ils créent désordres et polémiques. D'habitude, elle prend le dessus à partir de la centième page. (...) Mais aujourd'hui, Tibilé est proche de la noyade. Kourouma lui mène une guerre dure, totale".
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