"Viva" de Patrick Deville : vertiges mexicains
Au moment où Deville le récupère, début 1937, Trotsky a déjà ses plus grandes heures politiques derrière lui. Il n'est plus qu'un fuyard à qui le Mexique a accepté d'accorder l'asile. Accueilli par Frida Kahlo et son mari Diego Rivera, l'homme est à terre, mais il reste Trotsky, intelligence lumineuse, mari infidèle. S'il n'en est pas à son premier exil, loin de là, il n'est pas lucide au point de comprendre tout de suite qu'il vient de s'engouffrer dans une nouvelle souricière. C'est sur cette terre mexicaine qu'il mourra.
Un peu plus tôt, Malcom Lowry, a lui aussi posé ses valises au Mexique, pour d'autres raisons, évidemment. Car s'il est lui aussi lancé dans une sorte de fuite, c'est pour des raisons très différentes : alcoolique, dépressif, parfois violent, le romancier anglais traîne avec lui un parfum de scandale. A Cuernavaca, il tente de finir ce qui sera sa grande œuvre "Under the Vulcano"… publiée bien des années plus tard.
Deville va donc entreprendre de faire vivre en parallèle ces deux destins, a priori bien éloignés. Tous deux foncent vers une issue fatale, mais il y aura encore de jolis pas de danse avant le terminus. Dans le roman de Deville, on croise Frida Kahlo, son mari, ses amants, Antonin Artaud ou André Breton. Les génies et les lâches sont parfois les mêmes. On fait l'amour, on boit, on fume, on s'aime et on se trahit. Il y a des ordures, des fous et des héros.
Le récit est bouillonnant, si riche qu'on s'y perd parfois un peu, face à la profusion de personnages, de situations et de retours en arrière. Il faut parfois prendre le temps de revenir sur ses pas, pour être sûr d'avoir bien compris.
Le style Deville n'a pas changé. C'est remarquablement écrit, nerveux, tendu. Rien de superflu, pas de temps perdu, ni de dialogues inutiles. Sans être un livre facile, "Peste et choléra" (prix Fémina 2012) était d'une lecture plus aisée. "Viva" exige une certaine ténacité, récompensée.
"Viva" de Patrick Deville (Seuil) – 211 pages – 17,50 €
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