"Zamir" : guerre et paix, selon l’écrivain turc Hakan Günday
Les moyens pour arriver à la paix importent peu, Zamir est au-delà du bien et du mal. Il œuvre pour la paix et fera tout pour arrêter la guerre. Il est prêt à en payer le prix, quoi qu’il lui en coûte. L’écrivain stambouliote Hakan Günday, prix Médicis étranger 2015, pour son remarquable roman Encore, revient avec un livre sans concession. Cette fois, il s’attaque au business des conflits, aux profiteurs de guerre. Dense, féroce, lumineux dans sa noirceur, Zamir (éditions Gallimard) est un cri de souffrance et de colère.
Jusqu’ici, tout va bien
Les premiers pas de Zamir dans la vie ont été difficiles. Il a six jours lorsqu'une bombe explose à al-Aman, un camp de réfugiés à la frontière turco-syrienne où sa mère l'a abandonné. Qui est Zamir ? Pourquoi a-t-il été abandonné ? En quelques phrases, Hakan Günday décrit un univers qui laisse peu de place à l’enchantement. Il narre, avec un rare talent, une situation complexe avec des mots simples. Pour les villages alentour, le camp de réfugiés d’al-Aman représente le comble du luxe. "Car, à al-Aman, il y avait tout ce qui manquait au village : une crèche, une école, une bibliothèque, un hôpital, un bureau de poste, du chauffage, de l’eau qui coule de chaque robinet, et même un cinéma. Pour ne rien gâter, tout cela était gratuit ". Un paradis envié par les habitants locaux qui rêvent de devenir des réfugiés pour intégrer le camp.
C’est dans cette extrême précarité que la mère de Zamir, elle-même une enfant de quinze ans, décide de lui donner de meilleures chances dans la vie en l’abandonnant dans le camp d’al-Aman. La jeune fille a appris très vite que son univers est régi par les hommes et pour les hommes. À elle de se débrouiller, avec ses faibles moyens, pour s’en sortir. "Elle comprenait parfaitement que, dans le monde où elle était née, récompenses et punitions n’étaient distribuées que par la gent virile ; par conséquent, à ses yeux, la seule façon de cesser d’être l’otage d’un homme est de devenir celle d’un autre".
Zamir survit à l’explosion de la bombe grâce à l’abnégation d’un chirurgien. Mais le jeune enfant est défiguré. Après l’opération, il devient figé : il ne peut ni rire, ni pleurer. Des ONG se saisissent de son visage pour récolter des fonds. De symbole, Zamir va devenir un combattant de la paix, un utopiste qui use de tous ressorts pour affronter la violence. Hakan Günday tient en Zamir un personnage inoubliable. Zamir, ou la déconstruction d’un système politique et humanitaire. Sans concession.
(Zamir, Hakan Günday, traduit du turc par Sylvain Cavaillès, Gallimard, 23 euros)
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