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Salon du livre : ces petits éditeurs indépendants qui ont la foi

Comment se faire une place face aux majors de l'édition, quand on est un petit éditeur indépendant. Enquête au salon du livre de Paris.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Manuella Vaney, éditrice de la maison Manuella Editions, au Salon du livre 2013
 (Laurence Houot/Culturebox)

Lundi matin, les allées du salon du livre de Paris ont retrouvé un peu de calme. Ambiance feutrée, c'est la matinée des professionnels. Sur le stand Ile de France, un jeune homme fait la visite : une poignée de bibliothécaires studieuses, de la région parisienne, visitent les stands des éditeurs indépendants. Les éditeurs présentent leurs publications. "Nous publions des livres de fiction, autour de la thématique urbaine, beaucoup d'auteurs sud américains, où la musique occupe une place importante. Du coup chaque ouvrage propose une playlist à l'écoute en streaming sur notre site internet. On a aussi une collection d'anthologies de nouvelles noires, autour de villes, des guides touristiques alternatifs en quelque sorte." explique Claire Duvivier, enthousiaste, l'éditrice d'Asphalte, une petite maison créée il y a trois ans, avec Estelle Durand. Elles sont deux et font tout, comme c'est le cas dans de nombreuses petites structures.

Créateurs de livres

"Avant je travaillais au Seuil", explique Manuella Vaney fondatrice des éditions Manuella  "Je suis partie au départ pour un livre que je voulais vraiment faire exister." ("Conversations", un recueil de conversations avec des artistes, des écrivains, philosophes scientifiques, menés par Hans Ulrich Obrist.) "Et puis j'avais envie de faire des livres. C'est dur, on travaille beaucoup, seul, mais ça permet de défendre des projets cohérents.", explique Manuella Vaney. A son catalogue, des livres d'art, des entretiens avec des artistes (Robert Crumb, Claude Parent), "Hello Book", un coffret de trois livres conçus par le collectif H5, livre publié à l'occasion d'une exposition à la Gaité Lyrique, des livres d'histoire pas comme les autres…

  (Manuella Editions)
Un des secrets du petit éditeur : la niche. L'Asiathèque, fondée dans les années 70, propose des ouvrages sur les langues et cultures du monde. "On propose des manuels qui intègrent la dimension culturelle. Par exemple sur le Tibet, on parle du thé, des fêtes, des recettes de cuisine", explique Philippe Thollier. La maison édite aussi des livres bilingues (coréen, tibétain,  bengali, bulgare…) qui permettent de découvrir des œuvres littéraires majeures, inédites en France.

Créer des réseaux

"On trouve une grande créativité chez les petits éditeurs indépendants ", souligne Gaëlle Bohé, chargée d'animation de réseau et communication de Fontaine O livres, une structure qui soutient l'indépendance dans les métiers du livre. 35 éditeurs, des libraires, des distributeurs et agents littéraires, Fontaine O livres, financé entre autres par la Région Ile de France et la Mairie de Paris, s'attache à mettre en relation les acteurs du secteur. "On essaie de sortir les uns et les autres de leur isolement. Ce sont des gens qui travaillent seuls, et dans leur coin, et qui doivent tout assumer. On met en relation les éditeurs et les libraires, les bibliothécaires, les diffuseurs. On fait aussi de la formation.", explique Gaëlle Bohé. "On envoie chaque mois les nouveautés de nos maisons d'édition aux bibliothécaires de la région, par exemple, et le listing à toutes les bibliothèques de France, pour que l'édition indépendante ait aussi sa place dans les bibliothèques", explique Gaëlle Bohé. "C'est important de décloisonner, de mettre en réseau, de former. Les indépendants sont obligés d'avoir des compétences multiples et travaillent souvent seuls. C'est difficile. Il faut les aider.", conclut-elle.

Publier peu pour publier mieux

Serge Safran, patron de la maison du même nom,  ne se lasse pas de parler de ses livres. Ce passionné de littérature, co-fondateur des éditions Zulma il y a 20 ans, a choisi de la quitter pour créer sa propre maison en 2011. "J'aime bien le risque. Ma politique, c'est de publier peu pour publier mieux", dit-il, précisant que sa position de "vieil éditeur" lui donne un avantage : les journalistes, les éditeurs et les auteurs le connaissent. Ca aide.
Serge Safran, au Salon du livre 2013
 (Laurence Houot/Culturebox)
"Mon ambition, c'est de prendre un auteur, et de l'emmener au mieux de ce qu'il a à donner par rapport à son projet littéraire. Je ne rêve pas de trouver Proust ou Céline, ça c'est une fois par siècle. Mais entre Proust et Musso, il y a de très bons écrivains.", ajoute-t-il. "L'édition aujourd'hui c'est compliqué. Il ne s'agit pas seulement d'éditer. Il faut aussi défendre ses auteurs." Et pour ça on lui fait confiance : quand on passe quelques heures plus tard près de son stand, il est toujours là, parlant avec feu des livres qu'il a publiés, intarissable…


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