: Interview Festival du Livre 2023 : "Deux Vies" d'Emanuele Trevi vient d'être traduit : "j'en suis ravi, le français est la langue de la littérature"
A 59 ans, Emanuele Trevi compte trois ouvrages traduits et publiés en France chez Actes Sud. D'abord Quelque chose d’écrit, publié en 2013 en France, qui lui permet de décrocher le prix littéraire de l'Union euriopéenne en 2012, puis Le Peuple de bois en 2017 et Songes et fables en 2020.
Récemment, c'est Deux vies aux éditions Philippe Rey (publié en janvier 2023) qui décroche le prestigieux prix Strega en 2021, l'équivalent du Goncourt français en Italie. Emanuele Trevi dresse un portrait croisé posthume de deux écrivains italiens, Rocco Carbone et Pia Pera, disparus prématurément en 2008 et 2016. Comment expliquer cet engouement pour les auteurs italiens depuis quelques années en France ? Le Festival du Livre de Paris les invite pour sa nouvelle édition du 21 au 23 avril au Grand Palais éphémère. Emanuele Trevi est l'un d'entre eux.
Franceinfo Culture : plus de 900 auteurs italiens ont été traduits en France l’année dernière. Comment expliquez-vous cet engouement pour la littérature italienne en France ?
Emanuele Trevi : J'étudie Stendhal depuis de nombreuses années, et en particulier son imaginaire de l'Italie, qui me semble être la plus grande et la plus ingénieuse construction d'un espace fictionnel à l'époque romantique. Je me suis fait une idée : l'esprit français voit dans l'esprit italien ce que la conscience voit dans l'inconscient. Une sorte de similitude profonde, mais déformée. Nous sommes comme l'ombre de la France. C'est aussi de cette manière que j'explique les tensions fréquentes entre nos dirigeants politiques : un manque de confiance dans la rationalité. Peut-être que, comme à l'époque de Stendhal, il s'agit de stéréotypes. Mais les stéréotypes, contrairement à ce que prétend le politiquement correct, contiennent beaucoup de vérités !
Comment vous placez-vous sur le marché du livre français ?
Comme je l'ai déjà dit, j'ai beaucoup de sympathie pour les clichés. Je dois dire que pour moi, le français est la langue de la littérature, donc chaque fois qu'une traduction française d'un de mes livres paraît, j'ai le sentiment... qu'il s'agit de l'édition originale ! Je suis heureux d'être traduit dans des langues variées, mais pour moi, la France est la patrie de la civilisation, du style, de l'ironie. Dans une autre vie, je veux naître français !
Quelle est la réception du public français sur vos livres ?
Quand je lis les critiques françaises de mes livres, il me semble qu'en général le niveau de la critique littéraire en France (je parle de ce qui est écrit dans les journaux, je connais peu la culture académique) est plus élevé qu'en Italie. Même lors des présentations que j'ai faites en France, je ressens une forte empathie, peut-être due au fait que mes livres peuvent rappeler ceux d'Emmanuel Carrère et de Patrik Modiano, à bien des égards.
Est-ce difficile de convaincre et de séduire le public italien ?
J'ai toujours tiré une grande satisfaction de mes livres, même si je n'ai jamais vendu beaucoup d'exemplaires. Le destin de tout artiste est de vivre dans le désir d'être aimé, et en cela il y a toujours une possibilité de frustration, mais j'ai eu de la chance, je ne peux pas me plaindre !
Vous avez déjà quatre ouvrages traduits en français. Est-ce vous qui démarchez les éditeurs français ?
Mon agent est française, je la laisse donc décider de ces choses. Après trois livres avec une maison d'édition fantastique, Actes Sud, le dernier est sorti chez Philippe Rey. J'ai eu la chance de trouver deux très bonnes traductrices, Margierite Pozzoli et Nathalie Bauer, qui ont réussi à trouver un rythme de phrase français, très proche de l'original.
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