"Souviens-toi des abeilles", le bouleversant roman de Zineb Mekouar sur l'écologie et la transmission

L'écrivaine aborde de nombreux thèmes actuels tout en finesse. Avec une plume empreinte d'empathie, elle donne vie à des personnages attachants et émouvants et dit un monde qui refuse de mourir. Poignant.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Portrait de Zineb Mekouar, autrice de "Souviens-toi des abeilles". (FRANCESCA MANTOVANI / GALLIMARD)

Une abeille, ça ne devrait pas mourir. Ni les grands-pères. L'enfance, ça ne devrait pas être triste. On avait découvert le formidable talent de conteuse de Zineb Mekouar avec son premier livre La Poule et son cumin. Elle revient avec Souviens-toi des abeilles (Gallimard), une fable écologique et une ode à la ruralité et à la tolérance. Un roman puissant et dense sur un jeune garçon de 10 ans, Anir, qui est initié par son grand-père à la nature, à l'appel des abeilles.

Avec une langue poétique, imagée, l'autrice marocaine déploie une écriture envoûtante qui rend l'histoire d'Anir et des siens addictive. Le lecteur respire, pleure, espère, souffre avec cet enfant qui n'est déjà plus un enfant, mais pas tout à fait un homme. "C'est tout petit, une abeille, tout petit, ça ne devrait pas mourir pour une histoire de terre qui s'assèche, ça ne devrait pas mourir, une abeille ; c'est comme un enfant malade, une mère qui ne reconnaît plus son fils, ça ne devrait pas exister, ces choses-là ; des injustices qui brisent tout à l'intérieur, qui nouent le ventre et nous laissent sans souffle. Impuissants. Comment expliquer cela à Anir ? Comment ?".

Le bourdonnement des abeilles

Les faits. Le plus ancien rucher collectif du monde, perché sur un flanc de montagne du Haut Atlas, dans le village d'Inzerki, existe réellement. Il est menacé par le réchauffement climatique. Les abeilles se meurent et le rucher se vide, au grand désespoir de la population. Quand les abeilles ne bourdonnent plus, le silence est synonyme de mort, de désastre écologique. La fiction, ensuite. L'histoire est poignante. Anir grandit au milieu d'un grand-père aimant qui s'évertue à lui transmettre son amour des abeilles et de la terre, d'une mère désertée par la raison et d'un père parti à Tanger perdre ses illusions. Y a-t-il un avenir dans un village abandonné de ses habitants et dédaigné par la pluie ? La ville est-elle la destination inéluctable pour fuir la pauvreté ?

Le temps d'une histoire, d'un livre, Inzerki est le centre du monde. Le présent et le passé y ont élu domicile. L'une des forces de Zineb Mekouar est de narrer une histoire universelle. L'écrivaine aborde de nombreux thèmes actuels avec finesse. Avec une plume empreinte d'empathie, elle donne vie à des personnages attachants et émouvants. Elle dit un monde qui refuse de mourir. Et si l'espoir résidait justement chez Anir, un garçon amoureux des abeilles et de son village ? Souviens-toi des abeilles, un roman initiatique bouleversant.

Couverture du livre "Souviens-toi des abeilles" de Zineb Mekouar. (EDITIONS GALLIMARD)

Extrait : "L'obscurité est là. Les cris aussi. Des cris qui ne lui ressemblent pas, des convulsions qui effraient la mère, accélérant le rythme de ses pas dans cette pièce aux murs immenses. L'enfant est dans ses bras, bercé par cette mélodie qu'il aime pourtant, qui l'a tant de fois apaisé. Ses sanglots font dérailler la voix, d'ordinaire douce, en phase avec la respiration. Plus le nouveau-né se crispe, hurle, plus sa gorge à elle s'assèche ; le rythme s'affole et l'harmonie de la berceuse se brise sur les spasmes du garçon. Le temps se fige, c'est comme un orage qui ne passe pas, piégé dans cette pièce où l'air manque maintenant. Par vagues, les moments d'accalmie soulagent le petit corps qui alors se relâche. Les traits du visage se détendent et la mère essuie, une à une, les minuscules perles formées par les larmes, coincées entre les cils. Un instant, les pleurs s'estompent, laissant place à la voix qui reprend peut-être du courage puisque le son se fait plus juste. Le rythme est là, do, do, da ; grave, grave, aigu."

("Souviens-toi des abeilles", Zineb Mekouar, Gallimard, 19 euros)

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