TGV Lyon-Turin : poursuivi pour "incitation au sabotage", l'écrivain italien Erri de Luca est relaxé
Le jugement a été rendu lundi à Turin. Le romancier s'était mobilisé contre le projet de ligne à grande vitesse transalpine.
Libre. L'écrivain italien Erri De Luca a été relaxé, lundi 19 octobre, par le tribunal de Turin (Italie). Il était jugé pour "incitation au sabotage" du chantier du tunnel Lyon-Turin et s'était dit prêt à effectuer sa peine de prison sans faire appel s'il était condamné.
Le verdict a été accueilli par des vivats et des cris de joie : dans la salle, une centaine de personnes étaient venues soutenir le romancier. "Le délit n'est pas constitué", a brièvement déclaré la présidente du tribunal Immacolata Iadeluca. En attendant les motivations de cette décision, qui ne seront pas connues avant plusieurs semaines, retour en trois questions sur ce procès.
Qui est Erri de Luca ?
A 65 ans, Erri de Luca est un écrivain prestigieux. Edité en France chez Gallimard, ce poète, romancier et nouvelliste est connu pour ses romans souvent âpres, qui se déroulent dans le Naples de son enfance, comme Montedidio, du nom d'un quartier populaire de la ville italienne.
Ses livres reflètent aussi sa vie, marquée par des engagements très forts. Erri de Luca a milité dans sa jeunesse dans le mouvement d'extrême gauche Lotte continua et a longtemps travaillé comme ouvrier, d'où un profil singulier parmi les écrivains contemporains. Grand lecteur de la Bible, il a également puisé son inspiration dans l'Ancien Testament (Les Saintes du Scandale).
De quoi était-il accusé ?
En septembre 2013, Erri de Luca donne une interview à la version italienne du Huffington Post. L'écrivain, qui a rallié les opposants au futur TGV Lyon-Turin, revient sur ce combat. "Les sabotages sont nécessaires pour faire comprendre que le TGV est une œuvre nuisible et inutile",déclare-t-il.
Les dirigeants de Lyon-Turin Ferroviaire, une société franco-italienne dont l’Etat français est actionnaire à 50%, portent plainte pour "incitation à la délinquance". Ils s’appuient, explique Le Monde, sur "un article du Code pénal italien, élaboré en 1930, qui punit l’instigation de crimes terroristes". Le romancier maintient ses propos et estime que la ligne à grande vitesse "doit être sabotée".
Début 2015, un long procès s'ouvre à Turin. Le parquet requiert le 21 septembre huit mois de prison ferme à l'encontre de l'écrivain. Un réquisitoire "a minima" selon Erri de Luca, qui confie alors s'attendre "au maximum", soit cinq ans de prison ferme. Car d'autres opposants au "treno a alta velocita" ont écopé de peines très lourdes. Gianluca Vitale, l'avocat de l'écrivain, avait demandé la relaxe de son client : "on n'emprisonne pas Voltaire", avait-il déclaré citant Charles de Gaulle lorsque Jean-Paul Sartre s'était opposé à l'usage de la torture en Algérie. Il a eu gain de cause.
Qui le soutenait ?
Erri de Luca a fédéré deux combats : d'une part, les écologistes opposés au projet de LGV ; de l'autre, les défenseurs de la liberté d'expression. Comme le remarque Le Monde, depuis près de dix ans, le projet Lyon-Turin "dresse contre lui écologistes et habitants des vallées montagnardes (...) pour qui la montagne est bourrée d’amiante, les sources d’eau risquent de se tarir, la ligne traditionnelle est sous-utilisée et le futur tracé passera à 25 km de Lyon". Ces opposants sont suffisamment nombreux, rappelle Bastamag, pour avoir "retardé de plusieurs années le lancement des travaux".
Les intellectuels se sont également mobilisés, au nom du droit des écrivains à user des mots comme ils l'entendent. Lancé par le sociologue et historien Jean-Marc Salmon, un appel a été signé par près de 9 000 personnes. "Au total, plus de 600 éditeurs, auteurs, journalistes, acteurs, réalisateurs, élus ou avocats de différents pays ont affirmé leur soutien à Erri de Luca en signant cet appel, réclamant aux gouvernements français et italien que la plainte à son encontre soit retirée", rappelle Livres Hebdo. Une mobilisation qui serait allée jusqu'à François Hollande, à en croire le Journal du dimanche. Selon l'hebdomadaire, le président de la République avait évoqué le cas Erri De Luca avec Matteo Renzi, le président du Conseil italien.
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