Cet article date de plus de deux ans.

"Un roman parisien" au Musée Carnavalet : balade dans la capitale sur les traces de Marcel Proust

Pour les 150 ans de la naissance de l'auteur d'"A la recherche du temps perdu", le Musée Carnavalet – Histoire de Paris raconte, à travers une riche et surprenante exposition, les liens du romancier à la capitale, sa ville natale. Jusqu’au 10 avril 2022.

Article rédigé par franceinfo Culture - Camille Bigot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Camille Pissarro, L'avenue de l'Opéra, 1898. (Reims, Musée des Beaux-Arts / Christian Devleeschauwer)

Assis nonchalamment sur une chaise en bois, Marcel Proust, moustache noire et l'oeil cerné, accueille les visiteurs de l'exposition "Un roman parisien" au Musée Carnavalet. "A l'occasion des 150 ans de sa naissance, nous voulions montrer ce que Paris avait fait à Marcel et inversement", résume Anne-Laure Sol, commissaire d’exposition. Jusqu'au 10 avril 2022, l'établissement questionne la place de la capitale dans le roman proustien.

Otto Wegener, Portrait de Marcel Proust, 1895, Collection J.Polge (JEAN-LOUIS LOSI / Adagp, Paris 2021)

"C’est là que Proust a écrit tout son roman"

L’exposition, divisée en deux parties, décrit la vie de Marcel Proust dans la ville lumière, puis son Paris fictif, imaginé dans sa série fleuve, A la recherche du temps perdu. Entre les deux, la chambre de l'écrivain a été reconstituée dans une salle aux teintes orangées. Elle fait le pont entre le réel et la fiction. "C’est là que Proust a écrit tout son roman", indique Anne-Laure Sol. Un morceau de liège trône sous une vitre en verre, "il en avait fait recouvrir tous les murs de la chambre pour s’isoler du bruit", ajoute-elle.

Reconstitution de la chambre de Marcel Proust.  (PIERRE ANTOINE)

Au milieu d’un carnet, d’un encrier et d’un essuie-plume ayant appartenu à Marcel Proust sont exposées des épreuves imprimées du roman, A l’ombre des jeunes filles en fleurs. Elles sont annotées et corrigées à la main par l’écrivain. "Il y a des noms de lieux et de personnages qui ont changé. Par exemple, Bricquebec est devenu Balbec", une ville inspirée de Cabourg, son Grand-Hotel et sa promenade longeant le bord de mer. "C’est émouvant de voir le travail se faire sous nos yeux", confie Anne-Laure Sol.

Paris historique

La partie biographique de l’exposition est structurée autour des différents lieux de vie de l’écrivain. "Nous avons retrouvé les plans des appartements aux archives de Paris, on peut voir où étaient les chambres successives de Marcel", s’enthousiasme Anne-Laure Sol. A travers le parcours de Proust, l’exposition retrace l’histoire même de Paris : "A partir du Second Empire, les familles aristocratiques du Faubourg Saint-Germain commencent à se déplacer vers l’Ouest, dans les quartiers modernes, et font construire d’énormes hôtels particuliers." La famille Proust ne fait pas exception puisqu’après la naissance de Marcel, dans une maison de campagne à Auteuil, elle migre elle aussi rive droite.

Une carte des adresses occupées par Marcel Proust.  (PIERRE ANTOINE)

Le romancier gravite alors entre le Parc Monceau et le Boulevard Hausmann. Les jardins des Champs-Elysées sont un lieu clés de son enfance. C’est là qu’il rencontre Marie de Benardaky, fille d’un diplomate polonais, dont il tombe amoureux. Il s’en inspire pour le personnage de Gilberte, dont son héros s’éprend lui aussi. Le visiteur ne peut s’empêcher de chercher le visage de la jeune fille sur les photos d’enfance du romancier disposées au début de l’exposition.

"Avec quelques moyens, on grandit souvent en photographie dès les années 1880", raconte Delphine Desveaux, docteur en Histoire de l’Art, dans le catalogue de l’exposition. Les clichés parsèment les murs du musée, "il y a des choses qui n’ont jamais été montrées, comme les photographies du père, de la mère et du frère Proust, rue de Courcelles."

Anonyme, Le Docteur Robert Proust et Adrien proust sur le balcon de leur appartement de la rue de Courcelles, entre 1900-1903.  (São Paulo, collection Pedro Corrêa do Lago)

Tableaux et chapeaux

L’exposition joue sur des supports variés, notamment pour illustrer le Paris de La Recherche. En plus d’une carte indiquant les adresses des personnages – souvent proches de celles de Proust - des tableaux recréent l’univers dans lequel l’auteur imagine son récit. "Nous avons privilégié des artistes connus et appréciés de Proust", explique la commissaire. Parmi eux, une oeuvre de Jean Béraud, représentant le Palais de l'Industrie (1890). "Odette, l'un des personnages principaux du premier tome, s'y rend pour une visite. Or l'édifice a été détruit à partir de 1886 pour créer le Grand Palais. Ces détails permettent de dater l’action du roman."

Chapeau haut de forme, omnibus miniature, vase en cristal soufflé… Des objets typiques de l’époque plongent également le visiteur dans l’atmosphère proustienne. Des écrits aussi, comme ceux … du concierge de Proust ! Sous les ordres de l'auteur, il collecte sur des bouts de papier les bruits des rues de la capitale. Proust s'en inspire ensuite pour écrire un passage du roman La Prisonnière, où le narrateur et son amante écoutent à travers la fenêtre ouverte les cris des petits métiers. 

René-Xavier Prinet, Le Balcon, 1905-1906 (Caen, musée des Beaux-Arts / Patricia Touzard)


Des extraits de ses livres, et des adaptations cinématographiques jalonnent le parcours de l’exposition. Elle se termine comme elle avait commencé, par une immense photographie des Champs-Elysées. "Les voitures à cheval représentées sur la photo de départ ont été remplacées par des automobiles, on voyage dans le temps et la ville est un marqueur" conclut Anne-Laure Sol. Cette traversée des époques et des lieux donnera envie de se (re)plonger dans l'oeuvre du grand écrivain. 

Affiche de l'exposition qui a lieu jusqu'au 10 avril 2022.  (Musée Carnavalet - Histoire de Paris)

Exposition "Marcel Proust, un roman parisien" jusqu'au 10 avril 2022. Musée Carnavalet - Histoire de Paris. 23 Rue de Sévigné, 75003 Paris. 01 44 59 58 58. Ouverture du mardi au dimanche de 10h à 18h.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.