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Cinq ouvrages de l'écrivain ukrainien Vassili Grossman, victime de la censure soviétique, publiés ou republiés

Dans les années 1960, Vassili Grossman était victime de la censure du régime soviétique et son œuvre majeure "Vie et destin" n'est parue qu'à titre posthume.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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L'écrivain Vassili Grossman, auteur notamment de "Vie et Destin", en 1951. (RYUMKIN / RIA NOVOSTI / AFP)

Les tourments de l'écrivain Vassili Grossman face à la censure qui le frappe sont à lire dans des souvenirs qui paraissent pour la première fois en français (Souvenirs et correspondance), mercredi 22 février. Les éditions Calmann-Lévy publient ou republient le même jour cinq livres de ce romancier, dont son chef-d'œuvre sur la bataille de Stalingrad, un tournant dans la Seconde Guerre mondiale, Vie et Destin.

Si Grossman avait été en 1942 un reporter très apprécié en URSS pour ses articles venus du front, son roman écrit à la fin des années 1950 paraît beaucoup plus problématique au régime de Nikita Khrouchtchev. Vie et Destin montre que la propagande autour de cette bataille titanesque n'est pas une spécificité nazie et que, pire, les Allemands ont alors énoncé sur le stalinisme quelques vérités désagréables à entendre.

Ses personnages ne sont pas non plus des héros que le récit exalterait à la manière officielle, mais des hommes en proie aux bassesses qu'impose la survie en temps de guerre, menés par des dirigeants peu recommandables. "Cette radiographie du mensonge, qui n'est pas soluble dans la sacro-sainte dialectique, rend Vie et Destin irrecevable pour les hautes autorités. Le roman devient une véritable affaire d'État", raconte en préface de cette nouvelle édition du roman de 1 000 pages Luba Jurgenson, agrégée de langue russe d'origine estonienne.

Perquisition du KGB

Dans Souvenirs et correspondance, livre inédit en français, l'inquiétude de l'auteur natif d'Ukraine transparaît. "À ma grande tristesse, je ne peux rien te dire de plus quant au sort du récit, il a été déprogrammé par le Glavlit avec fracas", explique-t-il à un ami en avril 1959, en faisant référence à l'organisme de la censure et à Tiergarten, une autre fiction sur la Seconde Guerre mondiale.

À l'automne 1960, Grossman remet son grand roman à la revue littéraire L'Étendard. La réponse tombe en janvier 1961 : pas de publication "pour des raisons idéologiques et politiques". "Votre lettre m'a chagriné. Elle n'est pas sincère", répond Grossman à la revue. Il a raison : on a omis de lui dire que le KGB s'était penché sur le livre, pour conclure qu'il contenait "une critique pernicieuse du système socialiste soviétique". L'écrivain a pris ses précautions, en confiant des copies du manuscrit à des amis, quand, en février 1961, le KGB vient perquisitionner à son domicile pour saisir le roman. La suite ? Un silence obstiné.

Un sort tragique

"Un an s'est écoulé depuis. Je n'ai cessé de penser à la catastrophe qui avait bouleversé ma vie d'écrivain, au sort tragique de mon livre. (...) Me priver de mon livre est comme priver un père de son enfant", lance Grossman dans un plaidoyer envoyé directement à Khrouchtchev. Peine perdue : on l'écoute, on ne l'arrête pas, mais toute publication reste exclue. Ses camarades de Stalingrad prennent ses distances avec lui. "Aucun des amis combattants ne m'a appelé, je me suis senti triste", confie-t-il le lendemain de la fête de la Victoire, en mai 1962.

Quand Grossman meurt d'un cancer en septembre 1964, il imagine Vie et Destin condamné à rester dans les limbes du régime communiste. Ce n'est qu'en 1974 que le manuscrit sortira d'URSS, et en 1980 qu'il sera publié, en Suisse, par les éditions L'Âge d'homme. La première traduction française date de 1983, en France, chez Julliard.

Calmann-Lévy a récupéré les droits du roman et l'a fait retraduire. "C'est un engagement fort de la maison", explique à l'AFP son directeur général Philippe Robinet. "Quand Vassili Grossman dit la vérité impitoyable de cette guerre, et qu'il y a, derrière, le cheminement personnel de ce communiste désenchanté, juif athée, écrivain lucide, nous pensons que c'est notre rôle de remettre en lumière un aussi grand auteur".

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