A Londres, John Galliano fait un come back couture pour Martin Margiela
Le directeur artistique a choisi un décor blanc et minimal rappelant l'esthétique de la maison fondée par Martin Margiela, pour présenter cette collection haute couture d'une vingtaine de modèles, devant une centaine d'invités. Robes carmin, traînes, perles, coquillages, chaussures à plate-forme... le couturier britannique a mêlé sa touche théâtrale et romantique aux références d'une maison connue pour son avant-gardisme et son goût pour la déconstruction du vêtement.
Renzo Rosso, le président du groupe OTB détenant MMM, avait salué fin octobre 2014 l'arrivée d'un "couturier unique et exceptionnel au sein d'une maison qui a toujours innové et bousculé le monde de la mode". L'association a surpris en raison du minimalisme caractérisant l'esthétique de la griffe, qui contraste avec la flamboyance des créations du Britannique. Et du profil très médiatique de Galliano, en rupture avec la culture de l'anonymat de la maison créée et dirigée de 1988 à 2009 par le très secret créateur belge Martin Margiela : la direction artistique était assurée jusqu'ici par une équipe et tous les employés sont vêtus d'une blouse blanche.
Sous les applaudissements d'un public qui comptait notamment Kate Moss et Anna Wintour ainsi que des créateurs comme Alber Elbaz (Lanvin) et Christopher Bailey (Burberry), Galliano n'a fait qu'une furtive apparition à la fin de son défilé, vêtu de la blouse blanche qui constitue l'uniforme du personnel de la MMM. Le couturier a décliné toute interview en coulisses. Une attitude conforme à l'esprit de la maison, a commenté Renzo Rosso, président du groupe "Only the Brave" qui détient la griffe parisienne au côté de marques comme Diesel et Viktor&Rolf.
Une "parenté" dans la technique
"Du côté de Margiela, il y a toujours eu une valorisation du côté banal du vêtement, du détail qui généralement n'est pas valorisé, le froissé, les doublures... alors que chez Galliano il y a eu une exacerbation de la magnificence du vêtement", rappelle l'historienne de la mode Lydia Kamitsis, interrogée par l'AFP. L'experte insiste sur les points communs entre le couturier et la maison : "les deux sont dans une même perspective du rapport à la technique vestimentaire, de la valorisation du fait main, de l'attachement au détail, de l'analyse de l'histoire". "Indépendamment du coup médiatique ou du buzz, je pense que Renzo Rosso a bien compris cette parenté qu'il pouvait y avoir", juge-t-elle. Ce défilé pourrait marquer une renaissance pour le designer. "Le monde de la mode a la mémoire très courte, adore ce qu'il a détesté, déteste ce qu'il a adoré, tue comme il fait naître", soulignait encore Lydia Kamitsis.
"C'était une vraie fusion, réussie, entre Margiela et Galliano", a estimé Alexandra Shulman, rédactrice en chef de l'édition britannique de Vogue. Natalie Massenet, présidente du British Fashion Council, le Conseil de la mode britannique, a salué une collection "magnifiquement réalisée" et le "nouveau départ" du couturier. "J'ai trouvé cela magique mais je voulais appuyer sur le bouton pause pour pouvoir étudier davantage les modèles", a confié à l'AFP Christopher Bailey, directeur artistique et directeur général de Burberry, tandis que le créateur espagnol d'escarpins de luxe, Manolo Blahnik se disait "ravi de voir (John Galliano) travailler de nouveau".
Défiler à Londres : un choix "exceptionnel"
Annoncée dès décembre 2014, la décision de présenter ce défilé à Londres plutôt qu'à Paris comme prévu initialement est "exceptionnelle", a affirmé Renzo Rosso. "John vient de Londres, c'est ici qu'il a commencé, c'est ici qu'il voulait recommencer. C'était juste pour se sentir plus à la maison", a-t-il expliqué à l'AFP. "Mais nous sommes parisiens, nous resterons à Paris", a-t-il assuré.
Cette collection "artisanale" sera aussi présentée sur rendez-vous dans la capitale française dans le cadre de la semaine de la haute couture parisienne du 25 au 29 janvier 2015 mais la primeur donnée à Londres a entraîné son retrait du programme officiel de la semaine de la haute couture parisienne.
Un nouveau départ après la disgrâce
Depuis son licenciement par Dior en 2011 après 15 ans passés dans la maison, John Galliano, qui a aussi perdu la marque de prêt-à-porter à son nom, avait disparu des radars de la mode, à l'exception de sa participation à une collection Oscar de la Renta présentée à New York en février 2013.
Le couturier, qui a suivi une cure de désintoxication en Arizona, affirme ne plus boire, avoir fait un gros travail psychologique, et a présenté ses excuses à plusieurs reprises pour les propos tenus, niant être raciste ou antisémite.
Condamné par la justice française à 6.000 euros d'amendes avec sursis, il a toujours pu compter sur quelques soutiens indéfectibles dans la mode. Comme Kate Moss, dont il avait créé la robe de mariée en juillet 2011 ainsi que la rédactrice en chef de Vogue US, Anna Wintour, qui était apparue en signe de soutien dans une robe Margiela par Galliano en décembre 2014 à Londres.
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