Anne Valérie Hash, créatrice de la déconstruction, à la Cité de la mode à Calais
Depuis "Fillemâle", sa première collection en 2001, Anne Valérie Hash affirme son style et définit son identité : un vestiaire masculin totalement débâti pour élaborer un vestiaire féminin. Ainsi, un pantalon d’homme transformé en robe devient emblématique de son travail. Cette expérience fait signature. Déconstruire pour mieux reconstruire, tel est le précepte qui lui sied le mieux. La créatrice équilibre les notions de modernité et de tradition et déséquilibre les symétries et les volumes.
Plus qu’une rétrospective, il s’agit d’une exploration d’un univers en cours de fabrication. Une centaine de pièces vestimentaires uniques, vidéos et documents exclusifs révèlent un vocabulaire stylistique et analysent son processus créatif. Les pièces sont, à l’exception de prêts du Palais Galliera-Musée de la Mode de la Ville de Paris, extraites des archives personnelles de la maison Anne Valérie Hash.
Crayonner signifie "tracer un dessin au crayon ; couvrir une surface de coups de crayon, de dessins et en particulier de gribouillages ; écrire rapidement quelque chose". L’exposition détaille la création en action d’une couturière qui n’aborde pas le travail de couture par le crayon mais par le ciseau et l’aiguille. Il ne sera pas question de croquis ou d’esquisse mais de vêtements et de toiles. Et si trace de crayon il y a, ce serait celle de la craie de tailleur.
Sa couture réside dans ses découtures
Déconstruire pour mieux reconstruire, Anne Valérie Hash coud les contraires et faufile les opposés. Les noirs et les ivoires, les pôles masculin et féminin, l’envers et l’endroit, les temps de l’enfance et l’âge adulte... Elle équilibre les notions de modernité et de tradition, elle déséquilibre les symétries et les volumes mais chemine vers la féminité.On devine dans ses coupés francs et frangés le goût de l’inachevé et dans le non ourlé la trace de l’arrachement. Ses bords laissés à vif, voire volontairement effilochés, sont une frontière en pointillé entre textile et peau. Les dentelles de "Pause" (collection été 2014) en sont l'illustration. Débâti et rebâti, décousu et recousu, accidenté à dessein, chaque vêtement s’observe à travers le détail. Peu importe la torsion des tissus, la désorganisation des patrons, la multiplication des éléments, il s’agit de créer un équilibre à partir du déséquilibre préexistant.
Anne Valérie Hash assemble les opposés
Parmi ses matières de prédilection figure la dentelle tissée, fleuron du patrimoine industriel textile européen. L’inviter à présenter son travail en regard des collections de dentelle, c’est aussi donner à voir l’étendue des possibles auxquels peut se prêter cette matière noble. Dos nus, combinaisons androgynes, robes asymétriques, blouses légères et tops rétro-réfléchissants, la créatrice propose des pièces où la finesse de la dentelle est employée d’une façon subtile. Ses vêtements attestent qu’elle est une fine connaisseuse et amoureuse de cette matière complexe. Ici, la toile de coton et la laine sèche des costumes d’homme se marient aux tulles et aux mousselines de soie tandis que les paillettes et broderies réveillent la matité des étoffes.La Cité de la dentelle et de la mode, un patrimoine vivant
Construite au coeur d’une authentique usine de dentelle datant du XIXe siècle, la Cité internationale de la dentelle et de la mode présente les savoir-faire, les techniques, les secrets de fabrication mais aussi les aspects les plus contemporains de la dentelle Leavers de Calais. Sa façade de verre et d’acier inspirée des cartons Jacquard est une dentelle miroitante. 2500 m2 d’exposition permanente sont consacrés à l’histoire et aux techniques de la dentelle à la main, à l’aventure industrielle de la dentelle à Calais, aux métiers de la dentelle mécanique et aux ateliers de production, à la mode en dentelle au XX et XXIe siècle, au présent et au futur de la dentelle. Un espace de 500 m2 est réservé aux expositions temporaires. La Cité met à l’honneur la création contemporaine dans sa galerie d’actualité.Lieu de vie et carrefour d’échange, la Cité se veut être un outil et une vitrine pour la profession, contribuant au rayonnement de la capitale mondiale de la dentelle mécanique. Témoin de l’épopée industrielle de Calais, elle dévoile ses secrets de fabrication avec la découverte de quatre métiers Leavers en fonctionnement et des tullistes professionnels qui y produisent la dentelle de Calais.
Après six ans d’ouverture, la Cité confirme sa position de lieu incontournable de la mode. Les dernières expositions en attestent : Plein les yeux !, autour des costumes de cinéma et de scène et des formes spectaculaires emblématiques de la mode depuis la Renaissance, Iris Van Herpen, jeune prodige de la mode et styliste avant-gardiste, Sensations : on aura tout vu, à la découverte d’un univers créatif singulier et poétique fondé sur l’exploration et l’expérimentation de techniques artisanales et techno-logiques et Balenciaga, magicien de la dentelle.
Informations pratiques
Exposition "Anne Valérie Hash. Décrayonner" du 1er avril au 13 novembre 2016. Cité internationale de la dentelle et de la mode. 135, quai du Commerce. 62100 Calais. Tous les jours sauf le mardi. De 10h a 18h. Fermeture le 1er mai. www.cite-dentelle.fr
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