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AprĂšs l'enfer libyen, des migrants se reconstruisent dans un atelier de sacs en Italie

Des travaux forcés en Libye à un emploi dans une start-up de mode italienne, Bassirou a fait du chemin en deux ans. Le Burkinabé de 26 ans a appris l'Italien et suivi une formation à la fabrication de sacs à main en cuir prÚs de Bologne. Pour lutter contre l'immigration clandestine, l'association Lai-Momo lui a permis d'acquérir des compétences.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Des migrants posent devant leurs réalisations, des sacs en cuir. Italie, décembre 2017
 (MIGUEL MEDINA / AFP)
AprÚs 15 mois d'apprentissage, il a été le premier embauché dans le cadre de ce projet destiné à des demandeurs d'asile et voué à terme à devenir une véritable entreprise. "C'est une grande opportunité pour moi", explique-t-il. "J'avais déjà fait ce type de travail mais c'était avec du tissu, pas du cuir. Au début, ce n'était pas du tout facile (...) mais on s'habitue."

Bassirou a abandonné sa compagne enceinte de leur fille

Craignant pour sa vie aprÚs le coup d'Etat militaire de 2015 au Burkina Faso, Bassirou est parti en laissant derriÚre lui sa compagne enceinte de leur fille, ùgée aujourd'hui de 2 ans. Aujourd'hui, il attend la réponse à sa demande d'asile en Italie, comme les 400 migrants dont s'occupe l'association Lai-Momo, qui a lancé avec des fonds européens ce projet de formation à la couture du cuir dans la ville de Lama Di Reno, prÚs de Bologne, en Italie. 
Des migrants dans l'atelier de fabrication de sacs à Lama di Reno, décembre 2017
 (MIGUEL MEDINA / AFP)
Partir de chez lui a Ă©tĂ© une dĂ©cision difficile mais son passage par la Libye a atteint des niveaux d'horreur qu'il n'imaginait pas. Lui n'a pas Ă©tĂ© surpris par les images d'esclaves noirs vendus aux enchĂšres. "Ce sont des choses qui se passent vraiment", a-t-il assurĂ©. Il a Ă©tĂ© dĂ©tenu dans un centre oĂč l'on venait le chercher chaque jour pour toutes sortes de travaux. "On ne nous donnait presque pas Ă  manger... Tout ça c'est de l'esclavage." Il raconte avoir Ă©tĂ© maintenu par les trafiquants dans ces conditions durant quatre mois, avant d'ĂȘtre mis avec plus d'une centaine d'autres migrants sur un canot pneumatique. Ils ont Ă©tĂ© secourus par des Britanniques: "Il y a eu des bousculades et l'eau a commencĂ© Ă  entrer dans le bateau. Mais comme ils Ă©taient lĂ , ils ont pu tous nous sauver." C'Ă©tait le 20 mars 2016. "Ce sont des choses qu'on ne peut pas oublier", dit-il.

Des cours d'italien, une vraie formation

Il rĂȘve d'ouvrir sa boutique. Mais son avenir est encore incertain comme celui des 200.000 demandeurs d'asile hĂ©bergĂ©s dans le rĂ©seau surchargĂ© des centres d'accueil en Italie. Mais Bassirou a bĂ©nĂ©ficiĂ© de cours d'italien et d'une vraie formation. "En faisant ça, tu vas avoir des pensĂ©es positives et non nĂ©gatives, parce que tu espĂšres qu'Ă  la fin, tu auras un mĂ©tier."
Un migrant dans l'atelier de fabrication de sacs à Lama di Reno, décembre 2017
 (MIGUEL MEDINA / AFP)
15 migrants ont achevĂ© le premier cycle de formation et 18 autres l'ont entamĂ©, dont Issa, 21 ans, compatriote de Bassirou passĂ© lui aussi par les camps d'esclavage libyens. SoulagĂ© aujourd'hui d'ĂȘtre libĂ©rĂ© de l'ennui usant de son premier centre d'accueil en Italie. "On dormait tout le temps, sans rien faire", raconte-t-il. "Maintenant je suis plus dĂ©tendu, j'ai des contacts avec les habitants et je commence Ă  apprendre la langue." Tous les apprentis n'atteindront pas la dextĂ©ritĂ© de Bassirou. D'autant que certains doivent d'abord acquĂ©rir une instruction de base pour pouvoir appliquer sur le cuir des rudiments de mesures et de gĂ©omĂ©trie.

Créer des opportunités économiques dans les pays en voie de développement

"L'objectif est de fournir aux gens des compétences qui vont les aider à entrer sur le marché du travail, ici en Italie ou éventuellement dans leur pays d'origine s'ils y retournent", explique Andrea Marchesini Reggiani, président de Lai-Momo. Son projet s'inscrit dans un programme plus large de l'Initiative de mode éthique, gérée par l'ONU et soutenue par l'Organisation mondiale du Commerce : pour lutter contre l'immigration clandestine, elle vise à créer de nouvelles opportunités économiques dans les pays en voie de développement.
L'atelier de fabrication de sacs Ă  Lama di Reno oĂč travaillent des migrants, dĂ©cembre 2017
 (Miguel MEDINA / AFP)
Le prĂ©sident de Lai-Momo reconnaĂźt que pour ces gens qui ont tant souffert et fait tant de sacrifices pour rejoindre l'Europe, la question d'un retour est loin d'ĂȘtre simple. Mais "pour nous, l'important est de leur donner des compĂ©tences. Qu'ils les utilisent ici ou qu'on leur refuse le droit de rester, on leur offre une chance, un petit plus."

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