Chine : l’art de la broderie sur les petites chaussures des femmes aux pieds bandés
Instaurée à partir du Xe siècle, la coutume chinoise fixant une taille minuscule de pointure a duré plus de 1.000 ans et touché 2 milliards de femmes. Source de souffrance, elle les empêchait de voyager et de travailler. Elle fut officiellement interdite en 1912 par le gouvernement de la république de Chine, mais comme elle demeurait symbole de raffinement et de féminité, la pratique a perduré dans la clandestinité. Ce n'est qu’à partir de 1949, que cette tradition disparut, après l'instauration de la République Populaire de Chine.
Gages de plaisir charnel
Cet héritage culturel est le reflet d’enjeux sociologiques tel que les critères esthétiques, l’expression de soi et la place de la femme dans une société patriarcale. En Chine, le pied était considéré comme l’une des parties les plus érogènes du corps et sa petitesse gage de beauté, de charme secret et de plaisir charnel. Ils pouvaient déterminer le choix d’un mari et avaient une grande importance dans les rites de la vie sociale. Le corps lui aussi était métamorphosé. Au rythme des petits pas la démarche devenait plus souple, lente et suggestive.Plus parlant que le visage
"Beaucoup de femmes voulaient se bander les pieds car c’était à la mode. C’était sensuel" insiste la commissaire et organisatrice de l'exposition Ziqi Peng avant d'ajouter "A l’époque, la taille du pied était plus parlante que la beauté du visage".Ces petites chaussures sont issues de collections privées.
Le savoir-faire des brodeurs
Elles démontrent la délicatesse et l’inventivité d’un art qui combine la création des formes, la richesse des matières et le travail délicat de la broderie. Cet art s’est renouvelé par des variations de matières (coton, soie, fils d’or, bois, bambou et même céramique pour les semelles) et une grande richesse de coloris et de motifs. "Ce patrimoine vivant perdure aujourd’hui en Chine et les artisans brodeurs sont très respectés" précise Ziqi Peng, experte en art et culture franco-chinois.De 7,5 à 10 centimètres
La première section dévoile des chaussures liées au rituel du mariage. "C’est à 5 ou 6 ans qu’on commençait à bander les pieds des jeunes filles. Les chaussures portées étaient de plus en plus petites : le but étant d’obtenir - lorsque les jeunes filles devenaient adultes - un pied dont la longueur idéale, pour être qualifiée de Lotus, se situait entre 7,5 et 10 centimètres" précise-t-elle.Signes de prospérité, fécondité, fortune et longévité
La 2e section aborde les significations symboliques. "Ces chaussures étaient souvent conçues ou brodées avec un raffinement extrême par les femmes elles-mêmes, qui avaient appris ce savoir-faire auprès de leur mère. Mais il y avait aussi des ateliers de brodeurs, des Lotus store. Le choix des motifs avait toute son importance car ils faisaient figurent de symboles" précise Ziqi Peng. Les motifs souvent végétaux ou géométriques signifient le plus souvent la prospérité, la fécondité, le bonheur, la chance, la fortune et la longévité. "La pivoine par exemple est symbole de prospérité, de beauté idéale tandis que le Lotus exprime la pureté et la grâce" indique la commissaire de l'exposition.Signe d’aisance sociale et de distinction
La troisième section s'intéresse aux différentes étapes de la vie des femmes après le mariage à l’époque de la dynastie Qing. "Les modèles blancs et beiges étaient portés pendant les périodes de deuil" et "la couleur noire était réservée aux femmes âgées" ajoute Ziqi Peng. "Le pied de lotus" était signe d’aisance sociale et de distinction.Dix autres modèles de chaussures déclinent différents types de techniques.
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