Designers Apartment 2018 : des créateurs bien en phase avec leur époque
Les marques GNDR et Niüku prônent un courant très actuel, le non-genre, en passe de devenir un ADN pour de plus en plus de créateurs. Autre point commun : une création réalisée dans leurs ateliers parisiens, un principe fondateur pour beaucoup de créatifs aujourd'hui.
Le non-genre
Cette marque de prêt-à-porter qui se veut "sans distinction de genre" car "le genre est une attitude" indique l’un de ses deux créateurs est toute jeune. Elle a été créée à Paris en 2017. La direction artistique est portée par Victor & Louis, tous deux parisiens. Ils se sont d’abord rencontrés autour de leur passion pour la musique avant de créer GNDR. Ils trouvent leurs inspirations dans des domaines aussi variés que la peinture, l’architecture ou la photographie mais c’est leur vision de la société contemporaine et leur quotidien qui vient définir les thèmes abordés dans chaque collection. En produisant dans des ateliers basés à Paris, GNDR allie l'artisanat français aux meilleurs fournisseurs de tissus de France, d'Italie et du Japon.
La collection "Chère Agnès" interpelle par sa thématique. "Elle est inspirée d'Agnès Richter, une couturière allemande atteinte d'une maladie mentale et internée dans un hôpital psychiatrique vers la fin du XIXe siècle. Pendant son séjour, elle continue à s’exprimer via la création de vêtements à partir de pratiquement rien. Cela constituait en quelque sorte un art brut" précise l'un des créateurs avant d'ajouter : "On retrouve cette folie, ce message social dans nos vêtements : les boucles des camisoles de force se retrouvent sur les manches des vestes, des messages Help sont répétés sur les jambes d’un pantalon, une accumulation de mots sur le dos d’une veste évoque cette folie… ".
Le Label parisien Nïuku - prononcer New Kou - naît en 2013 de la rencontre entre Kadiata Diallo et Lenny Guerrier. Lenny Guerrier a à son actif un cabinet de curiosités-concept store dans le Marais, Coïncidence, où jeunes créateurs côtoient mobilier design du XXe siècle et pièces rares d’archives. Il développe en parallèle "futur institute", une agence de consulting. Kadiata Diallo est issue du Studio Berçot et ancienne assistante achats et D.A. de Coïncidence.
Niuku, dont l’unisexe est aussi le signe distinctif, propose des collections conçues à Paris avec le support d’une équipe créative. Minimales et androgynes, ces dernières sont pensées pour traverser les saisons et les cycles de mode. Tout est fabriqué en France, c’est un parti-pris.
Passion latex et technologie
Pour Arthur Avellano et Clara Daguin, le discours est tout autre : il s’agit, ici, de s’intéresser au matériau et à ses performances. Passion latex pour le premier et fusion entre technologie et matière artisanale pour la seconde.Diplômé de l’école supérieure des Beaux-Arts de Toulouse, Arthur Avellano vient à la mode après des expériences au sein de collectifs artistiques. Il intègre l’Atelier Chardon Savard dont il ressortira avec une collection primée au salon Who’s Next "Best graduate collection". Il travaille actuellement dans un atelier partagé, l'Atelier de Paname, avec plusieurs artistes, où il peut enrichir son univers créatif.
"Le latex que j’utilise attire l’attention. Banni du vestiaire classique, à la frontière de l’objet et du tissu, son évocation inconvenante de par sa connotation sexuelle est idéale pour véhiculer un message insolent" explique le créateur qui rajoute "avoir transformé cette matière pour la rendre portable. En collaboration avec des laboratoires spécialisés, j’ai inscrit l’originalité de ma marque dans une recherche textile innovante en développant ma propre matière, un latex hybride, aux propriétés d’utilisation proche du cuir. Ce latex passe en machine avec une lessive spéciale. Il a subi des traitements, est passé dans des bains. C’est une bonne alternative au cuir". Son panel textile est enrichi par l’utilisation de matières nobles - aussi sensoriellement évocatrices que le latex : le cuir et le néoprène sont aussi associés à l’univers fétichiste. Pour sa deuxième collection, intitulée Le Banquet, il puise son inspiration dans l'univers de la tragédie classique de la vengeance du film de Peter Greenaway "Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant". Il nous plonge dans un univers sombre où la couleur a toute son importance. Ici, il poursuit sa collaboration avec la styliste Léa Cellier.
Clara Daguin est née en France et a grandi dans la Silicon Valley. Son approche est une symbiose du travail de la main et des technologies émergentes. Il est extrêmement important pour elle d’entretenir un lien avec le savoir-faire manuel traditionnel dans un monde de plus en plus dominé par la technologie, tout en intégrant l’innovation au sein même du travail. Elle est basée à Paris.
"Ma collection, déclinée en lumières ou dans des matières réfléchissantes, illumine l'énergie qui est en nous" explique la créatrice pour qui "le led est un matériau qui m'intéresse pour expérimenter des choses. J'aime l'idée d'intéractivité, d'injecter quelque chose de physique dans un vêtement. "Aura Inside" est une création hybride à la frontière entre le vêtement et l’installation artistique interactive. C’est une pièce qui créée une expérience du porté et permet de vivre le vêtement couture. Son nom évoque la révélation de notre énergie invisible et son émanation. Le devant et le dos sont séparés pour que le public puisse se glisser à l'intérieur. La silhouette est cosmique, brodée et lumineuse. Les motifs sont nourris par l’idée de l'infini, les constellations, ce qui est impalpable et ésotérique". "Aura Inside" donne naissance à une collection de prêt-à-porter féminin, plus sportive, dans laquelle on retrouve les codes de cette pièce expérimentale - le cercle, les motifs de broderie, les jeux de lumière.
Designers Apartment, tremplin pour jeunes talents
Pour aider les jeunes créateurs à se faire connaître, la Fédération de la Couture et de la mode, organisatrice de la Fashion Week, a mis en place depuis 2012 un showroom qui se tient jusqu'au 6 mars au Palais de Tokyo. Pour sa 12e édition, 13 créateurs ont été retenus : Afterhomework (Paris), Coralie Marabelle, DA/DA Diane Ducasse, Dawei, Kenta Matsushige, Mazarine, Quoi Alexander, Proëmes de Paris et Savoar Fer. Nouveaux venus : Arthur Avellano, Clara Daguin, GNDR et Nïuku.Mentions spéciales également au créateur japonais, Kenta Matsushige, et au créateur chinois Dawei Sun, qui offrent saison après saison un vestaire toujours bien construit et à la belle élégance.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.