Hubert de Givenchy, maître de l'élégance parisienne, est mort
"Monsieur de Givenchy s'est éteint dans son sommeil le 10 mars 2018. Ses neveux et nièces et leurs enfants partagent sa douleur", écrit le couturier Philippe Venet. "Ses obsèques seront célébrées dans la plus stricte intimité", précise-t-il.
De son premier défilé en 1952 à son départ en 1995 de sa maison de couture, vendue en 1988 au groupe LVMH, Hubert de Givenchy a marqué pendant quarante ans le monde de la mode par l'élégance de ses créations, comme la célèbre robe noire portée par l'actrice Audrey Hepburn dans "Breakfast at Tiffany's".
"Parmi les créateurs qui ont définitivement installé Paris, à partir des années 1950, au sommet de la mode mondiale, Hubert de Givenchy a donné à sa maison de couture une place à part. Tant dans les robes longues de prestige que dans les tenues de jour, Hubert de Givenchy a su réunir deux qualités rares : être novateur et intemporel", a réagi Bernard Arnault, à la tête du LVMH.
La maison de couture a également rendu hommage à son fondateur dans un communiqué, saluant une "personnalité incontournable du monde de la haute couture française, symbole de l'élégance parisienne pendant plus d'un demi-siècle. Aujourd'hui encore, son approche de la mode et son influence perdurent. (...) Son oeuvre demeure aussi pertinente aujourd'hui qu'alors".
La naissance d’un style
Sa première collection est présentée le 3 février 1952 dans un hôtel particulier où il créera et présentera ses collections jusqu’en 1959, année où il déménage avenue George V. Ayant lancé sa première collection avec un budget serré, son intention était de faire une unique présentation sur mannequins vivants avant de présenter, dès le lendemain, les modèles sur mannequins de couture. Or, l’enthousiasme est tel qu’Hubert de Givenchy modifie ses projets et organise, dès le lendemain, des présentations sur mannequins vivants, ces derniers, amies ou employées, ayant accepté de revenir travailler gracieusement. Il présente alors des separates, concept mis au point alors qu’il dirigeait la boutique d’Elsa Schiaparelli. Ce sont des pièces plus simples, plus confortables et accessibles que celles de la haute couture. Elles peuvent être vendues telles quelles, sans essayages, portées "mélangées". Elles sont réalisées dans de beaux tissus mais plus modestes que ceux utilisés en haute couture : organdi, popeline de coton ou shirting, un tissu utilisé par des petites couturières pour la réalisation de leurs toiles patrons car bon marché. Les tenues sont accompagnées d’accessoires originaux et décalés et le résultat fait jeune, frais et gai. L’engouement est immédiat.
Au début des années 1950, quand Hubert de Givenchy lance sa maison, la mode est régie par des règles strictes qui déterminent les types de vêtements qui conviennent selon les heures du jour, le calendrier social et l’âge de l’élégante. Le couturier propose alors des vêtements confortables, dans des tissus simples aux imprimés et broderies gaies et ludiques, dans des prix plus accessibles que ceux pratiqués en haute couture. Il est en harmonie avec l’esprit sportswear qui se répand aux Etats-Unis, et en avance sur l’avènement du prêt-à-porter en France qui ne sera pas développé à une échelle industrielle avant la fin des années 1950.
La rencontre avec Balenciaga, son mentor
En 1953, deux rencontres orientent sa vie. Lors d’un voyage à New York, il fait la connaissance de Cristóbal Balenciaga, qu'il admire depuis son plus jeune âge. Ainsi naissent une amitié et un soutien indéfectible de plus de vingt ans jusqu’au décès de Balenciaga en 1972. "Il était profond, sans ambages" disait Givenchy de son mentor. "J’avais travaillé avec Fath, Piguet, Lelong et Schiaparelli mais quand je l’ai connu j’ai pris conscience que je ne savais rien". Des interminables conversations entre les deux créateurs nourrissent l’art d’habiller du jeune couturier : le dos et les manches conçus avec le moins de coutures possibles, la simplicité des lignes, le mouvement indépendant du corps féminin et du textile, et l’importance de respecter les caractéristiques propres à chaque textile et à en tirer le meilleur parti.La rencontre avec Audrey Hepburn, sa muse
Quant à la rencontre entre Hubert de Givenchy et Audrey Hepburn, cette dernière part d’un malentendu. Une amie commune annonce à Hubert de Givenchy que Mademoiselle Hepburn souhaite le rencontrer. La jeune Audrey étant peu connue en France, le couturier imagine que la demande émane de la comédienne Catherine Hepburn, dont il est admirateur. Mais Audrey Hepburn est venue lui demander de réaliser ses costumes pour le futur film "Sabrina" de Billy Wilder. C’est le début d’une amitié et d’une collaboration professionnelle qui amèneront au style Audrey Hepburn, cette dernière habillée au cinéma, comme dans la vie, par Hubert de Givenchy. Impossible d’oublier les tenues de l’actrice dans les films "Sabrina" en 1954, "Drôle de frimousse" en 1957, "Diamants sur canapé" en 1961, "Charade" en 1963 ou "Comment voler un million de dollars" en 1966.Plus qu'aucune autre, Audrey Hepburn incarnera le style Givenchy, cette élégance sans ostentation à la fantaisie discrète, à la simplicité confortable, classique mais pas austère.
1995, Hubert de Givenchy vend sa maison
En 1988, Hubert de Givenchy vend sa maison de couture au groupe LVMH mais reste directeur artistique. Il jettera l'éponge en 1995. "J'étais devenu un simple employé dont on bafouait le nom", expliquait-il. En juillet 1995, il présente sa dernière collection de haute couture, dédiée à son personnel, en présence d'Yves Saint Laurent, Christian Lacroix, Jean-Louis Scherrer, Kenzo, Paco Rabanne, Valentino... Une collection qu'il a voulue "toujours plus épurée, plus simple", guidé par le souci de "parvenir à l'essence même d'un manteau, d'une robe, d'un tailleur". En octobre, son ultime collection de prêt-à-porter, accueillie par une ovation, met un point final à sa carrière de couturier, au regard sévère sur la mode actuelle."On parle du luxe comme on n'en a jamais autant parlé", disait-il dans un documentaire diffusé sur la chaîne Paris Première en 2015. "Il y a de plus en plus de robes mais pas de direction, des sacs avec des chaînes, des chaussures presque importables. Si c'est ça le luxe, ça n'a qu'un temps".
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