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"Je ne me suis jamais découragé" : le Camerounais Imane Ayissi bouscule le monde de la haute couture parisienne

Le créateur camerounais est le premier ressortissant sub-saharien à présenter sa collection de haute couture à Paris, jeudi.

Article rédigé par Sophie Auvigne - Édité par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Imane Ayissi dans son atelier à Paris, le 17 janvier 2020. (SOPHIE AUVIGNE / RADIO FRANCE)

Ce n'est pas à l'école qu'Imane Ayissi est devenu designer, mais en observant les grandes maisons parisiennes, lorsqu'il était mannequin pour Saint Laurent, Cardin, ou encore Alaïa : "Quand j'étais à Yaoundé, pendant mon enfance, je ne pouvais pas imaginer que je pourrais faire cette route", confie-t-il à franceinfo.

C'est la première fois qu'un Africain d'origine subsaharienne présente sa collection de haute couture à Paris. Le styliste, arrivé du Cameroun il y a presque 30 ans, fait découvrir des savoir-faire africains peu connus lors de son défilé jeudi 23 janvier. Il rejoint ainsi le cercle très fermé des grandes maisons du calendrier officiel de la haute couture parisienne.

Il ne faut pas être pressé, faut prendre le temps.

Imane Ayissi

à franceinfo

"Il faut comprendre le monde de la mode, explique Imane Ayissi. On pourrait dire de certains qu'ils sont racistes, qu'ils ne veulent pas de Noirs... Mais à partir du moment où on a compris comment ça fonctionne, on essaye de s'intégrer petit à petit. J'ai entendu tellement de choses sur le racisme, mais je ne me suis jamais découragé."

Imane Ayissi n'a pas toujours été aussi sage. Exemple avec ses premiers défilés : "Il y a quelques années, je ne mettais que des femmes noires", raconte-t-il, en opposition aux défilés de Chanel, ou Dior, où il n'y avait parfois que des femmes blanches. "Ces défilés-là, je les ai faits par provocation, parce que je voulais voir comment les gens réagissaient. Mais les premiers à me dire 'il n'y a pas de Blanches, de rousses, de blondes', c'était des Noirs."

"Trouver du travail sur place"

Aujourd'hui, c'est plutôt la diversité des tissus africains qu'Imane Ayissi fait défiler. Confectionnés en Afrique, souvent par des femmes qu'il aide : "Les moyens manquent. On souhaiterait que le Cameroun s'implique un peu plus, affirme le styliste. Surtout pour que les Africains puissent trouver du travail sur place dans le domaine de la mode. Il faut arrêter de croire qu'il faut forcément se lancer dans des voyages [immigrer en traversant la Méditerranée], sinon on va finir par mourir dans la mer, alors qu'on pourrait rester sur place."

À Paris, j'ai trimé, j'ai souffert pour arriver là où je suis.

Imane Ayissi

à franceinfo

Imane Ayissi encourage les jeunes de son pays à rester sur place, alors même que lui est venu à Paris... "Oui, mais tout le monde ne peut pas venir à Paris !, défend-t-il. Paris, c'est l'eldorado et en même temps ce n'est pas l'eldorado dont on rêve. Mais si c'était à recommencer, je recommencerais tout de suite."

Un joli manteau à la main, il vient soudain à Imane Ayissi une idée. "C'est un manteau très mélangé au niveau des tissus : on a un tissu qui vient du Burkina Faso, on a de la soie française, du coton qui vient de Chine... J'aurais rêvé de voir ça porté par Jacqueline Kennedy... ou alors pourquoi pas notre première dame ?"

Et au styliste de développer son invitation : "Elle a quand même de l'allure notre Brigitte [Macron] ! C'est une première dame qui ose porter certaines choses, donc pourquoi pas des vêtements qui viennent de designers africains. Tout l'honneur sera pour moi !" Imane Ayissi envisage bientôt de demander la nationalité française.

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