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Jean-Charles de Castelbajac, 50 ans de mode et toujours l'art dans la peau
Jean-Charles de Castelbajac, qui fête en 2018 ses 50 ans de création, a créé des vêtements en s'associant à de nombreux artistes, de Ben à Robert Combas, et à de multiples marques, de Weston à Rossignol. Des échanges qui nourrissent aussi ses toiles et dessins à découvrir dans l'exposition I WANT. "The empire of collaboration", à partir du 3 février dans la galerie Magda Danysz à Paris.
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"L'art a inspiré ma mode, aujourd'hui la mode inspire mon art", résume ce créateur de 68 ans dont une centaine d'oeuvres sont exposées (et vendues) jusqu'au 17 mars 2018 dans la galerie Magda Danysz à Paris.
50 ans de création...
En 1968, le nom Castelbajac se fait une place unique dans le monde des créateurs français en décloisonnant l’art et la mode, en apportant sa vision singulière et imaginaire de la création. 50 ans plus tard, la marque emblématique de l’univers pop-poétique rayonne toujours avec la même intensité. En 2018, art, événements, nouveautés et collaborations sont à l’honneur avec le lancement de son nouveau site internet et de son nouveau magazine bimensuel "Arty Culture".Un monde imaginaire et onirique qu'il cultivait déjà enfant avec ses crayons et ses pinceaux. A sa tante qui lui disait : "Jean-Charles, il y a un problème. Nous avons eu notre nom à la pointe de l'épée, pas à la pointe du crayon, ni de l'aiguille", il répondait malicieusement un jour "le futur de notre nom sera le crayon".
... et de collaborations
Les marques sont omniprésentes dans son oeuvre qui exprime son goût pour les logos, notamment pour le travail de Raymond Loewy, père du design industriel. Une fascination que "JCDC" rapproche de son intérêt pour les blasons pendant ses années de pension dans un château. L'héraldisme lui a inspiré ses couleurs de référence, rouge, jaune et bleu, constantes dans sa mode joyeuse et pop. Des couleurs primaires utilisées par exemple dans une collaboration avec Weston en 1983, pour enhardir un mocassin traditionnel, qui s'est retrouvé du même coup propulsé dans la garde-robe des "Sapeurs".Dans les collaborations, le créateur apprécie "le mélange de deux histoires" et le "choc des contraires qui donne quelque chose de presque dadaïste". Une attirance pour les contrastes qui lui vient également d'un souvenir d'enfance : "Mon père m'avait emmené à une chasse en Angleterre quand j'avais douze ans. J'avais été stupéfait par l'élégance du maître des lieux, qui était habillé en tweed de Savile Row mais portait des gants Mapa roses pour tenir son fusil sous la pluie !".
Sa carrière dans la mode a été égrenée de coups de foudre artistiques avec cet éternel désir de transcendance en créant une oeuvre à deux avec l’excitation du danger de se confronter à d’autres talents. Ainsi sont nées ses robes-tableaux avec Hervé Di Rosa, Ben, Barcelo, Jean-Charles Blais, Gérard Garouste, Robert Malaval, Annette Messager... des invitations de défilés avec Keith Haring, Robert Mapplethorpe, Cindy Sherman, des décors de défilés avec Xavier Veilhan, les Poirier, Pierre Bismuth... Il crée aussi, dès les années 70' et 80', des vêtements intégrant les personnages de cartoon de Walt Disney et l’iconique Snoopy.
L'exposition I WANT. "The empire of collaboration"
Les oeuvres de cette exposition - dernier chapitre du triptyque artistique initié en 2009 - teintées parfois de poésie, parfois d'ironie, évoquent ses sources d'inspiration personnelles mais questionnent également les phénomènes d'appropriation et le mercato accéléré des créateurs dans l'industrie de la mode.Il dépeint avec ironie, au travers de peintures, dessins et mobiles, le risque d’une perte d’identité pour l’artiste et la marque et l’amnésie des codes et de l’ADN de chacun des duellistes qui habitent certaines collaborations.
De grandes toiles sont frappées des mots "catho", "punk" et "aristo", qualificatifs associés à cet artiste qui a été proche de Malcolm McLaren, manager des Sex Pistols, et conçut en 1997 les vêtements liturgiques des prêtres, évêques et du pape Jean Paul II lors des JMJ à Paris. Un tableau représente "le nouveau culte", celui des marques : la croix est le "X" symbolisant les collaborations, et les noms de "12 apôtres modernes" sont écrits à la manière du logo de Supreme, marque de streetwear. Une autre oeuvre fait cohabiter la main de Mickey Mouse, la virgule de Nike sur Félix le chat, un tableau de Mondrian en forme de sneaker.
Autant de satires d'une société où règne la confusion culturelle ? "Je ne fais que poser des questions", dit Jean-Charles de Castelbajac, chez qui la galeriste Magda Danysz apprécie "le ton à la fois heureux, bienveillant et en même temps critique". "Il nous laisse interpréter, souligne-t-elle mais tout n'est pas qu'angélique, est-on dans un trop plein, une grande machine à laver, un grand mercato de la mode et de l'art ? On peut se poser ces questions-là dans beaucoup d'autres domaines".
Un retour en 2019 avec une nouvelle maison
Si le créateur ne présente plus de collection depuis 2014, il compte bien revenir, "à partir de 2019", avec "une nouvelle maison, un concept total qui mêlerait environnement et design". "J'ai envie d'une pure modernité", dit-il, jugeant la mode actuelle trop tournée vers le vintage. Pour ce créateur, qui travaille avec Rossignol et Le Coq Sportif, le "seul progrès" actuel dans ce domaine est lié au sport: "c'est là où il y a une nouvelle technologie, où l'on fait des recherches de matières, où l'on cherche une nouvelle ergonomie".Il estime avoir été beaucoup copié. "On est dans un drôle moment de karaoké, les gens piquent les idées. La précipitation du rythme fait que l'imaginaire n'a plus le temps de se reposer".
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