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La passion du wax d'Atelier Mansaya et Maison Château Rouge : deux façons de s'approprier ce tissu du continent africain

Le tissu wax inspire la jeune garde des créateurs. Les griffes Atelier Mansaya et Maison Château Rouge en ont fait leur fer de lance. Deux façons de vivre le wax. 

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
A gauche, les créations Atelier Mansaya, à droite les créations Maison Château Rouge pour l'été 2019 (ARTHUR ENARD (MANSAYA) & CHATEAU ROUGE)

Ce tissu en coton venu d’Afrique sub-saharienne, souvent associé au pagne et aux tenues traditionnelles africaines, séduit aujourd'hui une clientèle parisienne, londonienne, milanaise ou new-yorkaise. 

Le wax - tissu emblématique de l’Afrique - n’en est pourtant pas originaire. Ce batik indonésien - imprimé à la cire par des machines à gros cylindres sophistiquées - est fabriqué et produit par des Hollandais dans l’usine Vlisco depuis 1846, puis expédié en Afrique où il a ensuite été adopté. Son origine correspond à l’arrivée des premiers Européens en Afrique de l’Ouest. Ghana, Côte d’Ivoire et Togo sont les trois pays précurseurs. 

Atelier Mansaya et Maison Château Rouge : deux visions du wax

Ce tissu - dont des motifs classiques des années 1920 ou 1950 ont traversé frontières et décennies - est reconnaissable à ses motifs exubérants, graphiques, humoristiques ou populaires et à ses couleurs vibrantes. Jeunes griffes ou marques installées - Dior a collaboré avec l’entreprise Uniwax, en Côte d’Ivoire pour sa croisière 2020 - offrent au wax une nouvelle énergie avec leurs créations glamour. 

Atelier Mansaya, né sous l'impulsion de Rose Dema et Adama Togola, il y a 13 ans, et Maison Château Rouge, fondée par Youssouf et Mamadou Fofana en 2015, qui ont fait du wax leur fer de lance créatif, adoptent une démarche différente. Si Atelier Mansaya le chine directement en Afrique pour s'assurer les tissus les plus originaux possibles, Maison Château Rouge s'approvisionne au coeur du 18e arrondissement de Paris.

Atelier Mansaya : au coeur des marchés de tissus de Bamako au Mali

Comment s'est faite votre rencontre ?
Rose Dema, la gestionnaire : La prémisse de l'histoire de Mansaya ne débute pas par une réflexion de créer une marque mais dans une chorale de gospel en 2003 où nous chantions ensemble. C'est là que j'ai rencontré Adama. Nous avons tissé des liens et j'ai eu la chance de voir ses croquis de mode et de rentrer alors dans son univers. Mais ce qui a marqué le début de l'histoire de la griffe, c'est un voyage au Mali en 2006. 

Adama Togola, la créatrice : Ce voyage au Mali a été une espèce de souffle nouveau, une redécouverte de ce tissu. En France, nous sommes coupés avec ce quotidien du wax. C'est uniquement lors des fêtes en famille que nos mères, nos tantes sont habillées en wax. Ma créativité s'est envolée lors de ce voyage. En Afrique dans le marché, au milieu des tissus, je suis inspirée. Je passe des journées entières dans les boutiques à m'inprégner de ce tissu et je ne m'en lasse toujours pas ! Il me parle. Vous savez le vrai wax à un goût, il est salé. Il faut aussi le sentir. Il a aussi une odeur et quand elle est trop prononcée, c'est qu'il est chimique, alors il pue. 

A l'origine de ma fibre artistique, il y a des poèmes, des textes, la chorale puis le plaisir de dessiner des silhouettes que je ne montrais à personne. C'était mon jardin secret. Au retour de ce voyage au Mali, c'était une évidence qu'il fallait faire quelque chose.

Les deux fondatrices de la marque Atelier Mansaya ( à droite Adama Togola et à gauche Rose Dema) le 13 mai 2019 dans leur boutique parisienne du 49 rue Léon Frot à Paris (CORINNE JEAMMET)

Rose Dema : Je la regardais colorier. C'est incroyable, Adama recherchait les tissus qui correspondaient à ses créations. Son travail est une conversation artistique avec le wax. Lors de ce voyage, nous nous sommes faits faire des tenues que l'on portaient régulièrement à notre retour en France et dont on parlait constamment. En 2007, nous avons acheté notre première machine. A l'époque, on présentait notre travail dans des salons et des boutiques, et grâce au retour des clients cela permettait d'ajuster nos créations. 

Quand nous avons créé l'e-commerce, nous nous sommes rendu compte que les consommateurs avaient besoin de voir les vêtements portés. Pour rencontrer les clients, nous nous sommes installées dans un premier temps à Montreuil dans un showroom de créateurs multimarques. Puis nous avons ouvert en 2014 cette boutique au 49 rue Léon Frot dans le 11e arrondissement parisien, avant de lancer l'eshop.

Comment expliquez-vous cette histoire d'amour avec le wax ?
Adama Togola : Issu du langage Bambara, le mot Mansaya fait référence à l’aura du roi et aux valeurs de majesté et de noblesse qui y sont associées. L'identité de ma marque, ce sont des tissus que l'on ne voient pas ailleurs. Je ne recherche pas des tissus connus : il faut que le tissu me parle, m'inspire. C'est un dialogue entre le tissu et moi. Motifs, couleurs, il faut bien les choisir pour répondre aux différentes carnations de peaux. Il faut aussi que le motif soit adapté à la corpulence de chaque femme.

Adama Togola, la créatrice de la marque Mansaya, le 13 mai 2019 dans sa boutique parisienne (CORINNE JEAMMET)

Mon wax vient de Bamako au Mali mais aussi du Bénin, du Togo et quelques fois du Sénégal. Je les commande mais je me rends aussi cinq à six fois par an sur place. J'achète à Paris uniquement la mercerie et les tissus occidentaux que je mélange au wax, pour être sûr de la qualité. 

Comment travaillez-vous le wax ? 
Adama Togola : Nous voulons montrer que le wax, ce n'est pas seulement un tissu mais aussi des vêtements qui se portent en toutes saisons. Je souhaite que tout le monde se l'approprie : j'ai une clientèle hérétéroclite de tous âges car je propose des pièces à l'esprit autant streetwear que pour aller en soirée.

Je réalise des pièces intemporelles, des incontournables du vestiaire féminin comme les jupes crayon, les robes structurées et les tuniques. L'hiver les vêtements sont doublés, les matières sont imperméables. Il y a parfois un côté japonisant sur les vestes. J'aime les vêtements multifonctions : une chemise peut-être à la fois blouse et tunique, une robe ajustée peut se porter ouverte et décontractée sur un jean. Les couleurs, les volumes et les coupes structurées (comme un pliage d’Origami)... rien n’est laissé au hasard. Je mélange le wax à des doublures en coton, de la dentelle, du simili cuir, du coton ciré mais aussi du jean et du tissu traditionnel bogolan ainsi que de la corde servant habituellement pour tirer l'eau du puits et qui devient une ceinture. Il y a aussi quelques pièces masculines et des bijoux faits au Sénégal et au Cameroun. Les pièces vont de 69 euros à 500 euros pour des robes spécifiques en édition limitée.

La boutique Mansaya à Paris, le 13 mai 2019 (CORINNE JEAMMET)

La marque a 13 ans, comment voyez-vous l'avenir ? 
Adama Togola : Je vis le moment... et j'ai l'impression de vivre le début tout le temps ! Pourtant 700 modèles différents ont été créés mais j'ai du mal à voir cette évolution. Nous avons cependant des projets : celui d'une production en Afrique. L'objectif est à terme de créer une collection haut de gamme à Paris et une collection de prêt-à-porter au Mali. Mais il faut former des gens pour cet atelier en Afrique. Je voudrais faire une école de couture avec des formations destinées aux filles et aux femmes. 

Maison Château Rouge, un petit coin d’Afrique au sein du 18e arrondissement de Paris

Marque parisienne à l’âme africaine, Maison Château Rouge naît en 2015. Ce label parisien a été fondé par Youssouf et Mamadou Fofana, deux frères d’origine sénégalaise. Leurs collections féminines sont conçues et développées dans le quartier de Château Rouge à Paris au 40 rue Myrha. C’est là que Youssouf Fofana achète ses tissus. Le label fait partie du projet social "Les Oiseaux Migrateurs" qui vise à participer de façon collaborative au développement de petites entreprises en Afrique.

Youssouf Fofana, le créateur de la griffe Maison Château-Rouge dans sa boutique parisienne dans le 18e arrondissement (MAISON CHATEAU-ROUGE)

La griffe prône la slow fashion et privilégie des rythmes de production lents, une fabrication locale, une éthique tant environnementale que sociale et des matières premières de qualité signée Vlisco (géant néerlandais du wax). La marque pop et lifestyle détourne la culture africaine dans un esprit contemporain. Youssouf Fofana s’inspire de tout ce qui l’entoure : mode, art, musique, photographie, le placard de sa mère qui regorge de trésors et Paris ! Son inspiration vient également des réseaux sociaux, notamment Instagram qui lui donne une vue mondiale et diversifiée des tendances.

Collection Maison Château-Rouge (MAISON CHATEAU ROUGE)

Pour l’été 2019, le label présente, outre une collab avec La Redoute, des bijoux parsemés de masques et coquillages cauris très répandus au Ghana, Mali, Sénégal ou Casamance. Au fil des saisons, le créateur marie de plus en plus les étoffes africaines à d’autres matières (denim, molleton, jersey mais également velours, tissus techniques et déperlants). Le choix des coupes résulte d’un mélange de pièces chinées en friperies et des améliorations dessinées par Youssouf pour rendre la pièce actuelle. 

Collection Maison Château-Rouge (MAISON CHATEAU-ROUGE)

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