Luciano Benetton, 82 ans, revient pour sauver ses United Colors
Trois frères, une soeur et l'envie de réussir : Benetton, c'est l'histoire d'une saga familiale italienne. L'entreprise naît en 1965 à Ponzano Veneto sur une idée de Luciano, l'aîné de la fratrie. Ses petits pulls doux en laine, déclinés en de multiples couleurs, séduisent et le succès des "United Colors of Benetton" va grandissant, jusqu'à devenir planétaire entre 1982 et 2000 avec les campagnes publicitaires chocs du photographe Oliviero Toscani, comme celle qui montrait, par exemple, une femme noire donnant le sein à un enfant blanc.
Depuis le début de la décennie, la marque décline. C'est pourquoi Luciano Benetton, "en colère", a décidé de la reprendre en main lui-même. Lui qui, en 2012, avait laissé les rênes à son fils Alessandro, afin que "soient expérimentées de nouvelles stratégies et que se libèrent des énergies plus jeunes". La gestion avait, ensuite, été confiée à des managers extérieurs à la famille.
Retour de Luciano Benetton et d'Oliviero Toscani
Luciano a décidé de revenir avec sa "soeur Giuliana, qui, à 80 ans, a recommencé à faire des pulls" et avec Oliviero Toscani, qui a conçu la nouvelle campagne publicitaire lancée ce 1er décembre.Celle-ci renoue avec le thème de l'intégration avec des photos d'une classe de 28 enfants de 13 nationalités différentes. Cette nouvelle campagne reprend un thème cher à l'histoire de la marque : "Le problème du monde actuel est l'intégration", explique le photographe. "L'un des enjeux essentiels de l'avenir sera la manière avec laquelle nous saurons utiliser notre intelligence pour intégrer les différences, en dépassant la peur." A venir, un projet sur le thème de l'intégration sur lequel Toscani travaillera depuis Fabrica, le centre de recherche sur la communication du groupe Benetton. Toscani soignera aussi l'image de la marque United Colors of Benetton avec une campagne produit diffusée en février 2018.
"Nous sommes en train de préparer un produit nouveau, nous refaisons les magasins, nous étudions les couleurs, nous nous réorganisons", a expliqué Luciano Benetton.
L'entreprise a perdu sa capacité d'innovation
"En 2008, quand j'ai (commencé à) laisser l'entreprise, elle avait 155 millions d'euros d'actifs et je la reprends avec les 81 millions de passif de 2016. Et cette année, ce sera pire. Pour moi, c'est une douleur intolérable", déclare-t-il dans un entretien au quotidien La Repubblica. Alors que le nombre de salariés est passé de 9.766 en 2008 à 7.328 aujourd'hui, et qu'on lui demandait si des emplois étaient menacés, il a affirmé : "nous donnerons une chance à tous mais nous devons alléger l'entreprise"."Pendant que les autres nous imitaient, les United Colors perdaient leurs couleurs. Nous avons échoué seuls. Les magasins, qui étaient des puits de lumière, sont devenus sombres et tristes comme ceux de la Pologne communiste (...) Nous avons fermé en Amérique du Sud et aux Etats-Unis", se désole-t-il. Mais selon lui, le "péché le plus grave" a été "d'arrêter de fabriquer des pulls, c'est comme si nous avions retiré l'eau d'un aqueduc". "La gestion a été louche mais pas au sens criminel. Les erreurs sont incompréhensibles. Comme si celui qui dirigeait l'entreprise l'avait fait exprès", fustige-t-il.
"Luciano Benetton a compris que sa créature, à qui il avait consacré une grande partie de sa vie, était en grave danger. L'entreprise a accumulé ces dernières années quelque 600 millions d'euros de pertes", a expliqué Giuliano Noci, professeur de stratégie à l'école de commerce de Polytechnique à Milan. "L'entreprise a perdu sa capacité d'innovation qui l'avait distinguée par le passé. Elle a aussi élargi son portefeuille de produits, passant des pulls au total look, perdant ainsi ce qui faisait son ADN", ajoute-t-il.
Benetton a perdu ses couleurs
"La marque, extrêmement novatrice par le passé, n'arrive pas à se renouveler alors que d'autres acteurs sont entrés sur le même segment, comme H&M, Zara mais surtout Uniqlo, qui fait ce que faisait Benetton à l'époque : de nombreuses couleurs, des pulls à un très bon prix et dans un style moderne", souligne Stefania Saviolo, directrice du centre du luxe et de la mode à l'université Bocconi à Milan. "La façon d'être présent sur le marché, le type de magasins, la communication ne sont plus justes", ajoute-t-elle. Autre obstacle, le fait que "Benetton ne maîtrise pas la chaîne de distribution, ce qui l'a beaucoup pénalisé par rapport à des concurrents", note M. Noci.En outre, souligne-t-il, la famille "a beaucoup élargi son portefeuille d'activités, allant dans la restauration, les autoroutes, les infrastructures, les aéroports". Conséquence : "la mode, d'activité principale, est devenue marginale" et le groupe a "manqué d'attention managériale pour lutter dans une arène devenue très difficile".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.