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Maximiliano Modesti valorise et défend les savoir-faire des brodeurs en Inde, ces petites mains au service des maisons du luxe

En ces temps de coronavirus, une rencontre qui nous fait voyager : entrepreneur de mode, basé entre la France et l'Inde depuis 25 ans, Maximiliano Modesti a une passion dévorante pour la broderie, un artisanat au savoir-faire sans limite.

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Maximiliano Modesti (à gauche) et le travail des artisans dans les ateliers de Bombay en Inde, 2019 (Maison Mayad)

Maximiliano Modesti quitte en 1998 la France pour l'Inde. A Bombay, il se forme au métier de brodeur puis crée des ateliers de broderies, qui oeuvrent aujourd'hui pour les plus grands noms de la haute couture internationale. Depuis près de 25 ans, il milite au quotidien pour donner aux artisans brodeurs une vraie place dans la société indienne. Son souhait : valoriser ce savoir-faire et ces gestes d’exception dans des ateliers du bout du monde.  

De passage à Paris pendant la Fashion Week de mars 2020, il a présenté maison Mayad et ses robes brodées qui foulent les catwalks des Fashion Weeks internationales. Rencontre avec un homme passionné et passionnant.

L’Inde, un pays de tradition pour la broderie

En Inde foisonne une mosaïque de peuples, de cultures et de savoir-faire. Les brodeurs y excellent. Le métier est principalement effectué par des hommes, qui pérennisent la profession.

Jadis, ces brodeurs ont quitté familles et régions d’origine pour rejoindre Bombay.  Au 17e siècle, le développement de la broderie perse est encouragé par les empereurs moghols qui invitent les artisans perses à s’installer en Inde. "Autour des cours royales impériales, il y a alors une effervescence de savoir-faire pour répondre aux demandes des familles royales" explique Maximiliano Modesti.  

Travail de broderie réalisé par un artisan pour la maison Mayad, à Bombay en Inde. 2020 (MAISON MAYAD)

De Venise à Bombay, un parcours multiculturel et une aventure humaine

Né à Venise en Italie, Maximiliano Modesti est passé par le studio Bercot et l’Institut Français de la mode à Paris. En 1993, il travaille chez Azzedine Alaïa. Quatre années essentielles qui vont changer sa vie : aux côtés du couturier, il comprend que son avenir n'est pas d'être styliste mais décorateur de robes.

"Mon premier voyage en Inde est en mars 1993 dans le cadre de ma thèse à l'IFM. J'ai pris la décision de m'y installer définitivement le 1er mars 1998 après avoir quitté le studio d'Azzedine Alaia. J'ai pris un billet aller simple, je m'en souviens très précisément, c'était le 26 février, date de l'anniversaire d'Azzedine. J'ai attendu cette date avant de partir sans le prévenir". C’est dans la ville de Bombay, qui accueille 50.000 brodeurs, qu’il s'installe. Il apprend le métier auprès du maître brodeur Liakad qui lui enseigne comment communiquer avec les artisans indiens, avant d'ouvrir son premier atelier, 2M en 1998. Aujourd’hui, il emploie 600 brodeurs sur deux sites entre Bombay et Lucknow. Ces artisans travaillent pour les plus grands noms de la haute couture internationale.

Maximiliano Modesti, entrepreneur de mode basé entre la France et l'Inde depuis 25 ans. Sa passion : la broderie. 2019 (ABHAY MASKARA)

Donner aux brodeurs une vraie place dans la société indienne

Maximiliano Modesti milite au quotidien pour donner à ces artisans une vraie place dans la société indienne. Selon la tradition indienne, les brodeurs sont payés à la journée. "En 2005, j'ai décidé que pour soutenir la formation et la reconnaissance des brodeurs, il fallait passer à un système d'emploi salarié afin de les responsabiliser". Pour lui "il faut garantir aux brodeurs une continuité pour apprendre à se perfectionner et devenir eux-mêmes peut-être des entrepreneurs". 

La broderie indienne au service de la haute couture et du prêt-à-porter de luxe 

En 2013, en s’appuyant sur ses ateliers de broderies, Maximiliano Modesti fonde avec Mohammed Amine Dadda la maison Mayad, qui propose de la haute couture (en janvier et juillet) et du prêt-à-porter de luxe (en octobre et mars). Ces robes brodées foulent aujourd’hui les catwalks des Fashions Weeks internationales.

Maison Mayad; collection "Lyrical Abstraction", chapitre 3, présentée lors de la semaine de la mode parisienne, en mars 2020 (Maison Mayad)

La maison Mayad est au croisement du savoir-faire et de la culture : "Il faut additionner les savoir-faire, ce n’est pas les uns contre les autres mais, au contraire, il faut créer des synergies pour des créations uniques", expliquent les deux fondateurs. "j'ai toujours été entre deux cultures, l’italienne et la française, l’occidentale et l'indienne. J’ai trouvé en Inde une addition à la culture européenne" remarque Maximiliano Modesti.

Après les collections Dawn of the collection (chapitre 1) et Blosson in the Desert (chapitre 2), en mars 2020 la maison Mayad a présenté Lyrical Abstraction (chapitre 3), une collection prêt-à-porter de luxe composée de 25 modèles.

Maison Mayad, collection "Blosson in the Desert", chapitre 2, 2019 (Maison Mayad)

La commercialisation des collections de la maison Mayad est réalisée via des shoppers stylistes, des trunks show et des points de vente confidentiels où se rend une clientèle privée.

Chaque saison, outre la broderie, maison Mayad met à l’honneur la sfifa, un tissage marocain en général en soie, utilisé par les Ottomans pour les robes et les caftans. Mohammed Amine Dadda a retrouvé des artisans qui maîtrisaient ce savoir-faire manuel (en voie de disparition car aujourd’hui réalisé surtout à la machine) utilisé essentiellement pour les vêtements de fêtes et de cérémonies marocaines. "J'ai développé au Maroc un atelier d’artisans pour redonner ses lettres de noblesse à ce savoir-faire qui vient de Perse" ajoute-il avant de préciser "La sfifa a vraiment été le point de départ de l’envie de créer cette marque. J’ai ensuite découvert un brocard dans les ateliers indiens de Maximiliano à Bombay et je lui ai proposé de créer une marque qui pourrait non seulement soutenir les artisans de la sfifa mais également montrer les synergies entre tous ces savoir-faire". Un avis que partage Maximiliano Modesti qui soutient les artisans à marier leur savoir-faire : "Il faut croiser les cultures et les savoirs. En additionnant les complexités ont crée des choses nouvelles". 

Les créations et les dessins sont faits à Paris, tout comme les toiles : la maison Mayad associant ensuite les savoir-faire français, marocains et indiens. 

La création d'un institut et d'une résidence d'artistes à Lucknow

Outre ses ateliers de broderie à Bombay, Maximiliano Modesti co-fonde avec Mohammed Amine Dadad en 2016 le Kalhath Institute, à Lucknow au nord de l'Inde. Cette école de broderie est dédiée à la reconnaissance de cet artisanat de luxe en Inde. Ce centre d'excellence accueille également une résidence d'artistes. Le choix du lieu s'explique aisément "Il y a 100.000 brodeurs à Lucknow contre seulement 550 brodeurs professionnels à Paris".

En 26 octobre 2018, le Kalhath Institute a reçu le JSW Prize for Conttemporary Craft (prix de la fondation JINDAL). 

Des artisans brodeurs travaillent au Kalhath Institute, installé à Lucknow au nord de l'Inde. 2019  (Kalhath Institute)

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