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Mes goûts et mes couleurs: Junko Shimada, 35 ans de mode et toujours de l'audace

Surnommée "la plus parisienne des créatrices japonaises", Junko Shimada crée une mode intemporelle depuis 35 ans loin du diktat des tendances. Rencontre avec une créatrice enjouée et curieuse de tout qui n'aime pas "regarder dans le passé".
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
 

5 questions à Junko Shimada

Quelle est la pièce préférée de votre dernière collection ?
C’est un tailleur blanc composé d’une jupe longue plissée qui tombe jusqu’au sol comme une sirène. Ce tailleur strict est parfait pour se marier, pour assister à un mariage ou à une soirée. Il suffit de mettre un accessoire et il devient pas ordinaire. 
Junko Shimada printemps-été 2018, à Paris..
 (Courtesy of Junko Shimada)
Cette collection printemps-été 2018 est un peu comme un conte, rêveur, bizarre et mystérieux. Nous devons garder l'esprit printanier, je suppose que les feuillages nous y aideront. Sur le podium trônait un arbre, les mannequins avaient sur la tête une coiffe faite de feuilles ! C’est à partir d'un dessin de ma petite fille de 7 ans que j’ai réalisé le carton d’invitation du défilé : un arbre constitué à moitié de racines et à moitié de feuillages. Pendant tout le show, elle me disait "Regarde, c’est moi qui l’ai dessiné" ; elle était fière. 
Quel créateur vous a marqué au cours de votre carrière ?
Le Corbusier pour son esprit de modernité et son utilisation du marbre mais aussi le mexicain Luis Barragan, un autre architecte dont l’une des maisons, construite en 1948, a été incluse dans la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. J’adore son travail, ses compositions de couleurs extraordinaires, ses murs roses et bleus, très années 60. Je citerai aussi le cinéaste japonais Yasujiro Ozu, à l’univers poétique, ainsi que le peintre surréaliste Giorgio de Chirico, un peu bizarre et mystérieux.
Quel est le dernier livre lu ?
Locus Solus, un livre très drôle d’un auteur français que m’a fait découvrir un garçon qui le lisait. Cet ouvrage de Raymond Roussel est difficile et épais. Je l’ai commencé en juillet dernier mais il faut que je le relise encore et encore. Cet auteur est un peu zinzin. J’aime bien les livres de fantaisie avec de la réflexion mais pas trop compliqué ainsi que les histoires qui ne sont pas pour les enfants. C’est l'histoire de quelqu’un qui a créé un laboratoire de créations complexes et étranges. J'adore car je suis curieuse mais pour une Japonaise c’est compliqué !
 
Quelle est la dernière exposition vue ?
J’aime beaucoup la peinture japonaise, en particulier celle d'Ito Jakuchu. Ainsi la dernière fois que j'étais au Japon, je suis allée à Tokyo voir une exposition qui lui était consacrée, puis je me suis rendue à Kyoto pour la revoir. C'est très beau, c'est une peinture très élégante, avec une finesse des couleurs. J'aime ses oiseaux, ses coqs, son éléphant blanc.... Il cherche le mouvement et regarde sans bouger les insectes. C’est un fou dingue !
Exposition de Ito Jakuchu, en 2012
 (KAREN BLEIER / AFP)
Quel est le dernier coup de cœur musical ?
J’adore toutes les musiques, l’opéra classique mais j’ai aussi découvert un jazzman jouant du saxophone Charles Llyod. C’est merveilleux. J'ai découvert cette figure du blues, il y a 5 ans.

Junko Shimada, "la plus parisienne des créatrices japonaises"

"Je n’aime pas regarder dans le passé", déclarait Junko Shimada lors du défilé anniversaire des 30 ans de sa marque. "Mon style est toujours le même, c’est la forme qui change", argumente celle qui se joue des tendances pour créer des collections intemporelles à la signature singulière et identifiable.

Après des études à l’Institut Sugino Gakuen Dressmaker de Tokyo, elle part trois mois à Paris. Pour Junko Shimada, la capitale de la mode représente "l’esthétique de la Nouvelle Vague mais surtout la liberté de ne pas entrer dans le carcan japonais." Séduite par les Parisiennes qu’elle rêve d’habiller, elle s’y s’installe en 1968. Elle se rappelle ses débuts en 1970 dans le bureau de style Mafia pour lequel elle dessinait sans parler un mot de français. En 1975, elle rejoint la maison Cacharel pour se charger du prêt-à-porter enfant et de l’homme. "J’y ai appris le casual wear, raffiné et facile à porter. Cette obsession ne m’a jamais quittée." Cette passionnée du jean quitte Cacharel cinq ans plus tard avec un rêve en tête : se rendre aux Etats-Unis pour se faire embaucher par Levi’s. Mais un financier japonais la contacte pour lancer sa propre marque. Pour sa collection printemps été 1982, Junko Shimada défile sous son nom pour la première fois à Paris.

Avec son style qui bouscule le minimalisme nippon, elle devient "la plus Parisienne des créatrices japonaises" comme on la surnomme. Le microcosme de la mode adoube ses silhouettes vitaminées, casual et raffinées, pleines d’une féminité assumée. Collection après collection, elle se révèle plus audacieuse, mélangeant les imprimés, faisant cohabiter pois et panthère.


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