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Dans l'ombre des semaines de la mode, les copieurs à l'affût

Le prêt-à-porter des créateurs défile sur les podiums ces jours-ci et sa version bon marché arrivera dans les magasins d'ici à un mois. Scrutant les modèles des fashions weeks de New York, Londres et Milan, des équipes de stylistes au service des grandes chaînes sont à pied d'oeuvre. Inspiration pour les uns, copie pour les autres, le phénomène, généralisé, est difficile à contrer.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Dolce Gabbana pap féminin pe 2015, à Milan
 (GIUSEPPE CACACE / AFP)

Alors que la semaine de la mode bat son plein à Milan, avant de se déplacer à Paris dès le 23 septembre pour 93 défilés étalés sur 9 jours, ces stylistes des grandes marques de prêt-à-porter passent au crible les images disponibles sur internet, à la recherche des looks qui leur semblent les plus prometteurs. Des coupeurs et tailleurs se tiennent prêts à "produire quelque chose littéralement en l'espace de 24 heures", explique à l'AFP Jane Banyai, de l'organisation des créateurs britanniques Acid chargé de lutter contre la copie.

Des traits noirs dans les magazines pour empêcher la copie dans les années 50

Dans les années 1950, des exemplaires du magazine Paris Match contenaient des images des défilés de mode barrées d'épais traits noirs pour empêcher la copie des modèles. Les défilés étaient alors des événements réservés à quelques privilégiés. Aujourd'hui, les créateurs ont beaucoup moins de contrôle et des images de leurs shows font le tour du monde en quelques clics de smartphones. 

Les smartphones mitraillent les mannequins lors du défilé Amir Taghi printemps-été 2015, à New York 
 (MONICA SCHIPPER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)
"Il est extrêmement facile de reproduire les pièces. Une photo arrive en Asie en quelques secondes et elles peuvent se retrouver en phase de production en quelques minutes", explique Jane Banyai. Les magazines féminins consacrent régulièrement des pages comparant les tenues de créateurs et leurs versions "grand public" disponibles dans les chaînes de prêt-à-porter. Selon Kal Raustiala, professeur de droit à l'université américaine Ucla et coauteur du livre "The Knockoff Economy", la pratique est tellement répandue que la plupart des créateurs se sentent désarmés pour y faire face.

"Les imitations sont partout. Elles sont quasiment vues comme faisant partie de la réalité de notre monde", dit à l'AFP le chercheur, qui s'est intéressé au sujet parce qu'un ami travaillant dans la mode lui avait raconté avoir fait un séjour à Londres dédié au "shopping de comparaison". "Il faisait le tour de Londres pour observer des vêtements, prendre des photos et rapporter des choses pour les copier. J'ai été surpris de découvrir que c'était légal et même monnaie courante", dit-il.

Obligé de laisser faire
 
Michael Chan, un avocat au Barreau de New York spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle, déconseille à ses clients d'intenter des actions en justice pour des copies de créations. "A moins d'avoir vraiment une raison précise, vous êtes obligés de laisser faire", dit-il. "Si vous faites un imprimé léopard particulier et que quelqu'un d'autre en fait un à peine différent, eh bien, le cycle est trop rapide pour tenter quoi que ce soit", explique-t-il.
Photo prise en novembre 2009 au tribunal de Commerce de Paris, d'un modèle de maille réalisé par la société World Tricot qui accuse la marque Chanel de "contrefaçon" et d'un exemplaire du Code de la propriété intellectuelle.
 (PATRICK KOVARIK)
Des procès en cours
 
Mais parfois les créateurs attaquent. Yves Saint Laurent a poursuivi Ralph Lauren pour contrefaçon à propos d'une robe-smoking et gagné son procès, en 1994. En 2007, Topshop a dû détruire un millier de petites robes jaunes style salopettes après avoir été attaqué par Chloé. Tout en niant qu'il s'agissait d'une copie, la chaîne britannique a accepté de payer 15.000 euros d'indemnisation et de frais de justice afin, a expliqué son patron Philip Green, de ne pas s'exposer à une bataille judiciaire interminable.
           
Mais selon Jane Banyai, la copie est plus un problème pour les jeunes créateurs que pour les grandes maisons de mode. "Il y a une véritable dichotomie. Pour les petits, vendre une gamme peut être une question de survie. Les grands, qui sont absorbés par leurs trois autres collections, ne semblent pas autant s'en soucier et peuvent voir cela comme une flatterie", dit-elle.

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