Dominique Cuvillier, captologue, décrypte les tendances pour anticiper l'avenir
Dominique Cuvillier apporte son expertise aux secteurs du luxe, de la mode, de l’optique et de la lunetterie… Son métier est à la croisée de la création et de la sociologie. Avec curiosité et passion, il scanne à 360° les signaux émergents de notre époque (envies du moment, pratiques et habitudes, prescriptions des créateurs, attentes des consommateurs...)
Sans cesse à l’affût des révolutions esthétiques, des innovations techniques, des modifications des rapports sociaux, il capte l’air du temps. Détectés et mis en perspective, ces derniers sont autant d’alertes qui annoncent le futur.
Quel est le terme le plus approprié pour définir votre métier ?
Incontestablement Captologue. Je n’aime pas le mot tendance, c’est un terme très galvaudé. Je suis un captologue : je capte l’air du temps et je retranscris des événements. L’idée est de capter, c’est plus pertinent.Les grandes tendances, c’est dépassé. Nous sommes plus dans une dimension d’expertise. Aujourdhui, tout le monde a accès à l’information, donc tout le monde est capable de tracer des tendances, de retranscrire des faits. Quand tu en fais ce métier, tu dois emmagasiner l’info, traiter cette matière : il faut cependant une capacité synthétique. Il faut, en effet, savoir se servir de filtres, pour faire émerger le saillant et en faire une synthèse, en éliminant les informations fausses et les news polluantes. J'aime cette dimension ludique ! Déjà tout petit, j’emmagasinais les infos, je lisais tout.
Quel est votre parcours ?
Après des études de lettres, je voulais être reporter-photographe. En 1985, j’ai interviewé le créateur Thierry Mugler pour le magasine Phénomène. J’ai alors tenu une rubrique où je rencontrais des créateurs. C'est à ce moment-là que j'ai découvert la presse, la mode et le luxe. Un an plus tard, je suis devenu rédacteur en chef. Cette expérience, qui durera un an, fut extraordinaire. J’ai ensuite intégré l’Officiel en tant que journaliste mode en faisant en parallèle plein de choses. Puis, en 1995, j’ai rencontré Edith Keller chez Carlin (ndlr : bureau de tendances). C'est à ce moment-là que j’ai découvert la tendance. Aujourd'hui, j'enseigne encore (Atelier Chardon Savard, Sup de Luxe, Université de Lyon), j’ai mon blog et je suis aussi directeur de la publication et de la rédaction de MO Fashion Eyewear dédié à l’optique. Je suis un vrai collectionneur de lunettes. J’ai aussi écrit plusieurs ouvrages.Quelles sont les qualités requises ?
Une curiosité maladive (il faut fureter) et un sens de l’observation. Il faut être ouvert, avoir un regard positif pour considérer que tout est possible et regardable. Je garde encore un regard d’enfant ébloui, il y a dans ce milieu tant de création et d'énergie. Il est aussi important d'avoir une vraie capacité d’analyse, une sensibilité personnelle et être pragmatique pour conceptualiser la théorie. Tout cela permet de définir des stratégies produits, de la communication, pour aider les entreprises car devant tant d’information, tout n’est pas lisible. Il faut avoir aussi un œil esthétique car la photo doit avoir du sens.Quelle tendance aviez-vous pressentie ?
Une tendance qui était dans l’air du temps et qui concerne l’industrie du luxe. Depuis 30 ans, les marques de luxe ont créé une attractivité et une désirabilité qui arrivent au bout d’un système. Une évolution est en cours avec les jeunes générations qui ne sont pas fascinées par les produits de luxe. Elles recherchent un "luxe d’expérience". Il faut réfléchir à comment ce luxe peut descendre de son piédestal. A titre d'exemple les collaborations du sellier Hermès avec la marque Apple et du parfumeur Guerlain avec la marque de sport Le Coq Sportif montrent ce basculement.On assiste à un changement de paradigme quand le luxe rencontre des marques plus accessibles. C’est un courant parallèle. Nous sommes au début de cette vague qui va abandonner le luxe du 20e siècle pour développer un rapport au client différent, revenir au produit et redonner du sens à la marque.
Dominique Cuvillier, la passion des lunettes
A l’occasion des 50 ans du SILMO, Mondial de l’Optique à Paris-Villepinte en octobre 2017, Dominique Cuvillier a décodé les tendances, les attitudes consuméristes actuelles et à venir ainsi que les évolutions sociologiques du secteur. Longtemps sous l’emprise d’un héritage souvent orienté vers le médical ou de licences signées à foison par des marques en quête de diversification, l’optique et la lunetterie sont en permanente mutation. Cette dernière intervient au niveau de la créativité et de l’ingéniosité dans la fabrication des montures mais aussi par la montée en gamme des technologies de la vision (verres progressifs dernière génération, traitement des surfaces innovants).
Votre dernier décryptage concerne le Silmo, pouvez-vous nous révéler la tendance 2018 ?
Les lunettes sont un vrai accessoire de mode. On note ainsi une véritable évolution dans la forme des lunettes - ovale potatoes, octogonale, classique... - ainsi que dans le traitement apporté aux montures bijoux-joaillerie.L’acétate est ainsi travaillé comme du textile et il y a plus de modèles combinant acétate et métal.
Une nouvelle vague de designers - pas forcément issus du sérail mais passionnés, férus de savoir-faire et inventifs - s’adressent à un public épris par le bel objet et conscient qu’une paire de lunettes peut-être un révélateur de style et de personnalité.
Pour 2018, côté matières, on note le retour de la corne, du bois, du marbre et de la pierre… Les lunettes ne chassent pas le naturel, elles le cultivent ! A noter aussi parmi les tendances : la transparence colorée des montures, des lunettes qui flirtent avec la joaillerie, d’autres modèles plus épuristes, toujours des verres de couleurs et, enfin, l’esprit sneakers stylé et casual.
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