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"Elle n'a plus sa place dans la vie de tous les jours" : sur les podiums, la fourrure ne rime plus avec haute couture

Le porte-parole de la Fourrure française assure que le "marché se porte bien et se félicite du fait que les jeunes stylistes comme Virgil Abloh chez Louis Vuitton et Kim Jones chez Dior homme travaillent avec de la fourrure".

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
Défilé Jean Paul Gaultier haute couture automne-hiver 2019-20 lors de la semaine de la mode parisienne, le 3 juillet 2019 (KRISTY SPAROW / GETTY IMAGES EUROPE)

Sur les podiums haute couture de l'hiver 2019-20, les plumes flotteront sur des robes aériennes et protégeront les oreilles sur des chapkas, les manteaux en cachemire envelopperont les tuniques en soie mais la fourrure ne fait plus rêver les couturiers.

Le 3 juillet, au dernier jour de la semaine de la haute couture à Paris, Jean Paul Gaultier a imité ce matériau luxueux avec des imprimés, des plumes et des jeux optiques dans ce premier défilé très attendu depuis qu'il a renoncé à la fourrure en novembre 2018. Les gigantesques chapkas sont en plumes rose et turquoise, le relief des doudounes contribue à l'effet 3D de la fourrure de renard, les pois "panthère" miroitent sur du satin matelassé. "C'est une collection entièrement sans fourrure", a déclaré à l'AFP le couturier qui avait travaillé avec le matériau pendant 30 ans.

"Les fausses fourrures, c'est le pire du pire"

Le Néerlandais Ronald Van Der Kemp soutient la même démarche: "je n'utilise pas de fourrure ou alors c'est qu'elles ont été jetées". Un boléro et un manteau au défilé ont été conçus à partir de pièces de duvet cousues en tubes. "Les fausses fourrures, c'est le pire du pire, ça reste pendant des années, toute une vie".

Défilé Ronald Van Der Kemp couture automne-hiver 2019-20 lors de la semaine de la mode parisienne, le 3 juillet 2019 (ESTROP / GETTY IMAGES EUROPE)

On aurait pu se dire qu'une robe tunique blanche et une veste d'Aelis sont en fourrure mais en fait elles ont été "tricotées et tissées avec de la soie et du cachemire, du poil de chameau et du coton", a expliqué Sofia Crociani. "Nous nous interdisons complètement les visons, les fake furs en synthétique, les plastiques sont inacceptables pour moi, même recyclés", ajoute la créatrice italienne qui revendique de ne travailler qu'avec des tissus naturels.

La créatrice britannique de Givenchy Clare Waight Keller, qui avait fait en 2018 une collection autour de la fausse fourrure, a laissé tomber cette option. C'est la plume qui était omniprésente jusque dans les escarpins et les couvre-chef punk dans sa collection. La fausse est "une bonne alternative à la vraie fourrure (...) mais pas la meilleure solution du point de vue de l'environnement. Je préfère attendre qu'on trouve une meilleure matière", a-t-elle récemment expliqué au magazine WWD.

Défilé Givenchy haute couture automne-hiver 2019-20 lors de la semaine de la mode parisienne, le 2 juillet 2019 (PETER WHITE / GETTY IMAGES EUROPE)

"C'est le monde qui change, c'est aussi le climat, le respect pour les animaux"

"Il est débile d'utiliser une fourrure qui est faite avec du pétrole", peste l'Italien Maurizio Galante. Dans un tailleur pantalon "panthère" évoquant un Dieu mexicain, la fourrure mouchetée de l'animal a été reconstituée par des broderies et des tissus superposés, des fils entourant les taches pour créer une barrière autour de chaque contour noir de cette fourrure "fantastique". "La fourrure c'est quelque chose qui n'a plus la place dans la vie de tous les jours : c'est un peu comme les chapeaux que mon grand-père portait. Il les portait avec un geste, aujourd'hui ce geste s'est perdu, il n'a plus de sens", analyse-t-il. "C'est le monde qui change, c'est aussi le climat, le respect pour les animaux".

Le couturier français Julien Fournié a arrêté il y a cinq ans la fourrure, le matériau dont il adore le rendu parce que les clientes n'en veulent plus. "Il n'y a pas assez de traçabilité, même si une fourrure réelle est plus écologique qu'une fourrure synthétique, parce qu'il faut presque six mille ans pour détruire du synthétique alors qu'il en faut six cents ans pour détruire du réel", souligne-t-il. "Les clientes n'achètent pas de la fourrure donc je ne vais pas perdre du temps à en faire. J'aime ça, mais c'est terminé", déclare le créateur qui utilise des plumes ou des fils de pêche.

"Les gens n'osent plus porter de fourrure dans la rue parce qu'il y a un climat de terreur"

Malgré cette absence de fourrures sur les podiums parisiens pendant la semaine de la haute couture, Pierre-Philippe Frieh, porte-parole de la Fourrure française, ne désespère pas. "La raison pour laquelle on ne veut pas de fourrures aux défilés, c'est que les créateurs veulent éviter la violence et le harcèlement des anti-fourrure", déclare-t-il. "Les gens n'osent plus porter de fourrure dans la rue parce qu'il y a un climat de terreur"

Il assure que le "marché se porte bien et se félicite du fait que les jeunes stylistes comme Virgil Abloh chez Louis Vuitton et Kim Jones chez Dior homme travaillent avec de la fourrure". Quant à Jean Paul Gaultier, la filière "pense qu'il va revenir". "C'est un créateur de talent et il va comprendre qu'on ne peut pas de se passer de l'artisanat du luxe français dont fait partie la fourrure au même titre que la maroquinerie et la soie".

Fourrure renouvelable et durable chez Fendi

Fendi a célébré le 4 juillet Karl Lagerfeld, le styliste allemand disparu en février, avec qui la maison de couture a collaboré un demi-siècle. Cinquante-quatre silhouettes pour l'automne-hiver 2019-20, autant que d'années de collaboration, ont défilé au Temple de Vénus sur le Mont Palatin à Rome. Un lieu "choisi avec Karl (Lagerfed) et qui devient le temple de ce qu'il nous a légué", a confié le président de Fendi, Serge Brunswick. 

Les marbres des sols et des décors de la Rome de toutes les époques se déclinent en motifs légers sur un entrelacement géométrique de fourrures"Je voulais faire passer ce matériau solide, dur, à un état de légèreté", a expliqué la créatrice Silvia Venturini Fendi, héritière des fondateurs de la marque en 1925, Edoardo et Adele Fendi. Comme toujours, le travail sur la fourrure est le cheval de bataille de la maison qui a été la première avec Karl Lagerfeld à en faire un élément léger et malléable. Mais il s'agit de fourrure renouvelable et durable, réalisée à partir du travail du cachemire ou d'autres matériaux, a souligné Silvia Venturini Fendi. 

La prouesse réside dans le jeu des trompes-l'oeil qui dialoguent sur une mosaïque de fourrure. Elle est aussi dans le travail des matières où les plumes ressemblent à la fourrure, la fourrure imite la plume.

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