Fashion Week printemps-été 2023 : le premier défilé de la marque Aigle pour "arriver à faire vivre ensemble la nature et l'urbain"
Pour la première fois de son histoire, la marque Aigle intègre le calendrier de la Paris Fashion Week en présentant ses créations printemps-été 2023 le 4 octobre 2022. Interview des directeurs artistiques
Depuis 1853, Aigle perpétue un savoir-faire incarné par la fabrication made in France de bottes en caoutchouc naturel et en 2023, la marque fêtera ses 170 ans avec un nouveau logo. Une étape supplémentaire dans la redéfinition de son identité engagée depuis l’arrivée d'Aurélien Arbet, José Lamali et Jérémie Egry - les trois co-fondateurs d'Études Studio - à la tête de la direction artistique depuis octobre 2020.
En 2021, Aigle est devenue entreprise à mission avec une raison d’être inscrite dans ses statuts : elle s’engage à maîtriser son impact environnemental en défendant le savoir-faire français, en proposant des pièces faites pour durer et en augmentant, entre autres, la part de matériaux recyclés dans ses collections. Anticipant des réglementations à venir, Aigle a mis en place des QR code pour fournir des informations certifiées grâce à la blockchain et répondre au besoin de transparence de ses clients sur l’origine des produits mais également l'impact environnemental et social de ses créations et ce dès l’automne-hiver 2023.
Mode, art et développement durable
Pour la première fois de son histoire, la marque intègre le calendrier de la Fashion Week. Le 4 octobre 2022, la présentation des créations printemps-été 2023 au Centre Pompidou à Paris a donné lieu à une collab inspirée par la toile de Mondrian New York City (1942), un des chefs-d’oeuvre d’art moderne du musée. Cette capsule est la première étape d’un partenariat de deux ans entre Aigle et le Centre Pompidou mettant en avant l’art, la mode et le développement durable.
Rencontre avec Aurélien Arbet et José Lamali, deux des trois directeurs artistiques qui nous expliquent comment ils ont redynamisé la marque.
Franceinfo Culture : depuis votre arrivée à la Direction artistique, vous avez mis en place de nombreuses actions. Quelles ont été celles auxquelles vous teniez le plus ?
Aurélien Arbet et José Lamali : La première était de définir un projet global avec un travail autour des collections. Il a fallu se replonger dans l'histoire de la marque et réimaginer une autre façon de créer, de faire évoluer son histoire et ses atouts, avec une façon plus contemporaine de les présenter. La deuxième, c'était de se pencher sur la partie image : les visuels, la façon de s'exprimer, les prises de parole... Et une des actions très directes a été la transformation et l'évolution de l'identité visuelle avec la création d'un nouveau logo. C'est quelque chose qu'il était important de faire dès le début. Enfin, le dernier pilier, c'est la communauté : arriver à rassembler un groupe de personnes autour de la marque pour l'incarner de façon sincère et naturelle. Ces "makers" ont été rapidement associés à des projets collaboratifs.
Cette communauté de "makers" a un rôle différent des égéries ?
Aurélien Arbet : Effectivement, c'est le contre-pied de l'égérie dans le sens ou ce sont des personnes proches de nous - un chef, une céramiste... Ces personnes actives qui vivent en ville sont toujours dans ce lien entre urbain et nature : à un moment, ils ont fait des choix et ce qui pouvaient être des passions ou des occupations sont alors devenues leurs métier. Ce qui nous intéressait, c'est cette transformation pour aller au bout de leurs ambitions.
Ainsi, il y a un an, lors de notre première collection Aigle, la floricultrice Massami a complètement habillé l'espace de présentation tandis que le musicien électronique Thylasine a composé une musique inspirée de sons puisés au coeur de notre usine d'Ingrandes-sur-Vienne. Pour la présentation du 4 octobre, il fait l'immersion sonore en jouant en live. On veut créer des ponts actifs entre ces personnes et la marque : ils ne sont pas juste là pour porter des vêtements mais quand ils les portent, c'est de façon naturelle.
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José Lamali : Ce qui était important, c'est justement cette sincérité. C'est une marque humble, qui n'est pas ostentatoire de par ses valeurs proches de la nature et de l'humain. Elle doit avoir une communication qui n'est pas fausse, et le faire au travers de gens qui ne sont pas dans une démarche de démonstration, c'était super intéressant.
Comment ne pas perdre l'identité d'une marque âgée de 170 ans en revisitant son logo ?
Aurélien Arbet : C'était effectivement un challenge. Pour connecter la marque a son histoire, on a utilisé des lettres d'impimerie d'une typographie qui s'appelle Grotesque en conservant les erreurs qu'il pouvait y avoir de part l'impression du métal sur le papier, en gardant une légère bavure d'encre. Il fallait faire des choix qui allaient avec les valeurs de cette marque engagée, forte, à l'aspect utilitaire et fonctionnel : on a donc conservé la date 1853 que l'on a mise sur le coté comme un hommage. On conserve l'histoire, on l'assume, on en est fier, mais on la réinvente.
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Quelles sont les évolutions stylistiques qui marquent ce renouveau ?
José Lamali : Le premier travail, c'était justement de se plonger dans les collections, voir ce qui avait été fait, qu'est ce qui était marquant et quelle était la pièce iconique en dehors de la botte - qui est évidemment un pilier et qui fait partie de l'inconscient collectif. On s'est intéressé au rain coat. Il y a plein de façon d'exprimer ce vêtement de pluie : on a essayé de le redéfinir avec des coupes et des matières différentes pour construire la collection : du trench coat à la parka, de la veste plus courte type coupe vent, avec toujours cette notion de protection, au vêtement d'extérieur. Par rapport à ce qui avait été fait auparavant, on l'a travaillé en silhouette pour avoir toujours cette notion d'harmonie.
Aurélien Arbet : Il y a quelque chose que l'on a découvert, c'est tout l'historique lié à l'urbain de la marque. Cela nous a intéressé car la marque est plus liée à l'outdoor. Pour arriver à faire vivre ensemble cette notion de nature et d'urbain, il fallait ramener de l'élégance, de l'utilité, une silhouette plus désirable. Le fait de découvrir ce passé lié à l'urbain nous a totalement libéré pour aller dans cette direction.
José Lamali : Ce qui est intéressant aussi, c'est que la marque produit des vêtements de qualité durable et que son spectre stylistique - sous couvert d'être de l'outdoor et du vêtement d'extérieur qui protège - est très large. Cette notion de classique permet de faire aussi bien des trench coat qu'une veste en Goretex avec des notions de performance. Cela demande un travail stylistique assez poussé.
Selon une étude Ipsos, 72% des Français attendent des marques qu’elles soient responsables et transparentes et 89% d’entre eux sont prêts à les quitter s’ils s’estiment dupés. Quid du côté éco-responsable de vos créations ?
Aurélien Arbet : Il y a un gros travail de recherche et de développement sur les matières éco-responsables : toutes les usines avec lesquelles nous travaillons doivent respecter une charte et sont auditées tous les ans. Après, c'est une question de prix et de qualité : un vêtement éco-responsable dure alors les gens reviennent. Il y a cette culture de connaissance de la marque et aussi la plate-forme "Second souffle" qui va dans ce sens-là (ndlr : la marque sensibilise ses clients à l’économie circulaire et à une consommation responsable avec cet e-shop dédié à la seconde main. Les clients recevant des bons d’achat). Cela montre que la marque traverse les années d'un point de vue stylistique et cela permet de toucher une clientèle plus jeune qui, d'un coup, va redécouvrir des pièces vestimentaires.
Être présent au calendrier de la Paris Fashion Week était une étape prévisible ?
Aurélien Arbet : Non, ce n'était pas nécessairement certain. Après c'est vrai dans la mission qui est la nôtre - de rendre la marque plus désirable et d'amener une notion de style et de silhouette dans les collections -, ce rendez-vous est une façon d'affirmer que la marque se positionne. Pour notre troisième collection, on a estimé qu'il y avait les looks pour intégrer le calendrier.
Est-ce la première fois que la marque défile à la Fashion Week ?
Aurélien Arbet : Oui, c'est une première. Mais ce n'était pas écrit d'avance, cela dépendait d'un ensemble de facteurs qui devaient être là. On a attendu, cela ne s'est pas fait dès la première saison. C'est une présentation. C'est une étape. On y va progressivement. Ce choix va avec la thématique de collection autour du cycle. Le défilé étant quelque chose de beaucoup plus rapide et intense, l'idée était de créer avec la présentation quelque chose de plus immersif dans un temps relativement long qui correspond au message que l'on veut envoyer.
José Lamali : C'est une première pour la marque qui a besoin de mettre en scène ses vêtements d'une autre façon, de créer un moment d'intimité avec les gens présents.
Vous optez pour une présentation au Centre George Pompidou, envisagez-vous la prochaine saison de faire un défilé ?
Aurélien Arbet et José Lamali : Possiblement ! On prend les choses les unes après les autres. Cette fois-ci cela fait sens ! On aime re-questionner à chaque fois les choses et faire évoluer. Il ne faut pas rentrer dans une sorte de routine qui n'est pas surprenante.
Quelles sont les inspirations de la collection printemps-été 2023 ?
Aurélien Arbet : Le thème est autour du cycle : c'est lié au temps, à l'évolution. C'est une revisite de l'histoire de la marque, un travail autour des iconiques, une réinterprétation de son passé. La collection printemps-été 2023 tombe l'année des 170 ans de Aigle, d'où ce besoin de se connecter à l'histoire et de la réinventer.
Quelle est votre pièce fétiche ?
José Lamali : C'est un trench coat féminin classique sur une proportion un petit peu oversize, qui a la particularité d'être tout en Goretex, non doublé. Cette pièce élégante est une icône du vêtement féminin et urbain mais traité de façon technique avec cette matière qui lui donne un aspect contemporain.
Aurélien Arbet : Pour moi, c'est un imprimé très graphique inspiré par les vernicules que l'on trouve sur les bâtiments hausmaniens parisiens : des sortes de vers creusés. Ça parle de Paris, de son histoire, du coté urbain mais aussi de la nature avec ces vers qui viendraient gratter dans la terre, dans le béton.
Quels sont vos prochains projets stylistiques ?
Les deux :Ppour faire évoluer la garde-robe, on peut aujourd'hui s'appuyer sur ce qu'on a déjà fait pour les précédentes collections. Désormais, il y a un gros travail à faire sur la chaussure.
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