"Harper’s Bazaar" au MAD : le premier magazine de mode américain en phase avec son époque
Le Musée des Arts Décoratifs présente Harper’s Bazaar. Premier magazine de mode. Cette rétrospective consacrée au magazine américain, qui devait s'arrêter cet été, est prolongée jusqu'au 3 janvier 2021.
Cette rétrospective, consacrée au magazine de mode américain Harper’s Bazaar, retrace les moments forts de cette revue mythique et son évolution depuis 150 ans en mettant l’accent sur les personnalités qui l’ont façonnée ainsi que sur les couturiers qu’elle a accompagnés.
Soixante créations couture et prêt-à-porter sont présentées ici. Ces tenues font face à des couvertures, des doubles pages et des clichés photographiques signés des plus grands photographes, parus dans la revue Harper's Bazaar.
150 ans d'évolution de la silhouette
L’exposition chronologique et thématique propose une immersion en plaçant des robes face à leur publication originale dans la revue : la page est agrandie pour l'exposition à l'impressionnant format affiche pour un effet des plus saisissants. Croquis, photos et patrons (qui précédent la photo de mode et nourrissent son inspiration) sont aussi exposés ici. Ce cheminement souligne la contribution du Harper’s Bazaar à l’évolution de la silhouette depuis 150 ans.
Cette exposition ne se limite pas à la simple présentation d'exemplaires de la revue et de photographies : elle se penche autant sur la question de la direction artistique que sur l’impact du graphisme et de la photographie, sur le rôle des femmes et des hommes qui, autant que ceux qui la créent et la portent, défendent une certaine idée de la mode.
Une revue photographique mais aussi littéraire
Harper’s Bazaar est aussi une revue littéraire de portée internationale qui accueille les écrits de Colette, Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, Jean Genet et André Malraux tout en accordant une attention aux écrivains de langue anglaise : Charles Dickens, Virginia Woolf, Patricia Highsmith, Truman Capote ou Carson McCullers ont écrit dans Bazaar.
Au-delà du contenu, c’est aussi l’aspect esthétique de la composition graphique qui constitue sa richesse. L’équilibre entre les images de mode et l’acuité de sa critique en font une référence de l’histoire du graphisme et de la mode. Les couturiers(ières) Charles-Frederick Worth, Paul Poiret, Jeanne Lanvin, Madeleine Vionnet, Elsa Schiaparelli, Christian Dior, Cristobal Balenciaga doivent une part de leur mythe au rayonnement du magazine.
Des rédactrices de mode emblématiques
Lancé en 1867 à New York par Harper & Brothers, le magazine s’adresse aux femmes. Son but : les instruire en matière de mode, de société, d’art et de littérature. Inscrit dans la tradition des gazettes de mode européennes, Harper's Bazaar présente l'originalité d'un engagement pour la cause féminine.
Les rédactrices de mode - qui vont s'y succéder - marqueront de leur empreinte leur passage. La première, Mary Louise Booth, est suffragiste, abolitionniste et partisane de l’Union lors de la guerre civile américaine. Sa francophilie rejaillit dans l'histoire du magazine : au XXe siècle, Picasso, Cocteau, Matisse font partie des artistes français dont le magazine s’entoure. Bazaar consacre également des articles aux figures de l’École Américaine telles Jackson Pollock, Franck Stella ou William Burroughs. Mary L. Booth introduit les créations du couturier parisien Charles-Frederick Worth appréciées par les clientes fortunées américaines puis plus tard de Paul Poiret qui inspire les couvertures que dessine Erté dans les Années Folles....
Dans les années 1930, Bazaar est un magazine de luxe avant-gardiste : Carmel Snow, la rédactrice en chef, s’allie le talent d’Alexey Brodovitch, le directeur artistique, et de Diana Vreeland, la chroniqueuse de mode. Cette dernière s’impose en styliste photographique ouvrant le magazine aux photos de corps ensoleillés que Louise Dahl-Wolfe saisit en couleur tandis que Carmel Snow introduit le photographe Man Ray. Dans les années 1950, l’heure est à l’existentialisme et aux premières illustrations d’Andy Warhol, suivies ensuite par les photographies de Richard Avedon et d'Hiro, qui s’inspire, quant à lui, de l’art cinétique.
Disco, Dallas et Dynastie donnent le ton du Bazaar des années 1980 dirigé par Mazolla et marqué par la présence en couverture des portraits de célébrités du star système, photographiées en ektachrome et en plan rapproché. En 1992, Liz Tilberis, rédactrice en chef, et Fabien Baron, directeur artistique, renouent avec l’élégance classique du magazine grâce à une refonte de sa typographie et au choix d’une esthétique affirmée. Linda Evangelista et Kate Moss sont mises en lumière par Patrick Demarchelier ou Peter Lindbergh. Enfin, avec l’arrivée de la rédactrice en chef Glenda Bailey en 2001, le magazine s’ouvre à la fantaisie avec les photographes Jean-Paul Goude et Simon Procter. L’heure est aux backstages, aux coulisses, aux grandes compositions photographiques.
Un lieu d'exposition rénové
C'est la première exposition qui se tient au MAD depuis la rénovation des galeries de la mode et le changement est notable : l’architecture d’origine du bâtiment est désormais apparente et les murs révèlent leurs pierres brutes, la luminosité est plus présente au sein de l'espace d'exposition qui semble ainsi plus grand, autorisant à foison l'utilisation d'images au format affiche, par exemple. Le parcours est désormais plus fluide !
Grâce au mécénat du financier américain Stephen A. Schwarzman et de son épouse Christine Schwarzman, les galeries de la mode ont bénéficié de cette restauration. Le mécénat fait partie intégrante de l’histoire de cette institution née en 1882 de la volonté de collectionneurs, industriels, artistes et artisans. Sa devise originelle "Le beau dans l’utile" rappelle sa vocation de culture et de connaissance.
La collection de mode du MAD est l’une des plus importantes au monde. Ce fonds, estimé à 150 000 oeuvres, réunit les pièces de couturiers et créateurs tels Gabrielle Chanel, Christian Dior, Jean Paul Gaultier, Christian Lacroix, Jean Patou, Paul Poiret, Yves Saint Laurent, Madeleine Vionnet et Iris van Herpen... Il rassemble également des costumes, accessoires et textiles mais aussi des dessins, photographies et archives. Le MAD présente chaque année des expositions temporaires monographiques ou thématiques : "Christian Dior, couturier du rêve" en 2017, "Dries van Noten, Inspirations" en 2014, "La mécanique des dessous, une histoire indiscrète de la silhouette" en 2013...
Exposition "Harper's Bazaar. Premier magazine de mode" jusqu'au 3 janvier 2021. Musée des Arts Décoratifs. 107, rue de Rivoli. 75001 Paris. Du mardi au dimanche de 11h à 18h.
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