Milan Fashion Week masculine : l'élégance au rendez-vous avec Prada, Dolce & Gabbana et Emporio Armani
Miuccia Prada et son co-directeur créatif Raf Simons ont présenté une collection conjuguant élégance et confort, qui vise à "libérer le corps" de l'homme, loin des conventions. Domenico Dolce et Stefano Gabbana, eux, ont exalté luxe artisanal et raffinement, tout en agrémentant la collection de touches de fantaisie sublimant le corps. Tandis qu'élégance et minimalisme ont été les maîtres-mots de la ligne Emporio de Giorgio Armani, du prêt-à-porter haut de gamme destiné à une clientèle jeune et tendance.
Prada : chemise dépoussiérée
Le défilé s'est déroulé dans un hall austère de la Fondation Prada qui plante le décor pour un vestiaire masculin sobre mais raffiné. Le point de départ, c'était la "chemise blanche, la plus simple". Et à partir de cette base, "vous pouvez faire tout ce que vous voulez", et la modifier en fonction de l'"individualité" de chacun, a commenté Miuccia Prada.
La liberté du corps passe par le port du short, omniprésent et décliné à l'infini, en noir, blanc, écru ou gris, assorti à des chemises et vestes du même ton. La cravate semble bannie, à contre-courant d'autres griffes qui viennent de l'exhumer. La silhouette est épurée, les coupes sont souples et les matières fluides, en popeline de coton, denim ou cuir. Petite entorse à la liberté de mouvement, les chemises sont rentrées dans le short ou le pantalon à pinces, et la taille est resserrée, contrastant avec la largeur des épaulettes. La traditionnelle chemise a été dépoussiérée, parfois sophistiquée parfois nonchalante, avec des manches ultra-longues et des touches de fantaisie comme des motifs floraux, des franges ou une multiplicité de poches.
"Quand vous suivez le défilé, vous voyez un costume d'homme classique" mais à y regarder de plus près, il s'avère "complètement différent", assure Raf Simons. Selon lui, il "permet au corps, qui est toujours en mouvement et en transformation, de se sentir libre". La même recette est appliquée à toute une gamme de vêtements, dont des imperméables, des gilets de reporters et des tenues de sport. Mais Prada n'a pas enterré ses classiques, comme ces manteaux amples à double boutonnage en blanc surmontés d'un petit col de la même couleur, revisités pour l'occasion.
Adepte d'une mode "durable", Miuccia Prada milite depuis longtemps contre la fast fashion, cette tendance marquée par un renouvellement rapide des vêtements proposés à la vente. La production de masse de vêtements a des conséquences néfastes sur l'environnement alors que l'industrie textile figure parmi les plus polluantes de la planète. Quant à la promesse de Prada d'atteindre la neutralité en termes d'émissions de carbone d'ici 2050, son PDG Lorenzo Bertelli a relevé que le groupe "espère l'avancer" et que les objectifs intermédiaires étaient "en bonne voie". La maison de luxe compte réduire d'ici à 2026 de 29% ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2019 concernant ses sites de production et sa flotte de véhicules ainsi que sa consommation d'électricité et de gaz.
Dolce & Gabbana : élégance sensuelle
Élégance et sensualité : Dolce & Gabbana a dévoilé une collection exaltant le luxe artisanal et le raffinement, tout en l'agrémentant de touches de fantaisie sublimant le corps. Loin de l'habituelle exubérance de leur univers polychrome, les deux stylistes ont axé le défilé sur le noir, leur couleur fétiche qui rappelle la Sicile chère à Domenico Dolce, originaire d'une petite ville près de Palerme.
Dans le carton d'invitation, le duo donne sa définition du mot "style" : c'est "la manière de s'habiller et de se comporter d'une personne qui a une élégance spontanée, raffinée et soignée". Un concept appliqué à la lettre à leur collection qui puise dans le répertoire classique et remet au goût du jour des vestes cintrées, des manteaux longs et fluides, des cravates minces et des pantalons à double taille amples. Les bermudas, omniprésents, sont assortis de vestes sophistiquées. Des costumes à fines rayures noires et blanches et des chapeaux en feutre semblent sortis d'un film sur Al Capone. Une rigueur dans la coupe qui est assouplie par des dentelles, des imprimés à pois et des fleurs brodées sur des chemises. Les tuniques sont parfois translucides, voire transparentes, tout comme certains pantalons découvrant les jambes.
Outre le noir et le blanc, prédominants, la palette des teintes comprend le gris, le camel et le marron. Les tissus sont satinés et nobles, permettant, selon la griffe, de "sculpter les lignes". "Se concentrer sur le style est une voie sur laquelle nous nous sommes engagés il y a un an, car sur les réseaux sociaux, nous sommes bombardés d'images contradictoires qui créent une grande confusion", ont raconté Domenico Dolce et Stefano Gabbana "Nous avons chaque jour de nouvelles icônes mais demain, est-ce que nous nous en souviendrons ?", se sont-ils demandé. "On s'est dit : mais nous, on a un style, et c'est pour ça qu'on a repris nos codes, à commencer par l'art de la couture, qui est éternelle, parce qu'une belle veste ou un pantalon bien coupé ne se démodent jamais", ont-ils assuré.
"L'influenceur n'est plus déterminant, les gens ne se précipitent pas dans les magasins à cause d'un de leurs posts, car derrière il n'y a ni culture ni narration d'histoires (...) il n'y a aujourd'hui qu'une schizophrénie de la pensée qui sème la confusion", ont-ils décrété. Une volte-face alors que le duo avait présenté en février 2021 une collection taillée sur mesure pour la génération TikTok, arborant des looks street wear aux couleurs flashy et pantalons à imprimés motif léopard. Au premier rang du défilé figuraient des influenceurs ainsi que le chanteur et acteur américain Machine Gun Kelly et la star sud-coréenne de la K-pop Doyoung. L'affluence était grande devant les showrooms des griffes où des hordes de fans tentaient d'immortaliser avec leurs smartphones l'arrivée des influenceurs, vedettes de la K-pop ou autres VIP.
Emporio Armani : minimalisme
Retour aux sources, élégance et minimalisme ont été aussi les maîtres-mots de la ligne Emporio de Giorgio Armani, du prêt-à-porter haut de gamme destiné à une clientèle jeune et tendance. Le fil rouge de cette collection, à forte influence orientale, est un ginkgo stylisé, des motifs de cet arbre originaire de Chine à feuilles en éventail échancré ornant pulls, chemises et bijoux. Pour la griffe, le ginkgo millénaire est le symbole d'un style à la fois moderne et intemporel. Des pulls en maille près du corps, des gilets portés à même la peau, des tuniques sans manches, des vestes kimono en soie et des pantalons très amples marquent cette collection axée sur le noir et le blanc mais aussi la couleur sable.
Le défilé se déroule dans un décor imaginaire de pleine nuit, illuminée par le clair de lune qui scintille sur un paysage marin et des rochers. "J'aime chez les jeunes d'aujourd'hui la liberté absolue par rapport aux codes : ils portent des vêtements de soirée même pendant la journée, en ayant toujours l'air crédibles", a expliqué à l'issue du show Giorgio Armani, 88 ans.
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