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Interview
"Everything is fashion" : l'Américaine Diane Pernet, fondatrice du festival de films de mode ASVOFF dévoile les points forts de l'édition 2024
ASVOFF (A Shaded View On Fashion Film) veut être à la fois une compétition de courts-métrages, et un événement plus large proposant tout type de films sur la mode, des master classes et même des installations artistiques.
Pendant quatre jours, du 7 au 10 novembre 2024, au Dover Street Market, à Paris, plus de 130 films sont projetés à ASVOFF (A Shaded View on Fashion Film), le premier festival de films au monde dédié à la mode, au style et à la beauté. Réalisateurs légendaires et émergents y sont évalués par un jury de personnalités de la mode, du cinéma et du design sous la présidence cette année de l'égérie de mode, modèle et performeuse Michèle Lamy.
Ce n'est pas seulement une compétition de courts-métrages sur la mode et la culture, c'est un événement international proposant longs-métrages, documentaires, master classes, conférences, performances live et installations artistiques. Cet incontournable du calendrier de la mode et du circuit cinématographique offre une sélection officielle de 30 films provenant des quatre coins du globe. En plus des films étudiants hors compétition, cette édition aborde moult thèmes d'actualité : santé mentale dans la mode, films générés par l'IA, films de mode chinois, archive Queer, guerriers climatiques...
Pionnière dans le domaine des médias numériques avec son blog de mode A Shaded View on Fashion créé en 2005, Diane Permet a fait également des apparitions au cinéma dans les films Prêt-à-Porter de Robert Altman, Zoolander 2 de Ben Stiller, The Ninth Gate de Roman Polanski, Balenciaga The Lost Tape d'Harmony Korine. Rencontre avec cette journaliste américaine installée à Paris, photographe et styliste, au look reconnaissable entre mille – chignon surmonté d'un voile, lunettes de soleil papillonnantes et imper jusqu'aux chevilles, le tout en noir intégral – qui retrace son parcours et lève le voile sur les thématiques du festival ASVOFF 2024.
Franceinfo Culture : Journaliste, photographe, documentaliste, créatrice et critique de mode, découvreuse de talents, blogueuse, costumière, commissaire de projets cinématographiques. C'est un parcours très riche. Diane Pernet : J'ai fait mes études dans le cinéma et après, j'ai été photographe, mais pas de mode ! Après neuf mois d'études dans la mode, j'ai créé à New York ma marque de prêt-à-porter féminin de luxe, pendant treize ans. J'ai même eu une licence à Tokyo durant cinq ans. Je suis venue en France au début des années 1990 où j'ai travaillé, dans un premier temps, dans une émission de mode avant d'écrire pour Elle.com et Vogue.fr.
ASVOF est le nom de votre blog créé en 2005. Trois ans plus tard, vous lancez le festival ASVOFF. En 2005, j'ai créé ASVOF mon blog de mode. À ce moment-là, il y en avait beaucoup, mais ils étaient plutôt politiques. L'année suivante, j'ai créé le festival. La première édition, qui s'appelait You Wear it Well (titre d'une chanson de Rod Stewart) a débuté à Los Angeles, parce que je pensais que Los Angeles était très connue pour le cinéma, mais pas pour la mode, alors que Paris, c'est extraordinaire, c'est bon pour les deux ! Pendant presque trois ans, j'avais un collaborateur, puis il y a eu une rupture en 2008. Là, j'ai changé le nom en ASVOFF dont la première édition a été lancée en septembre au musée national du Jeu de paume, à Paris. En parallèle du festival, j'ai toujours continué mon blog.
À son lancement, ASVOFF est un festival international. Itinérant, il débute à Paris, puis parcourt le monde. Dès le départ, ça a été une vision internationale, surtout les quatre premières années. C'était vraiment itinérant, je voyageais beaucoup avec le festival. Il débutait à Paris, puis partait dans d'autres villes comme New York, Londres, Tokyo, Milan, Moscou, Mexico, en Chine et même en Amérique du Sud. Le festival voyage encore de temps en temps, mais c'est désormais ponctuel. De 2009 à 2015, il s'est installé au Centre Pompidou, à Paris. Mais depuis quatre ans, il est dans le Marais, à l'endroit où est aujourd'hui installé le Dover Street Market [ouvert en mai 2023, c'est un concept store avant-gardiste fondé par Rei Kawakubo et Adrian Joffe].
Vous avez obtenu l'homologation du ministère français de la Culture. Une reconnaissance qui témoigne de votre contribution au patrimoine culturel français et son engagement pour la mode et l'esthétisme dans le cinéma. Oui, c'était l'année dernière. Je suis ravie, car je fais plein de choses pour cette ville. C'est une passion et une reconnaissance ce soutien, mais malheureusement cela n'apporte pas d'argent. Peut-être dans l'avenir, puisque c'est un festival culturel vraiment important.
Comment ce festival a-t-il évolué depuis sa création ? Au début, c'est plutôt la mode, mais au fil des années, il s'est diversifié et désormais, ce sont tous les thèmes que je trouve importants dans la vie. Le cœur du festival reste la mode, mais pas le côté cliché. L'année où Jean Paul Gauthier a été président du festival il m'a dit : "Everything is fashion". Et je suis en accord avec lui. Je choisis le président du jury et le jury de la sélection officielle des films. Pour les autres prix – les thématiques plus sociétales –, c'est le président de chaque jury qui choisit son propre jury et remet son prix. Côté programmation, depuis cinq ou six ans, j'ajoute chaque année de nouveaux thèmes et catégories plus dans l'air du temps comme Black Spectrum, films générés par l'IA, TikTok...
Quel est le menu de l'édition 2024 ? C'est toujours "sustainability" [durabilité] mais plutôt axée sur la régénération de textiles. Il y a du court et du long-métrage, des master classes, des documentaires, des conférences, des performances live, des installations artistiques, soit 130 films au total, dont 30 dans la sélection officielle. Je reprends aussi le thème abordé l'an passé de Climate Warriors pour les Kids and Teens, car j'ai vraiment envie de connaître leur vision de l'avenir. Mental Health and Fashion est un nouveau thème, c'est important la santé mentale dans la mode parce qu'il y a plein de problèmes de stress pour les gens qui y travaillent.
Le premier jour, le 7 novembre, est projeté le documentaire Quant, réalisé par Sadie Frost, qui rend hommage à une figure à l'avant-garde de la mode des années 1960-1970. Avec ce film-là, on rentre dans le cœur du festival avec la créatrice de la jupe courte, c'est vraiment de la mode pure. Cette styliste a révolutionné la mode, elle est la première femme qui a fait autant de choses. C'est majeur dans le monde et je pense que c'est intéressant de voir ce qu'elle fait. C'est le film de la cérémonie d'ouverture projeté le soir.
L'après-midi, avant cette projection, je propose Fashioned Out, des courts-métrages relatant l'atmosphère des collections pendant la Paris Fashion Week 2002. Ils avaient été commandés par les Galeries Lafayette pour leurs vitrines. J'imagine que c'est fun pour les gens – qui à l'époque avaient seulement 5 ans – de revoir ce qu'était la mode il y a vingt-deux ans à Paris, Milan, New York et Londres.
Votre festival aborde des thèmes sociétaux comme des films de mode générés par l'intelligence artificielle. Là, on est au cœur de ce qui se passe à l'heure actuelle et des débats qu'il y a dans la société. C'est la deuxième fois que je présente cette thématique très intéressante et importante.
La matinée du 9 novembre est consacrée, par exemple, à Climate Warriors Kids & Teens, un programme dédié aux jeunes de 6 à 16 ans sensibles aux enjeux environnementaux. C'est quelque chose qui prend beaucoup d'espace dans nos têtes, car beaucoup d'animaux, de poissons ont disparu, alors c'est important de voir la vision des enfants ! On leur demande de faire des petits films pour montrer comment ils voient l'avenir : 30 secondes pour les kids, 60 pour les teens. Ils déposent leur projet en petits formats MP4 tournés sur leurs smartphones. La présidente du jury Kids a 13 ans et celui du jury Teens, 15 ans. C'est leur vision de l'avenir, ces propositions. Leurs œuvres, leurs créations seront ensuite mises en ligne sur la plateforme.
Le festival se termine le 10 novembre par la remise des prix. Le festival est ouvert au public, sauf les soirées de cérémonies d'ouverture et de fermeture. Aujourd'hui payant, il a été gratuit pendant treize ans.
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