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« J’ai assisté à mon premier défilé Alaïa ». Un instant rare !

Article rédigé par franceinfo - Corinne Jeammet
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Temps de lecture : 3 min
Alors que la fashion week automne-hiver 2012-2013 s’est terminée le 7 mars, je ne pensais pas, une semaine plus tard, voir -avec autant d’enthousiasme- un défilé. Pourtant, un petit texto m’a fait bondir « Est-ce que ça t’intéresse un défilé Alaïa, demain 11h ? ». Une opportunité qui se présente rarement. Azzedine Alaïa est un couturier dont le travail est peu exposé.

Le second texto me met en transe : « Se présenter à 10h45 au 7 rue Moussy. Attention ! Caméra, appareil photo, téléphone interdits par le maître ! ». J’exulte, je vais assister à mon premier défilé Alaïa.

Observer de près une robe d'Azzedine Alaïa est un plaisir inédit : le couturier tunisien ne s'impose plus le rituel des défilés. Et les journalistes conviés à ces présentations sont peu nombreux. Cette fois-ci, grâce à l'amie d'un ami, j’en fais partie, tout comme les acheteuses et fidèles clientes présentes ce jour-là. 

Adulé dans le monde entier depuis les années 1980, le couturier qui dessine peu, préférant draper et couper, est un "homme libre" qui n'a besoin ni des grands magazines de mode, ni du calendrier des défilés pour exister. "Il n'a pas de parutions dans le (très influent) Vogue américain et ça ne le gêne pas. Il n'a aucune contrainte. Le vrai luxe, il est là", commentait son ami Didier Krzentowski, galeriste parisien, fin 2011 lors de lancement de l’exposition Azzedine Alaïa aux Pays-Bas.

Dans l’antre du maître
Le lendemain, je montais les marches qui mènent au hall d’entrée de son atelier parisien avant de pénétrer dans une grande pièce rectangulaire couverte d’une belle verrière. Quelques tables, des sièges… On m’indique que je peux m’installer au 2e rang. Je suis ravie. Et comme je suis en avance, j’ai du temps pour regarder la collection automne-hiver 2012-2013, présentée sur des portants, avant que ne commence le défilé. Au pied des portants sont déposés la maroquinerie (sacs et petits accessoires) et les chaussures dont des modèles à talons vertigineux incroyables. 6 silhouettes sont présentées sur des bustes Stockman. Elles donnent le ton de la collection.

Tâter les étoffes et détailler les coupes
La pièce blanche, bien éclairée, tranche avec la palette des couleurs de la garde-robe : ici beaucoup de noir, un peu d’ivoire, du vert sapin, de l’aubergine et du violine… J’ai le privilège d’apercevoir un peu plus loin Monsieur Alaïa en pleine discussion. J’en profite pour regarder les modèles de prés, pour tâter les étoffes et les mailles mais surtout admirer la coupe des vêtements. Pas de couture inutile, on va à l’essentiel. Tout semble d’une sobriété extrême mais c’est la coupe qui fait tout ! Le corps de la femme doit être sublimé ! C'est élégant, féminin, sexy sans être vulgaire.

Ici, ce n’est pas la précipitation habituelle. Une certaine sérénité se dégage
Et, c’est le top départ du défilé. Un quart d’heure de pur bonheur. Les mannequins défilent sans accessoires, point besoin de sacs, de colliers ou de maquillage incroyable… l’essentiel, c’est le vêtement. Les femmes Alaïa n'ont rien d'androgyne, elles ont des formes. Leurs épaules et leurs tailles sont soulignées par des coupes en biais. Les lignes des robes sont près du corps : beaucoup de maille aux coutures quasi invisibles, des manteaux corsetés par des ceintures. Le tout décliné dans de belles matières : beaucoup de maille et des lainages, du cuir, du velours… On a aimé la combinaison noire près du corps, la robe trapèze, la jupe de patineuse, les tailleurs pantalons, les manteaux à veste croisée, version redingote mais aussi un micro boléro en cuir vernis impression croco, des plus craquants.

« Une incroyable maîtrise technique » selon Olivier Saillard
"Si un couturier c'est quelqu'un qui refaçonne les corps alors aujourd'hui il n'y a qu'Azzedine qui sait faire ça", affirmait Olivier Saillard, fin 2011 lors de l’inauguration de l’exposition. Cet historien de la mode a été bluffé par sa "poésie" et son "incroyable maîtrise technique". Le directeur du musée Galliera rêve de faire venir à Paris l'exposition quand elle fermera ses portes à Groningue. "C'est un travail qu'on ne voit jamais", remarquait-t-il. "Ses robes sont hors du temps, hors la mode", commentait-il, retrouvant des détails de coupe des années 1930, 1940, 1950. "C'est une digestion très intelligente de ce qu'est la couture, sans être donneur de leçon. Il sait tellement bien faire qu'il n'a pas besoin de le dire". Le résultat, c'est que "de loin, c'est ravissant, et de près c'est vertigineux de travail, mais ça reste toujours gourmand. Alaïa aime les femmes. Ses vêtements, c'est des caresses pour les filles" concluait-il.

Exposition "Azzedine Alaïa in the 21st Century". Groninger Museum jusqu'au 6 mai 2012. Museumeiland 1. 9711 ME Groningen. Pays-Bas

Défilé Azzedine Alaia pap ah 2012-2013, à Paris, mars 2012
 (Ilvio Gallo)

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