La collection hommage à la Marquise de Pompadour décryptée par Olivier Saillard, le commissaire d'exposition
"Cette collection printemps-été 1992 propose un condensé de couleurs et de liberté. Elle est vivante" explique le commissaire d'exposition.
Pourquoi choisir cette collection de 1992 ?
Olivier Saillard : "Cette collection a été la première qu’Azzedine Alaïa ait présenté dans ces nouveaux espaces. Il venait d’acquérir des bâtiments où avait été installé un hôtel particulier avec des fresques, en réalité des cartes géographiques. Azzedine Alaïa a découvert que la Marquise de Pompadour y avait vécu (ndlr : la favorite de Louis XV avait reçu dans ces lieux les bases de son éducation sociale). Cela lui a plu de faire une collection hommage à cette jeune femme qui est entrée à la cour, bien qu’elle ne soit pas issue de l’aristocratie".Quand en 1987, Azzedine Alaïa fait l’acquisition d’un îlot de bâtiments dans le quartier du Marais à Paris, l’ensemble est constitué de vastes espaces qui vont de la rue de la Verrerie à la rue de Moussy. Dans ce qui fut jadis l’hôtel des évêques de Beauvais devenu au XIXe siècle un atelier industriel, il fera ses défilés, avant d’y installer son lieu de travail et de vie. Lors des travaux de rénovation sont mises au jour de grandes cartes géographiques de régions lointaines peintes à même le plâtre, vestiges d’une époque où le bâtiment accueillait les cantines des magasins du Bazar de l’Hôtel de Ville.
Pourquoi cet hommage à la Marquise de Pompadour ?
Olivier Saillard : "Il ne put s’empêcher de voir dans cette coïncidence des lieux la confirmation de sa propre vocation de couturier passionné des arts et de culture française. Il a fait un transfert. Pour Azzedine Alaïa, la Marquise de Pompadour était une des grandes figures de l’histoire. Il était fasciné par ce destin hors du commun d’une femme aux origines modestes et admirait son esprit d'indépendance. En 1991, la collection printemps-été 1992 est faite de références à la Marquise de Pompadour".Pourquoi est-elle l’une des plus emblématiques de son oeuvre ?
Olivier Saillard : "La collection de 1992 est l’une des plus importantes que le couturier ait jamais créés avec 115 modèles présentés (ndlr : habituellement les défilés présentent une trentaine de silhouettes). Pour ce show ont défilé les plus grands top models : Carla Bruni, Naomi Campbell, Yasmeen Ghauri… J’ai regardé la presse de l’époque : c'est une collection qui a été bien reçue".Pouvez-vous nous décrire les modèles ?
Olivier Saillard : "Sous des jupes longues ou courtes, les broderies anglaises bordent les ourlets et soulignent les revers d’une veste. Les coupes sont rigoureuses. Il y a une profusion de décolletés avec des balconnets pigeonnants. Mais c’est avec le cuir qu'Azzedine Alaïa donne l’interprétation la plus étonnante de sa vision de la mode du XVIIIe siècle : perforée, la matière brute devient dentelle et forme des bustiers ajourés et des corsets qui soulignent la taille. Sans oublier les ceintures. Sur des robes en maille aux décolletés audacieux, il pose des motifs d’entrelacs au niveau du pubis ou des rubans en trompe-l’oeil ornés d’un "mon coeur est à papa".Il y avait aussi de grandes chemises rayées portées comme un peignoir et des maillots de bains. Avec ses couleurs pastels - sorbet rose ou vert écrasé et tout ce blanc - cette collection est rayonnante dans la légèreté des couleurs et l’abondance".
Comment avez-vous sélectionné ces 41 pièces ?
Olivier Saillard : "Avec Carla Sozzani, son amie et présidente de l’Association, nous avons sélectionné les modèles les plus intemporels. Ceux qui auraient le plus plu à Azzedine Alaïa. Parmi ces 41 pièces, ma préférée est une petite robe en broderie anglaise blanche chantilly ceinturée d'un corset. C’est une friandise qui donne envie d’être mangée, tant elle est fraiche. C’est un bel exemple de sa virtuosité"."Alaïa. Livre de collection", l'hommage de Prosper Assouline au couturier
Les plus passionnés seront séduits par "Alaïa. Livre de collection", ouvrage photographique de référence. En 1991, Prosper Assouline se voit accorder un accès au studio et aux ateliers d’Azzedine Alaïa, où règne une activité fiévreuse. Jamais auparavant un artiste n’avait permis que les secrets de ses ateliers soient dévoilés de manière aussi complète. Il en résulte, ce livre, un reflet du chaos créatif et de la folie fragile et merveilleuse qui constituent l’élaboration de la collection Alaïa pour l'été 1992.Pendant 35 ans Prosper Assouline a été un proche ami d’Azzedine Alaïa. Pour lui rendre hommage, il a réédité "Alaïa. Livre de collection". Auteur des textes et photographies, il y évoque l’absolu éphémérité d’un défilé. Retrouvez ici l'interview qu'il m'avait accordée en mai dernier.
L’Association Azzedine Alaïa fait vivre l'oeuvre du couturier
La vie du couturier a été remplie par la mode, l’art, le design, l’architecture, la musique et le théâtre. Pendant 50 ans, il a été un collectionneur passionné par tous les domaines de la culture. En 2007, il décide de protéger son oeuvre et sa collection d’art en fondant l’Association Azzedine Alaïa, conjointement avec son partenaire de vie le peintre Christoph von Weyhe, et son amie l’éditrice Carla Sozzani, afin que cette Association devienne la Fondation Azzedine Alaïa.La Fondation Azzedine Alaïa abrite tous les trésors de la maison et de son créateur et expose son travail et les oeuvres d’art de sa collection personnelle, à Paris, au 18 rue de la Verrerie, où il a vécu et travaillé, et à Sidi Bou Saïd, la ville qu’il a tant aimée. Ces lieux abritent, par ailleurs, des expositions régulières sur l’histoire de la mode et du design. Enfin l’Association Azzedine Alaïa attribuera des bourses à des jeunes talents de la mode.
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