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La Fashion Week de New York entre la diversité et le glamour

Tom Ford a ouvert le 5 septembre la Fashion Week de New York présentant le printemps-été 2019. Les premiers jours sur les podiums de cette semaine de la mode, qui se tient jusqu'au 12 septembre, ont déjà été ponctués de moments forts : anniversaires d'Escada, de Longchamp, de Ralph Lauren et hommage à Kate Spade.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Kate Spade printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 (Angela Weiss / AFP)

Le secteur de la mode bénéficie de l'excellente santé de l'économie américaine mais le milieu continue à chercher un équilibre bousculé par les réseaux sociaux et la "fast fashion". Le syndicat américain de la mode a déjà tenté des innovations, en groupant Fashion Week homme et femme en février et en s'essayant à une demi-saison décalée en juin mais les changements restent superficiels. "La Fashion Week doit revoir la manière de se présenter", a estimé le créateur new-yorkais Zac Posen, qui s'en est affranchi depuis trois saisons, lors d'un entretien à la chaîne américaine CNBC. "Création en continu, ventes en continu, donc il faut continuellement créer de nouvelles manières de faire de la publicité, de la promotion et d'intégrer vos produits dans votre ligne."

Escada réinterprète les années 80 pour ses 40 ans

La marque allemande Escada a effectué son premier défilé à New York : l'occasion de fêter les 40 ans de la maison et de présenter une collection réinterprètant les années 80, décennie magique pour le groupe. Escada a été une belle endormie, portée par une marque forte mais plombée par une gestion calamiteuse et des choix créatifs incertains, qui l'ont poussée à déposer le bilan en 2009. Rachetée par la belle-fille du magnat de l'acier Lakshmi Mittal, la marque dont le nom est inspiré de celui d'un cheval de course tente de remonter la pente. Depuis son arrivée, en 2017, le créateur irlandais Niall Sloan tente de faire se rencontrer l'esprit de la cofondatrice, Margaretha Ley, et l'époque actuelle : "Je réfléchis à ce qu'elle aurait fait si elle avait été vivante aujourd'hui", a déclaré le créateur au sujet de Margaretha, décédée en 1992.
Escada printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 (Bebeto Matthews/AP/SIPA)
Niall Sloan a réinterprété les incontournables des années 80, la décennie qui a fait décoller Escada, au point d'habiller les célébrités les plus emblématiques de l'époque, de Kim Basinger à la princesse Diana. Epaulettes, couleurs vives et boutons dorés étaient de sortie. Le couturier a fait le choix de matières nobles, en particulier de la soie, pour illustrer des années lors desquelles les femmes se sont affirmées sur le plan vestimentaire, notamment dans l'univers professionnel. "Lorsque vous vous êtes battue pour un espace dans un monde d'hommes, le vrai défi ensuite est de n'avoir pas perdu un idéal féminin", a expliqué Niall Sloan. "Je veux que vous méttiez quelque chose le matin", explique-t-il, "que cela vous aille naturellement et que vous passiez la journée sans y penser de nouveau."

Longchamp fête ses 70 ans à New York au lieu de Paris

La maison française Longchamp s'est offert pour ses 70 ans un défilé à la Fashion Week, témoin de ses ambitions dans le prêt-à-porter et aux Etats-Unis. Un défilé inédit pour cette entreprise familiale qui se limitait jusqu'ici à organiser des défilés pour son propre réseau. La directrice artistique, Sophie Delafontaine, petite-fille du fondateur, entendait allier "esprit californien et sens de l'élégance parisienne" : s'appuyant sur le coeur de métier de maroquinerie de la marque, les tenues faisaient la part belle au cuir et au daim, égayés de franges dans des coupes fines et épurées, jusqu'aux sandales-bottes nouées sous le genou. Des tissus imprimés style Ikat étaient aussi à l'honneur. Parmi les 40 mannequins figurait Kaia Gerber, 17 ans, fille de Cindy Crawford.
Longchamp printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 (Angela Weiss / AFP)
Longchamp, qui s'est rendu célèbre avec son sac Pliage en Nylon lancé dans les années 1970, n'a commencé à s'intéresser aux femmes qu'à partir des années 1980 et au prêt-à-porter et aux chaussures il y a 10 ans seulement, rappelle son DGl Jean Cassegrain, petit-fils du fondateur. "Il a fallu mettre en place une chaîne de fournisseurs (..) élargir les magasins...On est une maison familiale, indépendante, on l'a fait à notre rythme (...) Il ne nous manquait plus que le défilé." La marque a choisi New York pour mettre en avant "le côté cosmopolite de la marque", qui se développe à l'international. Témoin de la volonté de cette marque de luxe de se renforcer aux Etats-Unis, l'entreprise a ouvert une boutique sur la 5e Avenue, et une seconde doit ouvrir à Los Angeles. Si la non-maroquinerie représente toujours moins de 10% d'un chiffre d'affaires annuel, M. Cassegrain n'affiche aucun doute : "il y a 25 ans, la mode et la maroquinerie étaient des secteurs séparés. Aujourd'hui c'est la même chose (...) Le sac est maintenant un objet de mode, et la marque doit aussi être une marque de mode."

Hommage à la styliste Kate Spade, décédée en juin

La marque Kate Spade a rendu hommage à la styliste décédée début juin. "Elle laissait une petite étincelle partout où elle allait", disait un carton distribué aux invités, en référence à la créatrice qui s'est suicidée à 55 ans. "En mémoire affectueuse 1962-2018", était-il écrit au dos. "Même si elle n'est plus ici depuis plus de dix ans, son esprit reste clairement au sein de la maison", a expliqué la nouvelle directrice de la création, Nicola Glass. Reine de l'accessoire, qui avait imposé sa patte avec l'inspiration marketing de son mari, Kate Spade était sortie du capital de sa société en 2006, et avait renoncé à tout rôle créatif. Construite sur les sacs et les accessoires, la marque ne s'est lancée dans le prêt-à-porter qu'en 2009.
Kate Spade printemps-été 2019 à New York, en septembre 2018
 (Bebeto Matthews/AP/SIPA)
Nicola Glass a expliqué avoir cherché, depuis son arrivée début 2018, à revenir aux racines de la marque. Elle a déjà réinterprété les classiques du sac à main, jouant notamment sur le logo en as de pique. Elle a présenté une collection pleine d'énergie, tout en couleurs et en imprimés. "Il s'agissait de prendre des éléments de base qui étaient là au début et de les reformuler d'une manière nouvelle", a décrit la styliste. Résultat : une inspiration bohème chic avec des chaussures à talons compensés, de grandes bottes ou des fichus. Elle a revendiqué un esprit "plus moderne, moins rétro", notamment dans les imprimés. Nicola Glass a voulu capter l'esprit de Kate Spade, qui, selon elle, "a encouragé les femmes à s'amuser avec la mode", leur envoyant le message que ce "n'était pas intimidant, qu'elles pouvaient s'exprimer". 

Parterre de stars pour le cinquantenaire de Ralph Lauren

Pour le cinquantenaire de Ralph Lauren en prêt-à-porter, une brochette de célébrités est venue rendre hommage au maître, qui, à 78 ans, reste aux manettes de la création. Le créateur, qui présente désormais ses collections en saison (et non pas en décalé comme le veut la tradition), est revenu aux deux grands axes qui ont défini son style. D'un côté le côté "preppy", qui rappelle la grande bourgeoisie de Nouvelle-Angleterre et les campus d'universités façon années 50, de l'autre les grands espaces et le country/western traditionnel. Après un exercice 2017 en retrait, le groupe cherche à se relancer et a présenté un nouveau plan stratégique, qui vise à séduire les jeunes et à investir des catégories jusqu'ici plutôt délaissées comme le jean. 
Ralph Lauren printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 (Diane Bondareff/AP/SIPA)

Mais aussi la défense de la diversité, des genres et des noirs

Autre défilé couru : celui de Christian Siriano, chouchou d'Hollywood, qui s'est imposé comme un défenseur de la diversité en faisant défiler des mannequins grandes tailles - dont la vedette Ashley Graham - ou transgenres. Un foisonnant défilé jonglant imprimés fleuris style Hawaï, robes de bal, ou tenues masculines en léopard transparent dans un festival de volants et de couleurs, du rose pâle au noir en passant par le vert fluo. Avec une touche d'engagement politique : les invités avaient reçu un tract en faveur de l'actrice Cynthia Nixon, candidate au poste de gouverneur de New York. Le designer de 32 ans est venu saluer dans un T-shirt noir aux couleurs de la candidate.
Christian Siriano printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 (Angela Weiss / AFP)
Kerby Jean-Raymond, qui a lancé en 2013 la maison Pyer Moss, a envoyé un message au goût de "black power", avec des mannequins, un orchestre et un choeur exclusivement noirs. "Je veux montrer que le noir peut être beau sans être toujours dramatisé, tragique, comme pour le divertissement. Il peut exister avec pour unique raison d'être nous-mêmes", a expliqué le créateur.
Pyer Moss printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 (Angela Weiss / AFP)

Mike Eckhaus et Zoe Latta pour la maison Eckhaus Latta ont joué sur la fluidité des genres ("gender fluid"), de l'extrême féminité à la masculinité la plus affirmée. Il y avait beaucoup à voir des corps, par transparence ou franchement dévoilés. "Il ne s'agit pas d'être sexy mais d'un sens du confort", a expliqué Zoe Latta. "Nous ne nous attendons pas à ce que tout le monde porte ces pièces avec les seins à l'air". Les deux designers savent que tout ne peut pas se vendre mais revendiquent le droit d'expérimenter, notamment avec du papier mâché. "Nous ne nous attendons pas à ce que la vente de ces modèles (en papier mâché) nous permettent de faire tourner la boîte", a reconnu Zoe Latta "mais c'était malgré tout pour nous un élément très important à explorer."

Eckhaus Latta printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 ( Ovidiu Hrubaru/WWD/REX/Shutterstock/SIP)
Sander Lak pour sa marque Sies Marjan a prôné le blanc et le bleu dans des pièces marquées par l'aisance et l'amplitude. Ce designer, né à Brunei mais qui a beaucoup déménagé depuis son enfance, affirme se sentir enfin "chez lui" à New York, et avoir trouvé la maturité à 35 ans, qui lui permet de se libérer des "attentes" à son égard. Le créateur néerlandais avait choisi quelques proches, aux côtés de mannequins professionnels, comme sa mère. "C'est vraiment grand de pouvoir célébrer ce que je fais avec les gens que j'aime", a-t-il expliqué à l'AFP.
Sies Marjan printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 (Slaven Vlasic / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)
Hugo Boss a pris le parti d'une utilisation minimaliste des couleurs, avec beaucoup de noir, de blanc, de beige et de vieux rose pour sa collection BOSS intitulée "California Breeze" (brise californienne) et se voulait en décontraction chic. L'un des costumes, immaculé, rappelait la tenue portée par Michael Jackson sur la photo de l'album "Thriller", dont Hugo Boss a ressorti une version pour les 60 ans de la naissance du roi de la pop.
Boss printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 (Courtesy of Hugo Boss)
La créatrice américaine Tory Burch a présenté une collection enjouée, empreinte du souvenir de ses parents. Leurs nombreuses croisières en Méditerranée ont inspiré ce dialogue entre les rives nord et sud de la mer, de la dentelle de Chypre aux djellabas d'Afrique du Nord, en passant par les volants de la robe flamenca. Certains aspects évoquaient l'esprit d'Yves Saint Laurent, notamment des déclinaisons de la fameuse saharienne, réinterprétée il y a plus de cinquante ans déjà par le couturier français.
Tory Burch printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 (Slaven Vlasic / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Après des détours par Londres et Los Angeles, Tom Ford semble ancré dans le calendrier de la Fashion Week new-yorkaise, qu'il a ouvert pour la troisième fois d'affilée. Le créateur américain a présenté une collection plus sobre que d'ordinaire plaçant au second plan le glamour choc qu'il affectionne. Le Texan a tout misé sur l'élégance et les codes classiques de la féminité : jupes crayon, robes fourreau, décolletés, beaucoup de satin et un peu de dentelle, tailleurs, dans des couleurs sages du blanc au noir en passant par le chair. La mannequin vedette Gigi Hadid a clos le défilé dans une robe avec un grand voile ample dans le dos, qui rappelait le Hollywood des années 50.

Tom Ford printemps-été 2019 à New York, septembre 2018
 (Angela Weiss / AFP)

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