La robe de chambre masculine, hier pièce essentielle du vestiaire du dandy
Immortalisé par Diderot ou Voltaire, cette robe d'intérieur tire son origine et sa forme des caftans et tenues orientales. Réalisées dans des toiles peintes appelées "indiennes", elles sont au XVIIIe siècle fabriquées dans des soieries façonnées et brochées aux motifs chatoyants. La robe de chambre va évoluer : elle se raccourcit pour devenir veston d'appartement douillet et confortable que l'on revêt devant sa cheminée.
La robe de chambre, un art de vivre
La fin du siècle des Lumières marque un engouement pour les vêtements d’intérieur qui perdure jusqu’au début du XXe siècle. L’expression robe de chambre apparaît en 1569, c’est un vêtement masculin ou féminin, c’est le "déshabillé des hommes". Vêtement douillet, confortable, appelée aussi robe d’intérieur, elle se porte le jour au sein du foyer.Au XVIIe siècle, les vêtements inspirés des caftans orientaux font partie de la mode des turqueries ou des chinoiseries. Ils sont réalisés dans des "indiennes", toiles de coton peintes et originaires des Indes, fabriquées en France, à l’exemple de la Manufacture Oberkampf à Jouy-en-Josas. Dans les collections du Musée des Arts de la Mode à Paris, on note une robe de chambre de forme kimono qui atteste du rôle joué par la Hollande dans l’engouement européen pour ce type de vêtement. Il était le seul pays autorisé à commercer avec les Japonais qui avaient l’habitude d’offrir 30 kimonos aux officiers hollandais à la signature de traités commerciaux. La dite robe de chambre a été exécutée en Inde à partir d’un modèle japonais.
Au cours du XVIIIe siècle, l’influence orientale est toujours présente dans la forme ou le motif du tissu. Les riches soieries sont un excellent support pour ces tenues qui témoignent de l’attention et du luxe que les gentilshommes accordent à leurs atours. Les bonnets d’intérieur à 4 ou 6 quartiers, en lampas, taffetas peint, sont agrémentés de fils métalliques.
Les gravures du début du XIXe siècle proposent des robes de chambre en damassé, en velours doublé de satin ou à la "Buridan". Elles se portent sur la chemise et la cravate lavallière. Les bonnets sont remplacés par la toque de velours ou à la calotte renforçant ainsi l'influence de l’Orient. Ces vêtements sont aussi les témoins d’un art de vivre au masculin que revendiquent les dandys. Suivant la mode de l’époque, les robes de chambre deviennent plus ajustées, rappelant la forme de la redingote cintrée.
A la fin du XIXe siècle, ces robes soyeuses aux motifs chatoyants contrastent avec les costumes sombres portés le jour. D'autres vêtements d’intérieur font leur apparition comme le veston d’appartement appelé aussi "coin du feu". En laine, ces vestes courtes souvent décorées de brandebourgs sont à l’image des intérieurs bourgeois de l’époque dont le maître-mot est le confort. Cette notion se retrouve dans les vêtements des années 1920 avec ces ensembles veste-pantalon dont la forme s’inspire des pyjamas. La veste croisée ou plus ample et ceinturée se porte avec un pantalon assorti, en laine ou en soie en fonction de la saison.
La robe de chambre en Littérature, les regrets de Diderot
On trouve dans la littérature des évocations des vêtements d'intérieur et des robes de chambre. Celle portée par "Le Bourgeois gentilhomme" de Molière est en indienne suivant la mode de l'époque. Dans "Oblomov", l'écrivain russe Gontcharov fait une description détaillée du caftan en soie de Perse que porte son héros. Eugène Marsan dans "Le bon choix de Philinthe, petit manuel de l'homme élégant, écrit "Les vêtements que tu portes à la maison ne doivent pas sentir l'épargne et le ravaudage.... aux velours magnifiques tu marieras les failles, le satin, l'ottoman. Quand le soleil aura commencé de rire à tes fenêtres, tu songeras à ces mêmes soies de la Chine qui déjà, la nuit, te caressaient".Le peintre Van Loo représente Denis Diderot en 1767 vêtu de sa robe de chambre bleue, celle qu'il porte alors qu'il travaille sur "l'Encyclopédie". Diderot trouve ce portrait peu flatteur. Madame Geoffrin, célèbre salonnière à qui Diderot avait rendu service, lui en offre une neuve en soie écarlate. L'ancienne est mise à la poubelle.
Diderot écrit en 1772 un essai "Regrets sur ma vieille robe de chambre ou avis à ceux qui ont de goût que de fortune". Le philosophe s'interroge "Pourquoi ne pas l'avoir gardée ? (…) Elle était faite à moi, j'étais fait à elle (…) L'autre, raide, empesée, me mannequine (…) On y voyait tracés en longues raies noires les fréquents services qu'elle m'avait rendus. Ces longues raies annonçaient le littérateur, l'écrivain, l'homme qui travaille. A présent, j'ai l'air d'un riche fainéant. On ne sait plus qui je suis (...) J'étais le maître absolu de ma vieille robe de chambre ; je suis devenu l'esclave de la nouvelle". En 1772, Dimitri Grigorievitch Levitski peint un portrait du philosophe, il le représente vêtu de sa robe de chambre écarlate.
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