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La robe de mariée, incontournable en haute couture : la vision de 3 créateurs

Dans la tradition de la haute couture, la robe de mariée clôture le show. Au fil du temps, cette coutume a évolué selon les maisons : les plus protocolaires s'y pliant toujours, d'autres s'y adaptant ou la négligeant. Retour sur une histoire cousue de fils blancs au travers du point de vue de trois créateurs : On Aura Tout Vu, Stéphane Rolland et Alexis Mabille.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Ralph & Russo haute couture automne-hiver 2017-18, juillet 2017 à Paris.
 (Bertrand GUAY / AFP)

Habituellement, les défilés de haute couture se clôturent avec la robe de mariée, rituel introduit dans les années 50. C'est un honneur pour le mannequin qui la porte - comme par ailleurs le fait d'ouvrir le défilé -, preuve d'une notoriété ou d'influence.

Chanel haute couture printemps-été 2013, à Paris
 (LOIC VENANCE / AFP)
Comme un exercice de style, cette robe est pour les créateurs prétextes à invitation, rupture et détournement. Pour certains couturiers, la mariée s'affirme comme une consécration de leur style, pour d'autres, c'est l'occasion d'exprimer leur conception du couple. Lors de la présentation de la haute couture printemps-été 2013, Karl Lagerfeld avait créé la surprise en faisant défiler non pas une mais deux mariées Chanel, tout en blanc accompagnées d'un petit garçon. Lors de la haute couture printemps-été 2017, Lily-Rose Melody Depp était une mariée tout de rose vêtue.

Si certains couturiers ne se plient pas à cette règle, Elie Saab n'y déroge jamais avec une interprétation contemporaine et moderne de l’univers du mariage. Le couturier libanais a même lancé une collection Bridal - qui complète sa haute couture et son prêt-à-porter. Celle de la prochaine saison se compose de 13 silhouettes féminines et audacieuses inspirées d'un jardin en fleurs.
Elie Saab, collection Bridal printemps-été 2018
 (Elie Saab Bridal)

La robe de mariée version On Aura Tout Vu, Stéphane Rolland et Alexis Mabille

Trois couturiers aux univers bien distincts se sont prêtés au jeu des questions-réponses au sujet de la robe de mariée;

Connaissez-vous l’origine de cette tradition ?

On Aura Tout Vu : "C'est Dior qui aurait introduit cette coutume de la robe de mariée".
Stéphane Rolland : "Absolument ! La robe de mariée a d’abord été blanche sous l’Empire romain, ensuite la coutume a été mise de côté pendant l’époque médiévale, puis les robes ont été de couleurs, généralement rouges car c’était une teinture qui tenait particulièrement bien ou noires quand les jeunes filles épousaient un veuf, ce qui arrivait très souvent. La robe blanche est revenue sous Marie Stuart et cette tendance s’est vraiment affirmée plus tard après le mariage de Victoria, Reine d’Angleterre".
Alexis Mabille : "Les femmes portaient leurs robes favorites ou la plus précieuse ou rare. De ce fait elle n'était pas forcement blanche mais souvent rouge car ce textile difficile à teindre coutait cher. C'est au XIXe siècle que la pratique du blanc est arrivée avec la mariée moderne symbole de virginité donc de blanc. L'arrivée de la haute couture avec Charkes Fréderick Worth et l'impératrice Eugénie a poussé dans ce sens".

Avez-vous toujours fait des robes de mariées haute couture? 

On Aura Tout Vu : "Oui, dès le premier défilé, il y a eu une mariée au final. Mais, on a aussi commencé le défilé avec la robe de mariée".
Stéphane Rolland : "Non pas toujours. J’appellerai plutôt ça une robe de final. Je tiens à ce que mes robes de mariée restent secrètes donc je les crée exclusivement à huis clos pour mes clientes et mes collections peuvent servir de bases de données".
Alexis Mabille :"Pas forcément, j'en ai toujours fait pour des commandes mais souvent, si je fais une mariée pour un show, je vais la twister un peu. Car lors d'un défilé, j'aime qu'elle soit inattendue et non conformiste. Ainsi, pour ma dernière collection haute couture (printemps-été 2017) la moitié des mannequins portaient des voiles de coloris vifs, symbolisant la cérémonie mais avec une ouverture d'esprit. Le mariage est un jour de plaisir et de symbole mais se doit d'évoluer avec son temps. J'aime les voiles noirs très fin sur une robe blanche, c'est si délicat et subtil'.
Alexis Mabille haute couture printemps-été 2017, à Paris
 (Dominique Maitre)

Que représente pour vous cette robe de mariée ?

On Aura Tout Vu : "Pour nous, c'est la quintessence, le concept même du défilé ! Comme nous ne sommes pas du tout commercial dans nos robes de mariées, elle représente le thème moteur du show. Ainsi pour la collection couture automne-hiver 2007-08 intitulée "Le goût des autres", la robe de mariée était entièrement réalisée avec des napperons blancs".
On Aura Tout Vu, robe de mariée couture automne-hiver 2007-08 
 (Courtesy of On Aura Tout Vu)
Stéphane Rolland : "La robe qui clôt mon défilé est plutôt une œuvre à part, volontairement spectaculaire et sculpturale et pas nécessairement blanche".
Alexis Mabille : "La robe de mariée représente la mise en beauté d'une personnalité qui un jour dans sa vie désire être la plus belle et incarnée, car ce jour est très fort en symbolique bien-sûr. La mariée marque une étape de vie et une image qui restera dans les annales des familles d'où l'importance de ce vêtement si chéri par les femmes depuis des centaines d'années".

Une histoire de mode

Dès le début du XVIe, la liturgie pose le blanc comme symbole de pureté. A la fin du XIXe dans les régions françaises apparaissent soit des robes à la mode citadine, souvent noires, soit la robe blanche avec couronne et voile blanc. Avant le XIXe, la tenue compte moins que l'aspect de l'étoffe, la qualité du tissage et la largeur des pièces.
Georges Hobeika automne-hiver 2017-18, juillet 2017 à Paris..
 (BERTRAND GUAY / AFP)
Longtemps, la tenue de la mariée est une déclinaison de la robe du soir dont elle adopte les caractéristiques de coupe. Elle suit la mode, en se distinguant par sa couleur, sa traîne, son voile. La robe nuptiale est colorée de mille teintes avant que le XIXe siècle ne la rende blanche virginale. Certaines mariées choisissent le noir pour pouvoir réutiliser leur robe après, d’autres en signe de deuil. Passée la Grande Guerre, le noir cède le pas aux demi-teintes, telles les gris, les beiges et les violets. Ces tonalités étaient conseillées pour les remariages et pour les mariées d’âge mûr. Aujourd’hui se marie en blanc qui veut et en couleur celle qui le désire.
Georges Hobeika automne-hiver 2017-18, juillet 2017 à Paris..
 (BERTRAND GUAY / AFP)
Dans les années 1920, cette robe est une simple transposition en blanc de la robe habillée. Dix ans plus tard, plus qu'une reprise des coupes d'autres tenues élégantes, c'est la fluidité des silhouettes qui est recherchée : une ligne pure a la signification symbolique. Dans les années 50, les revues de mode prodiguent des conseils pour le réemploi des robes de mariées. En 1964, Paco Rabanne reprend cette idée de la mariée, métaphore de la Madone espagnole.
En 1965, Yves Saint Laurent transforme sa maréie en poupée russe tricotée d'un seul tenant. Elle fera la couverture du catalogue de l'exposition consacrée au mariage au Palais Galliera en 1999.
 (Editions Assouline)
Dans les années 1970, elle s’affranchit des modes pour devenir un genre en soi qui incarne la créativité libérée du styliste, parfois débridée, parfois porteuse d’humour, ultra sexy....
Georges Chakra automne-hiver 2017-18, juillet 2017 à Paris
 (Courtesy of Georges Chakra)

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