Le boom de la lingerie menstruelle : plus qu'une tendance, le symbole d'une nouvelle liberté
Le marché de cette culotte à l’apparence classique qui, grâce à une membrane absorbante fait office de lingerie mais aussi de protection périodique, a explosé ces derrières années. Un phénomène sociétal que nous décrypte Vanessa Causse, spécialisée dans les tendances pour le Salon International de la Lingerie.
Après deux années au format digital, le Salon International de la Lingerie (SIL) a réuni 200 marques du 18 au 20 juin à Paris. Trois tendances se dégagent en 2022 : le retour de la lingerie sexy et du string, la révolution du legwear avec le legging sous l’influence du yoga et, surtout, le fort développement de la culotte et du maillot de bain menstruels.
Cette culotte à l’apparence classique fait office de lingerie et de protection périodique, grâce à une membrane absorbante. Économique, écologique et confortable, elle apporte de la liberté aux femmes. Selon les chiffres du SIL, 8% des Françaises ont acheté des culottes menstruelles et leurs ventes ont atteint 10,8 millions d’euros. La moitié des utilisatrices envisagent d'utiliser exclusivement cette protection et près d'un tiers projette d'en racheter.
Ces produits menstruels qui bousculent les règles
C'est à la fois un sous-vêtement et une protection hygiénique lavable et réutilisable qui absorbe le flux sanguin et remplace tampons, serviettes hygiéniques et protège slips. Elle est aussi utilisée pour les pertes blanches, la grossesse, le post-partum ainsi que les fuites urinaires.
En 2022, cette culotte se pare de couleurs, ose les imprimés, se paillette d’or (Sisters Republic), prend de la hauteur avec des coupes glam (Célisette) et se décline en dentelle (Réjeanne, Perdième). À noter une ligne spéciale ados chez Pantys et un short Energy de Réjeanne certifié Standard 100 by Oeko-Tex. Autre révolution dans les dressings, la culotte est rejointe par le maillot de bain intégrant un assemblage de protection qui ne gonfle pas dans l’eau. Pratique et confortable, il est pensé comme une véritable pièce mode : coloré, imprimé, design, décliné en un ou deux pièces.
Trend forecaster (ndlr : prévisionniste de tendances) pour le Salon International de la Lingerie, Vanessa Causse, qui travaille au bureau de tendances Trend Union de Lidewij Edelkoort, nous décrypte ce phénomène depuis l'arrivée des premiers modèles sur le marché.
Franceinfo Culture : quand les culottes menstruelles ont-elles intégré le Salon International de la Lingerie pour la première fois ?
Vanessa Causse : au Salon International de la Lingerie, le phénomène a démarré il y a quatre ans. C'était alors assez audacieux, surtout pour des marques françaises (Fempo, Smoon). Cette dernière a proposé des culottes menstruelles sans démarcation, au moment même où Chantelle lançait des culottes classiques sans couture. A la tête de ces jeunes marques, des mamans qui combinaient leur amour de la mode avec des questions de femmes, tout en étant à la pointe de l'innovation et des techniques. Ensuite, d'autres marques se sont greffées sur l'audace de ces premières entrepreneuses.
Ont-elles vite trouvé leur public ?
Elles se sont lancées pendant le Covid, une période où il s'agissait de prendre soin de soi. Les femmes, qui ont alors acheté en ligne (des cosmétiques, des vêtements d'intérieur confortables...) ont aussi regardé sur Instagram des lives dans lequels ces marques de lingerie s'adressaient à leur communauté. Naturellement, ces femmes ont été, ensuite, au rendez-vous pour acheter.
Quelle est l'innovation technique ?
Ce sont simplement des fibres qui ont été travaillées avec des substances qui captent le sang et le gardent. Comme ce sont plusieurs épaisseurs de textiles différents (coton, textiles tissés...), aucune des matières ne gonfle.
Tampons et serviettes périodiques font l'objet de méfiance, car en France, il n'y a pas d'obligation légale de dévoiler leur composition. Les culottes, elles, jouent la transparence. Cela a-t-il contribué à leur attrait ?
Surtout pour les premières marques : Fempo et Smoon ont utilisé cet argument. Pour elles, c'était hyper simple de dire : nous sommes transparents, éco-responsables, c'est super simple d'utilisation, c'est naturel, ce ne sont que des textiles... C'est vrai que cela met en confiance et c'est ainsi que les mamans ont rapidement proposé ces culottes à leurs adolescentes.
Au-delà du côté pratique, y a-t-il une dimension sociale et féministe ?
Le domaine de la lingerie est tout le temps en proie aux innovations techniques et s'adapte très vite. Il est un bon reflet de la société et de l'actualité La culotte menstruelle est arrivée à une période où l'on a plus mis le projecteur sur la femme, sur son intégrité, sur son rôle dans la société et son engagement dans la famille, en réponse au mouvement MeToo. De ces questions sociétales ont découlé plusieurs tendances dont celle de la culotte menstruelle, une réponse pour alléger le quotidien des femmes grâce à une proposition innovante.
La mode a donc évolué ?
Ce n'est plus une mode "mode" mais une mode sociétale. Le consommateur est dans l'attente de ce qui va être fait : nouvelles matières, transparence de la production... Les tendances doivent répondre à ses idées, ses engagements, ses valeurs. Aujourd'hui, la mode ne peut plus être légère, nous sommes face à la réalité... C'est la combinaison de deux mouvements : MeToo et la planète. Ce qui donne des produits où l'innovation ne peut plus être faite sans réfléchir à l'après.
Les marques traditionnelles ont, donc, dû se réinventer ?
Les marques plus traditionnelles, qui avaient l'habitude de ne vendre qu'en magasin, ont eu une période compliquée avec le Covid : comme elles n'étaient pas prêtes à vendre autrement, elles ont vu leurs ventes chuter. Les consommatrices se sont tournées vers ces jeunes marques plus innovantes mais les marques traditionnelles se sont, super vite, réappropriées leurs concepts pour rester en vie : elles ont compris que l'offre plutôt classique n'allait pas continuer et qu'il fallait prendre en compte cette notion de vêtement hybride combinant féminité, sport et quotidien.
Quelles ont été les difficultés ?
Au début, les culottes n'étaient vendues qu'en ligne. Il fallait s'engager, prendre le risque d'essayer et cela freinait les gens. C'était aussi toujours en pack de trois. Désormais, on peut les acheter à l'unité, c'est plus facile pour choisir laquelle est la plus adaptée à son flux. Mais il faut la changer, c'est pourquoi quelques marques proposent des modèles à dégrafer (Sister République). Je pense que c'est la prochaine étape.
Quelles sont les innovations mode ?
Au début, les marques faisaient des culottes basiques déclinées dans des tonalités blanches, grises et noires, en coton, avec de l'élasthanne, du Lycra.... Puis des marques grand public, abordables et faciles à trouver, ont pris le relais (Dim, Etam). Désormais, elles promettent plus : chez Réjanne, il y a de la dentelle, des ajouts de matières, des mélanges textiles, des fibres assez travaillées, des échancrures un peu plus hautes. On a un peu la même chose chez Perdième qui propose cependant de l'imprimé. Cette offre dentelles, on la trouve aussi chez Monoprix et dans les grands magasins.
Comment bien choisir sa culotte ?
Les culottes peuvent se porter sans rien en début ou en fin de cycle mais c'est aussi un complément à un tampon, à une serviette hygiénique. Cela rassure, cela a permis aux femmes de se dire ok ce n'est pas juste une solution en soi, cela peut être une solution additionnelle. Cette culotte a permis de parler des règles, c'est devenu moins tabou. On peut noter aussi la simplicité du lavage : il faut les rincer à froid avant de les mettre dans la machine à laver.
Et maintenant, c'est au tour du maillot de bain ?
Je pense qu'aucune femme ne l'attendait au tournant. C'est une proposition vraiment folle qui allie la féminité et le côté très sexy en vogue. Ce qui est super intéressant, c'est que cette offre est au carrefour du côté pratique, de l'envie de respecter la femme dans son quotidien, de lui simplifier la vie tout en prenant en considération les vrais problématiques des règles avec l'inquiétude de la fuite et des odeurs.
Le maillot de bain va dans cette tendance de l'ultra sexy, du très très féminin. Les coupes sont revues : de plus en plus échancrées au niveau des cuisses, beaucoup de dos nus avec une inspiration années 80, un décolleté ultra travaillé. Ce qui est remarquable, c'est cette belle promesse que le maillot de bain va garder sa première fonction qui est celle de se sentir belle l'été sur la plage ! Je trouve que cela revalorise tellement le discours de ce que la femme vit et de l'acceptation de qui elle est à tous les moments de sa vie !
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