"Les Fleurs d'Yves Saint Laurent" : une source d'inspiration infinie du créateur au coeur d'une exposition à Paris

L'exposition explore le regard du couturier au travers d'une trentaine de silhouettes textiles et de dessins qui mettent en lumière la symbiose entre l’œuvre d’Yves Saint Laurent, la nature et la littérature. Une apaisante balade champêtre !
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Exposition "Les Fleurs d̓Yves Saint Laurent" jusqu'au 4 mai 2025 au Musée Yves Saint Laurent Paris, en septembre 2024 (CORINNE JEAMMET)

Les Fleurs d’Yves Saint Laurent : une thématique majeure dans l'oeuvre du couturier est au coeur de l'exposition qui se tient au musée Yves Saint-Laurent de Paris jusqu'en mai prochain. C'est en réalité le deuxième volet pensé par les commissaires Olivier Saillard et Gaël Mamine, qui fait suite à un premier chapitre commencé au musée Yves Saint Laurent Marrakech et toujours en cours jusqu'au 5 janvier 2025. 

"C'est un thème assez magique pour comprendre Yves Saint Laurent", nous explique Elsa Janssen, commissaire générale du musée parisien. "Pourquoi ? Parce que lire les fleurs chez Yves Saint Laurent, c'est comprendre sa vie. À commencer par sa passion pour les lys, qui est l'anagramme d'YSL. On continue, par exemple, avec le muguet, qui était la passion de Christian Dior, qui a été une figure fondamentale pour Yves Saint Laurent. On poursuit avec les fleurs de la Méditerranée qu'il a pu connaître dans son enfance en Agérie et les bougainvilliers qu'il retrouve au Maroc", poursuit Elsa Janssen.

Avec son partenaire Pierre Bergé, le couturier vivait entouré de fleurs et de jardins dans ses appartements, ses résidences secondaires ou sa maison de couture. Amoureux de la flore, il y trouvait une source d’inspiration infinie. Cette admiration pour la nature, il la partage avec des artistes et écrivains tout particulièrement avec Marcel Proust, un de ses auteurs favoris comme il le déclare dans la revue L’Egoïste en 1987. L’univers de l’écrivain transparaît dans les intérieurs du couturier autant que dans ses défilés : quand le premier se plaît à décrire les femmes comme des fleurs, le second les en recouvre pour leur rendre hommage. Ainsi, tout le long du parcours de l'exposition, les robes recouvertes de fleurs font face à des citations de Proust.

Le visiteur découvre les pièces iconiques et les savoir-faire auxquels Yves Saint Laurent a fait appel pour donner vie à ses créations fleuries : ici, les premières broderies appliquées de la robe printemps-été de 1962, là la virtuosité des imprimés de la collection printemps-été 2001, référence aux tableaux de Pierre Bonnard.

Ce dialogue entre les arts et les époques se prolonge avec Sam Falls dont deux œuvres ponctuent l’exposition. Parcourant le monde, l’artiste américain prélève des plantes et conserve la mémoire de ces paysages floraux au moyen d’une impression directe des pigments sur la toile. Les motifs et les couleurs de cette nature recréée entrent en harmonie avec ceux présentés sur les pièces haute couture. Sans oublier la présence des fleurs en papier imaginaires réalisées par l'artiste Joséphine Pinton, semées au pied des robes.

Du bal des têtes aux jardins couture

L'exposition débute dans le petit salon avec des croquis. Le 23 juin 1957, le Bal des têtes est donné sur l’île Saint-Louis par le baron Alexis de Rédé, figure du café society : "les invités étaient priés de venir en s’étant composé une tête spéciale". L’organisation de la soirée est confiée à Lilia Ralli, femme influente dans le monde de la mode, qui fait appel au jeune Yves Mathieu-Saint-Laurent, âgé de 21 ans et assistant de Christian Dior.

Il réalise plusieurs études de coiffes et de décors à la gouache sur papier avec fleurs, plumes et feuilles que l'on peut admirer ici.

Exposition "Les Fleurs d̓Yves Saint Laurent" jusqu'au 4 mai 2025. au Musée Yves Saint Laurent Paris, en septembre 2024 (CORINNE JEAMMET)

Les créations d’Yves Saint Laurent n’entretiennent pas uniquement un lien stylistique avec les jardins, comme les bouquets d’un jour, elles évoquent la vulnérabilité et dans l'herbier de la mode seuls les vêtements restent. Dans la première salle, c'est le choc devant d'incroyables robes brodées, en volume, avec raffinement. Ornées de délicates broderies florales, ces créations évoquent une nature en plein épanouissement où chaque pétale est un hommage à sa beauté éphémère.

Tout le long du parcours, la scénographie est poétique : les robes en tissus dialoguent avec des fleurs en papier imaginaires réalisées par Joséphine Pinton : "ces fleurs-là, ce sont vraiment des ponctuations poétiques qui régissent un peu les équilibres entre les robes", souligne la commissaire d'exposition.

Hommage à Christian Dior

La fascination de Saint Laurent pour le monde floral naît dans les ateliers de Christian Dior, où le jeune couturier fait ses premiers pas. Avec ses jupes larges en corolles, Dior a transformé ses femmes en fleurs. Au fil de sa carrière, Saint Laurent garde en mémoire le travail de son mentor.

En 1958 pour sa première collection Trapèze, il lui rend hommage en ornant la garniture de ses chapeaux de brins de muguet, fleurs porte-bonheur de Dior. "C'est un peu le premier et le dernier hommage à ce maître qui sera toujours avec lui", souligne Elsa Janssen. Cette fleur sera même choisie pour embellir une blouse en organdi de sa dernière collection en 2001. En 1990, Saint Laurent célèbre l’œuvre de son maître avec une collection où défilent des robes en taffetas de style Louis XV, aux jupes bouffantes ornées d’iris et de roses.

Exposition "Les Fleurs d̓Yves Saint Laurent" jusqu'au 4 mai 2025. au Musée Yves Saint Laurent Paris, en septembre 2024 (CORINNE JEAMMET)

Mêlant son goût pour l’art et pour le monde végétal, Yves Saint Laurent explore régulièrement l’œuvre de ses artistes favoris. À l’instar d’Henri Matisse et de ses collages de gouaches découpées, il sélectionne pour ses tenues un fond composé d’empiècements en patchwork et de broderies appliquées. 

À l'étage, l’œuvre Serpentine, Lakeshore, Overnight de l’artiste Sam Falls dialogue avec quinze robes d’Yves Saint Laurent. Cette toile créée en 2023, à partir de fleurs cueillies dans la campagne et les jardins du sud de la France, fait écho à la nature qui inspirait autrefois le peintre Bonnard.

Exposition "Les Fleurs d̓Yves Saint Laurent" jusqu'au 4 mai 2025. au Musée Yves Saint Laurent Paris, en septembre 2024 (CORINNE JEAMMET)

Tous les couturiers ont puisé leur inspiration dans l'univers floral : Yves Saint Laurent s’inscrit dans cette tradition et transforme les salons haute couture en jardins. Ses podiums sont encadrés de murs recouverts de fleurs aux parfums entêtants.

Il clôt ses défilés par une robe de mariée : qui pourrait oublier, en 1999, Laetitia Casta parée de roses en gazar de soie plus vraies que nature qui reste parmi les plus iconiques créations du couturier ?

Dans l'antre du couturier 

Le parcours d'une exposition au musée Yves Saint Laurent se termine toujours dans le bureau du couturier situé au premier étage et à chaque nouvelle exposition, la scénographie y change un peu, intégrant la thématique de l'exposition en cours consacrée aux fleurs. Lieu central de cette maison pendant près de trente ans, le studio est la pièce la plus émouvante. Si elle frappe par sa simplicité et contraste avec la somptuosité des salons de l'époque, elle s'accorde à l'atmosphère de travail dont Yves Saint Laurent avait besoin.

Dans le miroir au fond, il examinait le reflet du mannequin pour apprécier le vêtement. Ses objets fétiches sont réunis, ses souvenirs et ses pots à crayons de couleurs. Sur le rebord de sa chaise, sa blouse blanche. Au pied du bureau, la gamelle de son chien Moujik. Et, dans la bibliothèque, des ouvrages, principales sources d'inspiration du couturier. 

Le bureau d'Yves Saint Laurent, septembre 2024 à Paris (CORINNE JEAMMET)

Exposition "Les Fleurs d'Yves Saint Laurent" jusqu'au 4 mai 2025. Musée Yves Saint Laurent. 5, avenue Marceau, 75116 Paris.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.