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Les montres émaillées, des bijoux précieux miniatures à Bruxelles

Qu’elles soient bassines, oignons, de gousset ou de ceinture, les montres émaillées des années 1650-1850 sont des chefs-d’œuvre miniatures dont les décors se révèlent une invitation à un voyage au cœur des modes et des goûts de l’époque. A découvrir dans l'exposition "Once upon a time. L'âge d'or de la montre émaillée", à partir du 17 mai, au Musée du Cinquantenaire de Bruxelles.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Exposition "Once upon a time. L'âge d'or de la montre émaillée" au Musée du Cinquantenaire de Bruxelles.
 (Musée du Cinquantenaire de Bruxelles)

L’exposition "Once upon a time" met à l’honneur le génie des émailleurs, franco-suisses pour la plupart, qui ont su, avec le procédé de l’émaillage, transformer des montres en bijoux précieux.

Montre "chinoise" : scène bucolique inspirée par "La marchande de fleurs de Wheatley". Mouvement signé William Ilbery, boîtier émaillé peut-être par Jean-François Victor Dupont. Londres et Genève, vers 1800. Mouvement en or émaillé, boîtier en or émaillé. MRAH inv. 2824.  
 (Musée du Cinquantenaire de Bruxelles)
Connue depuis l’Antiquité, la technique de l’émaillage consiste à appliquer sur une surface métallique, à l’aide d’un liant (huile ou eau), une poudre de verre colorée par des pigments métalliques. Une fois soumise à la chaleur du four, cette poudre atteint son point de fusion. Après refroidissement, on obtient une surface vitrifiée, dure et brillante. Chaque couleur d’émail atteignant son point de fusion à une température déterminée en raison des pigments métalliques qu’elle contient, autant de cuissons seront nécessaires qu’il y aura de couleurs différentes.
Montre émaillée "La continence de Scipion" d’après Pierre de Cortone (Florence, palais Pitti). Mouvement signé Abraham Hornbosfell, maître à Strasbourg, vers 1650-1660, Inv. 8155.
 (Musée du Cinquantenaire de Bruxelles)
Les premières montres apparues à l’extrême fin du XVe siècle sont des objets de prestige. Portées à la taille ou au cou, intégrées à des bijoux ou à des pommeaux de cannes, le potentiel décoratif de ces horloges en miniature n’échappe pas aux orfèvres qui les agrémentent de pierres et de perles, d’émaux et de gravures. Les montres émaillées des XVIIe et XVIIIe siècles, véritables accessoires de mode, sont conçus pour être portés, accrochés à la ceinture ou au revers du gousset (poche). Ces objets de parure reproduisent les œuvres des peintres et des ornementistes alors en vogue, et suivent de près l’évolution des styles et des tendances.
Montre de fantaisie, Suisse, vers 1790-1820. MRAH, inv. G.888
 (Musée du Cinquantenaire de Bruxelles)
Les 175 montres exposées sont abordées par le biais de leur décor, dont l’iconographie est souvent inspirée par les tendances et les mœurs de l’époque mais aussi par les grandes œuvres de la peinture. 12 thématiques sont privilégiées : scènes frivoles, bergerades et jardins, voyages et découverte du monde, influence de l’Orient ou les Lumières et la Révolution. 
Montre en or à décor émaillé d’écailles, David Bouguet (Bouquet), Londres, vers 1635-40. MRAH, inv. 2795
 (Musée du Cinquantenaire de Bruxelles)

Idéal féminin, scènes érotiques et symbolique amoureuse

Parallèlement aux décors d’inspiration mythologique, les peintres émailleurs se lancent, dès la fin du XVIIe siècle, dans la création de décors plus suggestifs, destinés à une clientèle masculine. Alors que des jeunes femmes, à moitié nues, ornent les boîtiers, des scènes plus osées, voire pornographiques, prennent place à l’intérieur des cuvettes ou dans des logettes secrètes. Cette mode prit une telle ampleur que l’Église parvint, en 1817, à en faire interdire la production. Vers la fin du XVIIIe siècle, l'exacerbation amoureuse vire à la mélancolie et ouvre la voie au romantisme. Ces montres, souvent offertes en gage d’amour, se parent de cupidons ailés, de carcans et de flèches, de colombes et de fleurs, d’autels et d’urnes fumantes, de conversations galantes, de couples célèbres empruntés à la tragédie et aux récits mythologiques mais aussi d’allusions masquées à l’acte sexuel…
Montre en forme de boule ailée. Probablement Genève, vers 1805. MRAH, inv. G. 924
 (Musée du Cinquantenaire de Bruxelles)

Une invitation au voyage

Au XVIIIe siècle, les voyages se multiplient. Cette ouverture sur le monde se traduit par un goût prononcé pour l’exotisme et le pittoresque. À côté des chinoiseries et curiosités importées de contrées lointaines, les vues d’optique et la peinture de paysage se développent. Dès les années 1780, les paysages émaillés qui, un siècle plus tôt, ornaient les parties secondaires des grosses montres oignons occupent tout le champ du décor.
Montre en or, décor champlevé d’émail translucide rouge et vert sur fond d’émail blanc opaque, Julien Le Roy, Paris, vers 1745. MRAH, inv. 2802
 (Musée du Cinquantenaire de Bruxelles)

Révolution, néoclassicisme et mythologie

Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles avec la démocratisation des technologies naît la montre individuelle pour tous, réalisée en série. La clientèle aisée arbore encore des montres luxueuses, bordées de perles ou de diamants et rehaussées de décors antiquisants peuplés de héros grecs et de déesses alanguies. La tendance néoclassique se développe dès les années 1760 en réaction aux excès du rococo. Cet intérêt pour la civilisation gréco-romaine s’exprime, en architecture et en sculpture, par une réinterprétation des formes antiques motivée par la recherche d’un idéal esthétique marqué par la pureté et la sobriété des formes. Cette tendance s’exprime alors par la prolifération d’ornements antiquisants, de sujets allégoriques et de personnages issus de la mythologie et de la tragédie antique. 
Châtelaine avec montre, signée Julien Le Roy, Paris, vers 1750. Diamants, or et émaux peints. Inv. 2845
 (Musée du Cinquantenaire de Bruxelles)
Les peintres sur émail exploitent aussi le répertoire ornemental des arts décoratifs, des soies brodées et des indiennes dont on va retrouver les motifs fleuris et les couleurs chatoyantes sur les boîtiers. Au cours des dernières années du XVIIIe siècle, apparaissent des boîtiers dont l’ornementation s’inspire des tendances de la décoration intérieure et de l’ameublement. Les ateliers genevois se spécialisent dans la production du "bleu de Genève",  un émail bleu vif, translucide, apposé sur un fond guilloché. Les artistes émailleurs y peignent des compositions colorées ou créent des décors romantiques composés de brillants, de paillons métalliques et de perles fines. Le noir, le blanc et le bleu pâle opaques sont appréciés. Vers 1820, les décors figuratifs cèdent la place à des compositions ornementales d’émail champlevé : un décor formé de fleurs, de feuilles et de plumes rehaussées d’émaux colorés se découpe sur un fond d’émail noir. Dans le courant du XVIIIe siècle, l’Empire Ottoman, la Perse, la Chine et l’Inde développent un intérêt pour l’horlogerie occidentale. Au siècle suivant, des maîtres européens se spécialisent dans la production de pendules, de montres et d’automates destinés à l’exportation vers l’Orient. Les boîtiers émaillés au luxe tapageur sont produits à Genève.

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