Cet article date de plus de sept ans.

Les "Splendeurs Impériales" de Chaumet dans l'écrin de la cité interdite à Pékin

"Splendeurs Impériales" retrace l’histoire de la maison Chaumet de la fin du 18e siècle au début du 21e siècle. 300 oeuvres, bijoux, tableaux, dessins et objets d’art illustrent cet art de la joaillerie. À travers une sélection d’oeuvres des collections du Musée du Palais, l’exposition va à la rencontre des arts joailliers chinois et français. Jusqu'au 2 juillet 2017 à la cité interdite à Pékin.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Dynastie des Qing : argent doré et coloré, perles de verre, corail et perles. Représentés sur un fond de nuages, ces deux dragons colorés jouent avec une perle. Les détails et le dessin de cette grande épingle suggèrent un face-à-face mouvementé, animé par des flammes jaillissant des gueules ouvertes, qui forment en leur centre une boule de feu ornée d’une perle.
 (Pékin, Musée du Palais)

Cette exposition s’appuie sur la richesse du patrimoine Chaumet, un fonds unique de bijoux historiques, de dessins et d’archives, pour explorer son héritage. Elle dessine les contours d’un style, d'un langage et de ses codes, dans un dialogue avec les grands courants artistiques. Elle révèle aussi les inspirations partagées et les influences réciproques entre les arts joailliers chinois et français.

Pourquoi ce choix du Musée du Palais pour exposer Chaumet ?

Henri Loyrette (directeur scientifique de l’exposition) : "J’ai constaté lorsque j’étais au Louvre la proximité qui a toujours existé entre Chaumet et le musée. Chaumet est une maison qui, en particulier sous l’Empire, accompagne l’histoire de France. Cette légitimité impériale justifie à elle seule une exposition au Musée du Palais, qui a tout de suite favorablement accueilli notre projet grâce à cette connivence historique, et qui a jugé la sélection des œuvres digne d’être présentée aux côtés de leurs collections. La vitrine que nous avons conçue en partenariat, qui rapproche des créations de nos collections respectives, françaises et chinoises, illustre la parenté qui existe entre nos deux histoires".

Quels sont les enjeux de la conception d’une exposition au Musée du Palais pour un public non-initié à la joaillerie parisienne et à l’histoire de France ?

"L’enjeu est multiple : il faut rappeler les fondements de l’histoire de la Maison, ses connivences avec l’histoire de France. Il faut aussi poser pour chaque époque la question de la sociologie du bijou, expliquer la façon de le porter, raconter la clientèle de Chaumet et les styles adoptés par la Maison. En somme montrer comment Chaumet est entrée dans le grand courant des arts décoratifs aux 19e et 20e siècles. Mais il y a aussi tout simplement l’émerveillement produit par les pièces que nous montrons, du à leur beauté mais aussi à leur portée symbolique. L’épée consulaire de Bonaparte par exemple, est un objet admirable en soi, qui dit aussi énormément de choses sur l’histoire de France et sur l’histoire impériale… Cette exposition est avant tout une exposition d’art, puisque l’on exalte à travers l’histoire de Chaumet la beauté de ses créations. Mais c’est aussi une exposition d’histoire car elle montre la façon dont la Maison a accompagné l’histoire de France, et dont elle s’est ouverte à l’ensemble du monde dès la seconde moitié du 19e siècle, captant les influences les plus diverses et étendant sa clientèle".

La place Vendôme, berceau de la légende

L’exposition plonge le visiteur à la source de Chaumet, rappelant les grandes dates de son histoire de 1780 à 2017. Douze pièces emblématiques racontent la Maison, de la plus ancienne connue (boîte de la marquise de Lawoestine, 1789) à une bague Joséphine d’aujourd’hui, mises en scène devant des maquettes de la place Vendôme et de ses façades.
Inscrite à l’Inventaire des Diamants de la Couronne, cette parure fut le cadeau de mariage que Napoléon 1er fit à Marie-Louise. Les micro-mosaïques figurant monuments antiques et ruines romaines sont reliées par des feuilles de vigne et des grappes de raisin ciselées, motifs rares sous le Premier Empire et préfigurant l’époque romantique. François-Regnault Nitot, 1810. Or et micro-mosaïques encadrées de pâte de verre bleue
 (Paris, Musée du Louvre)
Dans une première partie chronologique, l’évolution des styles accompagne l’histoire de France et la succession des régimes politiques. Les créations impériales et royales du Consulat au Second Empire sont présentées ici : Napoléon 1er, qui choisit le fondateur de Chaumet, Marie-Étienne Nitot, pour magnifier les symboles de son pouvoir ; l’Impératrice Joséphine, dont le goût immodéré pour les bijoux s’illustre dans des parures d’apparat de perles et de pierres provenant souvent des Diamants de la Couronne ; et l’Impératrice Marie-Louise, à l’origine de l’âge d’or du bijou néoclassique. Après les Orléans, amateurs du style romantique de Fossin, le règne de Napoléon III et Eugénie est marqué par le retour à l’Éclectisme mêlant différents styles du passé.

Regards croisés entre la France et la Chine

Chaumet connaît aussi un grand succès dans les Expositions universelles, événements internationaux qui l’ouvrent au monde à la fin du 19e siècle. Celles-ci encouragent l’engouement pour la "chinoiserie", production en Occident d’objets inspirés par l’Extrême-Orient. Chaumet décline l’exotisme oriental dans ses créations, services d’orfèvrerie, puis bijoux Art déco dans les années 1920.
Dynastie des Qing. Cet ornement de tête en demi-cercle, aussi appelé Toumian, se portait au sommet d’un ornement de cheveux, le Tianzi. Les motifs de melons et papillons suggèrent une vie de famille prospère et une descendance nombreuse. L’ensemble est animé par les plumes de martin-pêcheur aux couleurs vives.
 (Pékin, Musée du Palais)
Cette section offre un face-à-face de 22 bijoux des collections du Musée du Palais et de 22 créations de Chaumet.
Empereur Daoguang, Dynastie des Qing Bambou : "Nuages purs, ciel vide, vision à l’infini… " ce court texte poétique en écriture cursive est apposé sur l’éventail accompagnant le paysage argenté. La signature porte la mention "peint par l’Empereur l’année yiwei (1835)" avec le sceau de "Daoguang chenhan". Au dos se trouve un dessin de pêcher et singe céleste.
 (Pékin, Musée du Palais)

Le monde Chaumet

Thématique, cette seconde partie évoque l’ouverture de Chaumet à une haute société de plus en plus cosmopolite et la codification d’un style qui reflète l’esprit et le goût parisien. C'est un dialogue entre diverses époques autour de quatre sujets : l’art du collier, la poésie de la nature (tableau mêlant les répertoires botanique et animalier), les bijoux de sentiment du nœud au lien et l’art du diadème.
Thème audacieux du répertoire de Chaumet à la Belle Époque, cette paire d’ailes portable en diadème ou en broches a appartenu à Gertrude Vanderbilt, épouse de Harry Payne Whitney. Ayant réuni par son mariage deux immenses fortunes, elle est aussi sculpteur et collectionneur, élève de Rodin et fondateur de Vogue et du Whitney 
 (Museum de New York)
Rois des bijoux de tête, les diadèmes jalonnent l’exposition. Chaumet a donné carte blanche aux élèves en joaillerie de la Central Saint Martins pour la création du diadème du 21e siècle. Parmi 8 finalistes, le jeune étudiant Anglais Scott Armstrong a été choisi pour présenter son diadème "Vertiges".

Chaumet vous a invité à dessiner le diadème du 21e siècle ; qu’est-ce qui vous a inspiré ?

"Je n’aurais jamais imaginé avoir l’opportunité de dessiner un diadème. Spontanément, il m’était difficile de concevoir ce joyau inscrit dans la culture du 21e siècle. Historiquement, les diadèmes sont symboles de noblesse, de pouvoir, de beauté et de bien d’autres choses qui ne sont plus forcément d’actualité ou accessibles de nos jours.
Diadème "Vertiges" de Scott Armstrong pour Chaumet, 2017. Or gris et or rouge, diamants baguettes, carrés et brillants, tourmalines vertes et grenats. 
 (Collection Chaumet Paris)
Le diadème du 21e siècle doit à mon avis représenter les mêmes valeurs que ceux créés à travers l’histoire ; être un ornement exceptionnel pour une femme  exceptionnelle. Pour ma création j’ai été inspiré par les merveilleux motifs et détails abstraits formés par les allées des jardins à la française, comme ceux que l’on trouve à Versailles ou au Château de la Malmaison, dans la roseraie de l’Impératrice Joséphine".

Riche d'une iconographie nouvelle présentant les créations phares de 1780 à nos jours, et bénéficiant d'un fonds d'archives inédites et fascinantes, cette monographie met en évidence les langages et les éléments constitutifs du style Chaumet, ainsi que les dialogues stylistiques des créateurs ayant travaillés pour la Maison, suivant leurs époques respectives et les courants artistiques qui les animaient. 

Livre "Chaumet joaillier parisien depuis 1780". Collectif, sous la direction de Henri Loyrette. Beaux livres Flammarion
 (Flammarion)

 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.