"Mains brodeuses, Textiles du monde" : des témoignages de la vie quotidienne
L’exposition s’articule autour de thèmes où se mêlent et se côtoient des vêtements et des tentures de toutes régions. La tunique de mariée tunisienne, richement brodée de soie polychrome n'a rien à envier au châle Phulkari portée par les femmes indiennes du Pundjad lors de leur mariage. Les gilets brodés au fil d'or, accessoires des costumes de fête en Grèce, soulignent l'influence des Ottomans sur la région méditerranéenne. La broderie du continent asiatique n'est pas oubliée grâce aux carrés de mandarin, symbole de hiérarchie des fonctionnaires chinois et aux tentures aux motifs floraux qui décorent les yourtes turkmènes.
L'habitat et la vie domestique
En Asie centrale, les habitations sont décorées de tentures murales brodées, appelées suzanis. Exécutées par les filles dès leur plus jeune âge, ces broderies sont associées aux étapes de la vie comme le mariage. Elles se caractérisent par un décor composé de zones brodées d'inspiration végétale et florale, formant selon les régions de larges disques dentelés, où la couleur rouge domine. Dans les habitats nomades d'Ouzbékistan ou de Turkménistan, on retrouve ces tentures décoratives souvent réalisées à plusieurs mains à l'intérieur même de la yourte ainsi que les ourgouts, ces carrés brodés qui recouvrent le brasero. En Inde, au moment du mariage, la femme apporte elle-aussi de riches étoffes brodées par ses soins dans sa nouvelle demeure. Tentures décoratives et décors de portes aux couleurs vives et aux éclats de miroirs égayent la maison.
D'or et d'argent
Les broderies au fil d'or sont caractéristiques de certaines régions du monde. Connues depuis l'Antiquité, cet art a contribué à la renommée de Byzance par la splendeur de ses broderies religieuses orthodoxes. Costumes traditionnels et textiles des pays méditerranéens sont marquées par cette empreinte ottomane, où fils de soie et fils métalliques forment des décors d'entrelacs. On les retrouve dans certaines pièces vestimentaires du Maghreb comme les gilets courts, également portés en Grèce dans le costume féminin. La technique utilisée est celle de la couchure qui consiste à fixer un fil recouvert d'or ou d'argent par des points minuscules sur le support. Elle prend le nom de tanbit en Afrique du Nord ou terzidika en Grèce. La broderie peut s'exécuter à points comptés avec un fil plus fin pour former des motifs floraux ou géométriques, souvent complétés de paillettes assorties.
Autour du mariage
Le mariage est un rite de passage qui permet à la mariée de montrer ses talents de brodeuse. Constituer une dot, broder son trousseau nécessite de longues années d'apprentissage de la part de la jeune fille qui, au moment du mariage, prouve sa capacité à tenir son futur rôle de mère et d'épouse. Le mariage souligne le statut social de la famille par la richesse et la qualité de la tenue nuptiale. En Tunisie, à l'occasion des sept jours de fête durant lesquels se célèbrent les noces, la future mariée se pare d'une tunique différente chaque jour pour revêtir, le jour du mariage, la plus belle richement brodée, parfois transmise de mère en fille.
Textiles brodés des Kuba
Les Kuba, en République Démocratique du Congo près du fleuve Kasai, produisent des textiles en raphia d'aspect velouté et orné de broderies. Ce sont les hommes qui sont chargés de tisser ces textiles dont la longueur et la largeur ne peuvent excéder plus d'un mètre, en raison d'une longueur de fibre limitée. Le poil du velours est obtenu par l'ajout d'une fine mèche de raphia sous la chaîne d'une étoffe déjà tissée de manière à ce que les bouts situés au-dessus de la surface, soient coupés à ras à l'aide d'un couteau. La broderie, exécutée par les femmes, souligne le motif géométrique de ces textiles utilisés en jupe, pagne ou nattes.
Vêtements et accessoires d'Asie
En Chine, le vêtement et ses accessoires ont toujours reflété les traditions sociales et culturelles et exprimé le rang de celui qui les porte. Sous la dynastie Quing, les hommes ayant atteint une certaine position au sein du gouvernement devaient revêtir une tenue conforme au code imposé par les Mandchous, code qui répartissait les vêtements en deux catégories : les habits de cour ou de cérémonie et les habits semi-officiels et non officiels. Les fonctionnaires impériaux, dont la tenue faisait partie de cette seconde catégorie, portaient un manteau appelé bufu sur lequel était fixé à l'avant et à l'arrière, un insigne carré, le buzi. Connu aussi sous le nom de carré de mandarin, celui-ci, brodé ou tissé au fil de soie, indiquait le grade qu'occupait le fonctionnaire. Les 9 rangs des mandarins civils étaient symbolisés par des oiseaux, ceux des mandarins militaires par des animaux féroces comme le lion ou le tigre.
Il existe peu de points communs entre le costume traditionnel de Birmanie, d'Ouzbékistan ou de Thaïlande si ce n'est l'utilisation de la broderie comme ornement décoratif.
Dans l'Asie musulmane, les hommes se coiffent de petites calottes ou toques brodées aux motifs géométriques ou au décor floral qu'ils cachent parfois sous le turban. Dans le sud-est asiatique, des minorités comme les Hani ou les Miao portent des bonnets ou des chapeaux brodés qu'ils agrémentent de pièces métalliques et de rubans. Leurs costumes sont ornés de bandes brodées multicolores à motifs géométriques aux teintes claires, sur les manches, l'encolure... D'autres agrémentent leurs broderies de petites graines appelées larmes-de-Job comme les Akha en Birmanie.
Exposition "Mains brodeuses, Textiles du monde", jusqu'au 27 septembre 2015. Musée de la Chemiserie et de l’élégance masculine. Rue Charles Brillaud. 36200 Argenton-sur-Creuse.
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