"Ce qui est intéressant avec un grand magasin, c'est que ça change à chaque fois" : Étienne Giannesini-Bizot, scénographe à la Samaritaine et "virtuose 2024" des métiers d'excellence LVMH

En 2014, le premier programme de formation en alternance dans le luxe est créé par LVMH pour protéger et pérenniser ses savoir-faire. Ce sont 280 métiers au sein de 75 maisons du groupe mobilisant 100 000 talents.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
Étienne Giannesini-Bizot, le 7 octobre 2024, à la Samaritaine, à Paris. (CORINNE JEAMMET)

Le 10 octobre 2024, les Métiers d'excellence ont célébré leurs 10 ans le temps d'une soirée parisienne précédée de révélations sur la construction de la Maison des métiers d'excellence à Paris dont l'ouverture est prévue en 2026.

Cet anniversaire a été l'occasion pour le groupe de rappeler qu'il n'y a pas de savoir-faire sans programmes de transmission, comme celui, par exemple, de "virtuoses". Étienne Giannesini-Bizot, aujourd'hui chef de projet scénographe à la Samaritaine vient de recevoir le titre de virtuose 2024. Retour sur son parcours et découverte d'un univers de travail passionnant.

Remise à la quatrième promotion des Virtuoses de broches dessinées par Francesca Amfitheatrof, directrice artistique joaillerie de Louis Vuitton, lors des 10 ans des Métiers d'excellence au Grand Rex, le 10 octobre 2024. (BOBY)

Franceinfo Culture : vous venez d'être nommé virtuose lors de la célébration des 10 ans des Métiers d'excellence, le 10 octobre 2024. Le programme de virtuose a été créé en 2021 et vous êtes la quatrième promotion.
Étienne Giannesini-Bizot : C'est une grande surprise, car on ne sait pas que notre candidature a été donnée [par son directeur de département]. Je suis content, c'est une opportunité qu'il faut saisir. On va participer pendant un an aux événements de LVMH concernant les métiers d'excellence comme la tournée You & Me dans plusieurs villes en France à la rencontre du public. Le virtuose est à la fois parrain, ambassadeur, speaker et représentant de son métier au sein du groupe.

Après des études en design d'objet et un master d'arts appliqués en mode et environnement, pourquoi choisir un master en partenariat avec l'Institut des métiers d'excellence ?
À la fin de mon diplôme de master 1, l'École Duperré a mis en place ce master 2 et comme j'avais envie de faire de l'alternance, avant de rentrer dans le dur du monde du travail, l'occasion s'est présentée à moi. Ce master design, mode et création industrielle était le premier qu'ouvrait mon école avec la Sorbonne Nouvelle en alternance. J'avais à la fois des cours de création, mais aussi des cours plus théoriques autour de l'histoire de la mode et des langues, le tout chapeauté par l'Institut des métiers d'excellence (IME) de LVMH.

Cette formation regroupait des étudiants de tous les milieux de la création et, même des métiers de la communication autour des musées. C'était génial, par rapport aux autres masters en alternance, les maisons LVMH proposaient des métiers différents : maroquinerie, communication à la Fondation Louis Vuitton, archives chez Givenchy, création vitrine chez Louis Vuitton... À nous de choisir celui qui nous intéressait. J'avais travaillé autour de l'objet lors de mon diplôme, mais il n'y avait pas de métier dédié et celui qui s'en rapprochait le plus était celui de visuel, merchandiser, événementiel au Bon Marché.

À la fin de votre alternance au Bon Marché, quel a été votre parcours ?
J'ai intégré la promotion design de l'IME en septembre 2017 pour un an. Ils m'ont prolongé, car j'ai eu la chance, pendant cette alternance, de piloter les vitrines de Noël du Bon Marché. Grâce à cette expérience, j'ai rejoint la Samaritaine : quelqu'un – avec qui j'avais eu pas mal d'échanges sur les projets – est venu à la Samaritaine en tant que manager de l'équipe de création. Il m'a proposé de le rejoindre en 2019, en tant que scénographe pour créer et développer des vitrines, des scénographies et des espaces de vente temporaires.

Concrètement, quel est votre rôle à la Samaritaine ?
Je gère la cohésion créative des événements avec les pôles dédiés qui, eux, gèrent les invités, les marques, les partenaires ou les animations. Il y a un pôle qui s'occupe du culturel et de la façon d'intégrer des artistes dans les événements. Par exemple, pour Paris à poils, en 2023, il avait demandé à Charlie Le Mindu de créer une installation à l'intérieur du magasin, dont l'escalier central était recouvert de perruques. Nous, la créa, ne travaillons pas avec les artistes, mais tout est corrélé. Les vitrines extérieures avaient un rapport avec cet événement : j'ai dessiné une thématique autour du poil, du corps, en écho au végétal avec de grands peignes, de grands ciseaux, de grandes pinces à épiler. Je trouvais ça assez rigolo !

Exposition "Paris à poils" à la Samaritaine, Paris, en 2023. (LA SAMARITAINE)

Un autre événement a été marquant : le Noël 2023 avec sa thématique sur le chocolatier Willy Wonka. Il est vrai que les vitrines de Noël font toujours beaucoup parler ! J'ai aimé aussi Paris en mode arty avec l'artiste Marion Flament pour les vitrines Rivoli. J'avais travaillé l'intérieur du magasin avec plein de matières et de couleurs. Ce qui est intéressant avec un grand magasin, c'est que ça change à chaque fois, tous les 2 mois. On a tellement de nouvelles histoires à raconter !

Quel est le projet que le public va découvrir prochainement ?
Je dessine Noël 2024. Je suis hyper content parce que je travaille avec six jeunes artistes émergents de la scène française, - Juliette Berthonneau, Florian Sicard, Pauline d’Andigné, Manon Daviet, Michel Jocaille, Lucas Tortolano - pour la majorité pas forcément très connus, mais qui ont un vrai savoir-faire. On a attribué une vitrine de la rue de Rivoli à chacun d'eux. Ce qui est hyper intéressant, c'est que c'est une vraie collaboration : j'ai fait une partie des décors et eux viennent intégrer leur œuvre dans mes vitrines.

Avec Jardin d'hiver, l'idée était de parler de matière textile – forcément dans un grand magasin de vêtements  avec une thématique autour du végétal. Dans les vitrines, il va y avoir des serres botaniques et chaque plante qui s'y développe est une œuvre signée d'un artiste. L'idée, c'est que cette culture, cette flore permet... de créer ces vêtements. On a trouvé des artistes spécialisés chacun dans leur univers et leur savoir-faire : on va avoir des fleurs en maille, en fausse fourrure, en cuir, en rembourrage, par exemple, pour évoquer les matières doudounes de l'hiver. C'est un super projet, je suis hyper content et j'ai hâte de le voir en place : en octobre, on va être dans les ateliers puisque l'installation se fait à la fin du mois. C'est assez excitant !

Pour les fêtes de fin d'année, la Samaritaine se transforme en jardin d'hiver avec une nature imaginaire et foisonnante. (LA SAMARITAINE)

Vous êtes aujourd'hui chef de projet scénographe ?
Oui, j'ai pris effectivement en responsabilité, en maturité forcément dans la manière de penser les projets et de les gérer. Les missions sont les mêmes, mais on me fait pleinement confiance dans mes projets dont je gère presque l'entièreté. Aujourd'hui, je suis chef de projet scénographe : c'est-à-dire que je dessine les vitrines et les décors à l'intérieur du magasin liés à nos événements. Il y a un an et demi, on a eu une restructuration du pôle création. Maintenant, on sent d'autres dynamiques : c'est plus intelligemment pensé et beaucoup plus créatif aussi. On se fait plus confiance, on tente des choses.

Avec les contraintes dues au développement durable, votre travail évolue aussi ?
Oui, complètement. C'est quelque chose que l'on a forcément en tête maintenant quand on crée des projets. Ce qui est un peu délicat – et notamment avec les vitrines – c'est qu'on est souvent obligé de créer des choses spécialement pour l'événement. On essaie de réduire le plus possible ce genre d'éléments, mais c'est ce qui donne l'identité. Quand on crée un mobilier, on essaie de l'imaginer réutilisable. Mais tout ce qu'on ne peut pas réutiliser, on essaie de le donner soit à des écoles, soit à des organismes. On travaille avec des ateliers externalisés, qui ont cette obligation de recycler au maximum les décors fabriqués. C'est une pensée globale, heureusement d'ailleurs.

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