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Cinéma : dans "Haute couture", Nathalie Baye et Lyna Khoudri célèbrent la beauté du geste dans les ateliers de la maison Dior

Comédie dramatique, "Haute couture" aborde un sujet de société : le regard porté sur la banlieue. Avec la haute couture en toile de fond, ce sont les rapports humains qui tiennent la dragée haute dans ce film de la réalisatrice Sylvie Ohayon qui n'est pas un conte de fée mais en contient tous les ingrédients. 

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4 min
Nathalie Baye et Lyna Khoudri dans le film "Haute couture" de Sylvie Ohayon  (Roger DO MINH - LES FILMS DU 24)

Pour sa deuxième réalisation, Sylvie Ohayon replonge dans l’univers de la banlieue qui l'habite à travers la rencontre de deux femmes issues de classes sociales peu favorisées. Son premier film Papa Was Not A Rolling Stone, il y a sept ans, était consacré à son adolescence dans la banlieue nord de Paris pendant les années 80 et son livre Les Bourgeoises, il y a neuf ans, évoquait la difficulté de s'intégrer en tant que banlieusarde de la Courneuve. Mais l'univers qui relie ces deux femmes est celui de la mode.

Une rencontre improbable

D'un côté il y a Esther (Nathalie Baye, fragile mais déterminée), première d'atelier de la maison Dior, qui participe à sa dernière collection de haute couture avant de prendre sa retraite. Le soir, elle prend son RER et rentre dans la solitude de son petit pavillon de banlieue d'Athis-Mons. De l’autre, il y a Jade (Lyna Khoudri), 20 ans, qui vit dans le 93 et occupe ses journées avec sa copine beur Souad (Soumaye Bocoum qui a joué dans Papa was not a Rolling Stone) à voler dans le métro, tout en prenant soin de sa mère dépressive qui ne quitte jamais son lit (Clothilde Couraud, méconnaissable). 

Cette rencontre improbable entre ces deux femmes, qui ne fréquentent pas le même monde mais qui viennent toutes deux de la banlieue, aura lieu quand Jade restitue à Esther son sac à main, qu'elle lui a volé avec la complicité de Souad. En colère mais convaincue que la jeune fille a un don - "avec ces mains, tu pourrais faire de jolies choses" -, Esther lui offre la chance d’intégrer les ateliers de la maison Dior et de lui transmettre un métier qu'elle a toujours exercé. 

Nathalie Baye et Lyna Khoudri dans le film "Haute couture" de Sylvie Ohayon  (Roger DO MINH - LES FILMS DU 24.Stars)

Cette beauté du geste

La rencontre semble un peu cousue de fil blanc et pose des questions. Pourquoi Jade restitue-t-elle le sac ? La pression de Souad et de son copain travesti - qui tient un kebab (excellent Romain Brau qui a joué dans Les crevettes pailletées) - tient-elle vraiment la route ? Et pourquoi Esther accepte-t-elle, si facilement, de prendre Jade en stage à l’atelier ? Et cette interrogation importante : n’y-a-t-il pas derrière cette décision une réminiscence de son passé ? La réponse se fait attendre, elle n'interviendra qu'à la fin du film, et c'est dommage car elle aurait aidé à la compréhension de l'histoire.

Ce qui peut sembler de la curiosité de la part d’Esther est un moyen, en réalité, pour elle de combler un manque. Elle vit seule - elle a pourtant une fille mais qu’elle ne voit plus - et est réduite à parler à ses roses en se goinfrant de confiseries. On apprendra un peu plus tard qu'elle est diabétique et - qu'inconsciemment ou pas - elle s'auto-détruit. Mais surtout Esther va affronter un grand vide après cette dernière collection, pour celle qui a le sentiment d'avoir raté sa vie personnelle. Alors pourquoi de ne pas transmettre son savoir-faire, "cette beauté du geste"

Jade débarque dans un environnement qui n'est pas le sien et dont les codes lui échappent : elle accepte d'intégrer l'atelier comme stagiaire, se braque, part, revient et hésite encore... Elle est excessive mais paradoxalement responsable. Ainsi elle ne cesse de porter secours à sa mère pour éviter qu'elle ne se noie dans la dépression et doit aussi composer avec sa copine Souad qui lui reproche de l'abandonner car elle ne comprend pas sa décision d'être couturière. 

Lyna Khoudri tient la traine du mannequin dans le film "Haute couture" de Sylvie Ohayon  (Roger DO MINH - LES FILMS DU 24)

La famille que l'on se fabrique 

Derrière la magnificence des ateliers de cette riche maison de couture, la réalisatrice montre "qu’il y a des gens normaux qui fabriquent de la magie". C’est aussi un moyen de parler de cette famille, "celle que l’on se fabrique à travers ses rencontres". Jade va y découvrir qu'une des couturières (Pascale Arbillot) vient comme elle du 93, qu'avec un autre membre de l'atelier elle peut retrouver l’amour et surtout qu'en apprenant un métier, elle peut s'émanciper et donner un sens à sa vie... Tout comme Esther qui, elle aussi, se transforme et se ré-humanise au contact de la jeune fille. 

Comédie dramatique, Haute couture aborde un sujet de société : le regard porté sur la banlieue. Les personnages - touchants, parfois drôles - s'expriment dans une gouaille banlieusarde, omniprésente et parfois truculente, bien que l'on s'interroge si elle est vraiment de mise dans les ateliers Dior. Si la haute couture est la toile de fond du film, elle n'est pas le centre du propos - même si l'atmosphère d'un atelier est bien retracée -. Ce sont les rapports humains, pas toujours si simples, qui tiennent la dragée haute. Haute couture n'est pas un conte de fée mais en contient tous les ingrédients. 

Affiche du film "Haute couture" de Sylvie Ohayon avec Lyna Khoudri et Nathalie Baye  (DR)

La fiche

Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Sylvie Ohayon
Acteurs : Nathalie Baye, Lyna Khoudri, Pascale Arbillot, Claude Perron, Soumaye Bocoum, Adam Bessa avec la participation de Clotilde Courau
Pays : France
Durée : 1h41
Sortie : 10 novembre 2021
Distributeur : UGC Distribution

Synopsis : première d'atelier au sein de la maison Dior, Esther participe à sa dernière collection de haute couture avant de prendre sa retraite. Un jour, elle se fait voler son sac dans le métro par Jade, 20 ans. Mais celle-ci, prise de remord, décide de lui restituer son bien. Séduite malgré elle par l’audace de la jeune fille et convaincue qu’elle a un don, Esther lui offre la chance d’intégrer les ateliers de la maison Dior comme apprentie. L’occasion de transmettre à Jade un métier exercé depuis toujours pour la beauté du geste...

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