Gabrielle Chanel, icône française de l'élégance, tirait sa révérence il y a 50 ans
Le tailleur, la petite robe noire et le parfum N°5 restent indétrônables 50 ans après la mort de Gabrielle Chanel, dont la vision de l'élégance décontractée résonne encore aujourd'hui.
Elle a révolutionné la mode avec son tailleur et symbolise l'élégance à la française. Ce 10 janvier 1971, Gabrielle Chanel fait un malaise dans sa suite de l'Hôtel Ritz, à Paris. La "Grande Mademoiselle" tire sa révérence, elle a 87 ans. Celle que tout le monde appelle Coco Chanel s'éteint à 21H, un dimanche... jour de la famille et du repos. Tout ce que honnit cette solitaire qui, toute sa vie, s'est perdue dans le travail.
La dépêche de l'AFP - un bulletin, très court - tombe en pleine nuit : "Melle Coco Chanel est morte dimanche soir à Paris. Elle était âgée de 87 ans".
La veille encore, à quelques encablures, les employés de sa maison de couture de la rue Cambon l'ont vue mettre la dernière main à sa nouvelle collection. Elle sera présentée le 26 janvier. Perfectionniste, elle a revu les moindres détails, choisi encore des tissus, vérifié tous les boutons...
"Noir indémodable"
Ce sont ses familiers du palace qui ont donné l'information : "Sa fin a été très douce. Nous sommes atterrés car rien, dans les jours précédents, ne nous laissait supposer une telle issue". Ici, tout le monde a l'habitude de voir revenir chaque soir la fine silhouette de la demoiselle au collier de perles et au sempiternel canotier, cigarette aux lèvres.
Un rituel immuable entamé en 1937. "Le Ritz, c'est ma maison", dit-elle. Avec toutefois une interruption d'une dizaine d'années, après-guerre, quand elle part en Suisse pour faire oublier ses liens avec l'occupant allemand. Elle loue une suite de 188 m2 au deuxième étage avec vue sur la place Vendôme. La couleur noire - "le noir est indémodable", dit-elle - domine. Un sanctuaire peu fréquenté qu'elle a, au fil des ans, revisité. Ramenant de la rue Cambon son canapé en daim ou ses paravents chinois en laques de Coromandel. Superstitieuse, Coco Chanel a posé des talismans par-ci par-là. Il y a son signe astral, le lion protecteur mais aussi le blé, symbole du bonheur et de la prospérité et décliné en tableau, une oeuvre de son ami Dali.
Selon sa volonté expresse, personne n'est admis dans la suite et seule sa famille peut s'incliner devant sa dépouille : deux nièces et un neveu.
A contre-courant
Les hommages affluent, y compris de ceux qu'une Coco à la dent dure ne ménageait pas. "Chanel est venue avec sa ligne fine, moderne, adaptée à la vie et a soufflé tout le monde par sa modernité. Je l'admirais parce qu'elle était la sobriété. Elle meurt en pleine gloire", réagit Paco Rabanne, qu'elle traitait volontiers de "métallurgiste". Pierre Balmain retient lui de la dame aux ciseaux, qui a pour devise - "toujours ôter, toujours dépouiller, jamais ajouter ; il n'y a d'autre beauté que la liberté du corps" -, "une personne intelligente". "Elle s'exprimait avec une rare acuité. Sa transcription de l'élégance, dans ses robes, avait cette même qualité".
En effet, dès ses débuts dans les années 1900, Gabrielle est en totale opposition avec la mode de son époque. Elle porte elle-même ses vêtements. Souples, ils s'inspirent des tenues de sport et empruntent des codes au vestiaire masculin du dandy. Elle détourne les matériaux populaires et fabrique avec de la maille, du jersey et du tweed des tenues raffinées à l'allure désinvolte. De retour dans la profession en 1954 (après un épisode de collaboration pendant la guerre suivi d'un exil en Suisse) dans le contexte marqué par le New Look de Christian Dior, Gabrielle Chanel a 71 ans et se positionne de nouveau à contre-courant. Son tailleur dépouillé est d'abord critiqué pour son manque de nouveauté avant de devenir une pièce iconique, uniforme des femmes actives pendant des décennies.
Hommage à celle que Jean Cocteau appelait "le petit cygne noir"
Mercredi 13 janvier. Il y a foule devant l'église de la Madeleine pour les obsèques. Plusieurs milliers de personnes. Toute la haute couture est venue ou presque - "Pierre Cardin, que Coco Chanel avait maintes fois fustigé, n'était pas là", relève l'AFP dans son bulletin - les journalistes de mode, des clientes, des mannequins et toute la maison Chanel, des vendeuses aux premières d'atelier en passant par les cousettes. Tous rendent hommage à celle que Jean Cocteau appelait "le petit cygne noir". L'orpheline aux origines modestes, la demoiselle aux amours malheureuses, l'une des premières femmes à couper court ses cheveux - "parce qu'ils m'embêtent" - en un temps où c'est si inconvenant, la créatrice du N°5, parfum du siècle...
Le prêtre salue "son esprit mordant" et "son optique d'une mode décente" : "elle était croyante, à sa façon peut-être, mais réellement". Et le cercueil disparaît sous un amoncellement de fleurs blanches, dont une immense couronne de camélias des producteurs de l'opérette "Coco", jouée à Broadway. Avant de gagner le cimetière de Lausanne (Suisse) pour une inhumation dans l'intimité.
Une rétrospective de son oeuvre au Palais Galliera
A voir dès que les expositions seront réouvertes : le Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris, présente jusqu'au 14 mars la première rétrospective consacrée à cette couturière hors normes au style impressionnant de modernité.
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