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Shanagar, un atelier de broderie de Bombay au service de la haute couture européenne

Azzedine Alaïa, Yohji Yamamoto, Jean Paul Gaultier, Julien Fournié ont en commun d'avoir travaillé avec un atelier indien de broderie.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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L'atelier de broderie de Shanagar, à Bombay, en Inde, le 7 janvier 2023 (PUNIT PARANJPE / AFP)

Assis en position du lotus, quatre hommes passent des perles à travers un fil d'or sur un pan d'organza. C'est ainsi que naît chez le brodeur Shanagar à Bombay la robe de mariée haute couture de Julien Fournié, destinée à éblouir mardi 24 janvier le public lors de son défilé printemps-été 2023 à Paris. Dénonçant "l'impérialisme du design", le couturier français a choisi, cette saison, de mettre en lumière le savoir-faire indien "ancestral" et "inégalé" dont profitent les grandes maisons dans le monde entier, sans trop le revendiquer d'ordinaire.

Au service des grandes maisons de couture

A l'intérieur d'un bâtiment beige d'apparence banale, des dizaines d'hommes en polo gris, pieds nus, travaillent assis sur des coussins posés au sol, la tête penchée sur de grands morceaux de tissu tendus à plat par des cadres métalliques. Le silence dans lequel on n'entend que le claquement des aiguilles et des perles et le tourbillon des ventilateurs au plafond, est perturbé par le rugissement des avions volant à basse altitude vers et depuis l'aéroport international de la capitale économique de l'Inde.

L'atelier Shanagar - qui signifie "orner" en sanskrit - joue depuis des décennies un rôle essentiel, mais discret, dans l'exécution des broderies complexes pour les grandes maisons de mode en Europe, aux États-Unis et au Japon. En Inde, on brode depuis des siècles avec des particularités dans chaque région de ce vaste pays. "Ils ont un éventail de techniques qu'on n'a pas ici", souligne Jean-Paul Cauvin, directeur de la maison Julien Fournié.

L'atelier de broderie de Shanagar, à Bombay, en Inde, le 7 janvier 2023 (PUNIT PARANJPE / AFP)

Un art ancestral

Biswajit Patra, 31 ans, brodeur chez Shanagar, a déjà 15 ans d'expérience. "J'ai appris le métier dans mon village de Calcutta à la maison car mon père faisait le même travail et mon frère et ma sœur aussi. C'est ancestral. Pendant que nous en Europe on portait au 16e siècle des hennins et poulaines [des types de coiffes et de souliers], il y avait des maharajas en tenues brodées d'or, ils sont très en avance, c'est le numéro un de la broderie au monde", souligne Julien Fournié.

"Ce qu'ils savent mieux faire que n'importe qui, c'est broder au fil d'or, tisser les fils à l'intérieur des perles pour créer des dégradés de couleurs", explique-t-il à l'AFP. Cela crée un rendu "vieilli et élégant". La robe de mariée "brille, mais pas trop. Les clientes de la haute couture n'ont pas envie d'être des arbres de Noël". "J'ai travaillé avec de grands brodeurs français et à chaque fois c'est compliqué, chacun veut y mettre son grain de sel et tu n'as jamais exactement ce que tu veux", poursuit-il.

Shanagar a collaboré avec Alaïa, Yamamoto, Jean Paul Gaultier

Chetan Desai, 55 ans, dont le père a lancé "Creations by Shanagar" il y a plus de 60 ans, ne vit que pour la mode. L'entreprise avait commencé comme un atelier de tissage à la main et de saris brodés. Mais au milieu des années 1990, il regarde plus loin vers la France, où il noue un partenariat avec le couturier franco-tunisien Azzedine Alaïa dont les robes brodées par Shanagar ont été portées notamment par Naomi Campbell.

Restant discret sur ses collaborations en cours, sauf celle avec Julien Fournié, il se souvient des broderies faites pour Jean Paul Gaultier, Yohji Yamamoto et Donna Karan. Même Hollywood est venu frapper à la porte, Shanagar aidant à créer les costumes de Nicole Kidman dans la comédie musicale Moulin Rouge de 2001.

"J'adore travailler avec Julien Fournié. Il repousse les limites. C'était un exercice difficile et en même temps très fructueux parce que certaines de ses idées m'ont surpris", raconte Chetan Desai à l'AFP. Une fois les pans brodés arrivés à Paris, c'est Julien Fournié qui les repasse soigneusement lui-même, avant que l'atelier ne procède au montage de la robe. "60% du modèle de la haute couture, c'est du repassage", confie-t-il. La collection qui défile à Paris est entièrement brodée de perles et de fils chez Shanagar, avec quelques techniques inédites comme des broderies confectionnées à partir de morceaux de tulle enroulés pour créer des fleurs.

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