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Mode durable, responsable, circulaire : les Hauts-de-France possibles "moteurs du changement"

Deuxième industrie la plus polluante au monde, la mode arrive à un tournant : l'urgence écologique.  

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
La marque de mode slow fashion La Gentle Factory, 2019 (LA GENTLE FACTORY)

Longtemps prospère puis en déclin, l'industrie textile des Hauts-de-France est en train de "muter", portée par l'engouement pour le durable et le made in France. Elle pourrait devenir "moteur du changement", estiment Isabelle Robert et Maud Herbert, chercheuses à l'Institut du marketing et du management de la distribution, à l'université de Lille.

Marché saturé, baisse des ventes, consommateurs boudant la fast-fashion des grandes chaînes au profit de produits durables et made in France, essor du marché de la seconde main : "les enseignes commencent à comprendre que la surproduction depuis l'Asie, le réassort permanent des collections, les soldes, ça ne fonctionne plus !", renchérit Majdouline Sbaï, sociologue et entrepreneuse. Pour réussir, "il faut produire moins mais mieux, au juste prix, réemployer systématiquement...", assure-t-elle : et les Hauts-de-France, bastion historique d'une industrie autrefois florissante "sont et seront territoire moteur".

Le virage du textile vers une industrie plus éthique et éco-responsable se fera-t-il dans les Hauts-de-France ?

Maud Herbert : Il y a une vraie volonté et une conjonction de phénomènes. La région concentre toujours d'importants acteurs du textile de masse, comme Idkids, Happychic, Auchan, Kiabi... Depuis cinq ans, un certain nombre réfléchissent à cette problématique (le programme Kiabi Human vise ainsi 70% des collections conçues et produites de manière durable d’ici 5 ans, ndlr). 

De gros acteurs institutionnels s'engagent : la Région, la Métropole européenne de Lille ou encore l'Agence de maîtrise de l'énergie, qui subventionnent des projets, des recherches sur les filières de valorisation des déchets, les procédés de recyclage, des études prospectives... Le textile redevient un axe stratégique.

On a un alignement des planètes qui favorise le secteur et fait de la région un territoire moteur. Paris reste la référence ultime pour la mode mais si on veut toucher la plus grande partie des consommateurs, c'est le tissu de production, localisé dans les Hauts-de-France, qui doit avancer. Cette mode responsable-là a un vrai potentiel de démocratisation pour sortir d'une niche de marché, souvent qualifiée de boboisante, qui l'empêche d'évoluer.

Des modèles de la collection Kiabi 2019 (KIABI)

Les industriels jouent-ils le jeu ?

Isabelle Robert : On n'est pas encore dans des business-models qui visent à réduire les volumes mais dans une vraie dynamique sur deux axes : l'utilisation de matériaux biosourcés, comme le lin, cultivé ici, et la filière recyclage, qui doit encore être structurée.

La Redoute, par exemple, ou Auchan commencent à développer cela, s'aperçoivent que le proche import permet d'être plus réactif. On va voir se développer, dans toutes les entreprises, des gammes spécifiques en lin, avec du mix de fibres naturelles, du coton bio. Même si, au départ, ce sera cantonné à des gammes vitrines. Des enseignes travaillent avec le Centre européen des textiles innovants, à Tourcoing, et l'Ecole d'ingénieurs textile, à Roubaix, pour aller vers des fibres en polyester recyclé, améliorer le recyclage des fibres naturelles... Toutes se dotent aussi d'une plateforme de vêtements d'occasion (permettant de déposer ses vieux vêtements contre des bons d'achat par exemple), certaines de location de vêtements, parfois aidées par des start-up.

La Normandie et les Hauts de France sont les deux régions à produire le lin : utilisé dans le textile ou la corderie, le lin est aussi source d'Oméga 3 et trouve de nombreuses applications par sa culture plus respectueuse de l'environnement.  (M.ASTAR/SIPA)

Ces mutations peuvent elles être rentables, redynamiser le secteur ?

Maud Herbert : Il y a de toute façon une urgence pour le marché. Selon une étude récente, 44% des consommateurs ont récemment réduit leurs achats vestimentaires, 40% d'entre eux avec une démarche volontaire. Les acheteurs sont de plus en plus sensibles aux questions écologiques, cela pousse les entreprises à réviser leur modèle. Ce sont encore des signaux faibles mais on note un début de relocalisation de la production de certains produits, une restructuration de filières. Les enseignes testent plein de choses, sans savoir exactement quels modèles émergeront mais ça bouge !

Un marché porteur pour les start-up

Pour les nombreuses start-up qui se lancent, le marché est "ultra porteur", confirme Christelle Merter, fondatrice de la Gentle Factory, marque de mode slow fashion. Au départ collection capsule pour les magasins Jules, "la Gentle" est devenue en 2017 "quatrième marque du groupe Happychic" puis indépendante en 2019. Avec "60.000 pièces fabriquées en France en fibres biologiques ou recyclées", l'entreprise bénéficie d'une croissance à deux chiffres.

La marque de mode slow fashion La Gentle Factory, 2019 (LA GENTLE FACTORY)

Face aux rangées de machines à coudre, des imprimantes "écolo" aux encres sans solvant côtoient des sacs produits à partir de chutes ou d'invendus. "Rejoignez le Plateau fertile", laboratoire d'idées et atelier mutualisé pour "entreprises et créatifs responsables", invite un écriteau. Dans une ancienne usine roubaisienne, ce lieu ouvert en 2018 "permet à 120 entrepreneurs, enseignes de la distribution et de l'habillement, de réfléchir ensemble, partager outils et compétences, fabriquer de petites séries de produits" éco-conçus, recyclés et "inventer de nouveaux business-models où rien ne se jette", explique Annick Jehanne, cofondatrice de l'association pilote Nordcréa.

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