"Montrer les corps tels qu'ils sont dans leur diversité" : l'objectif de Georgia Stein qui organise des défilés body positive
Depuis 2018, Georgia Stein organise des défilés body positive. Pour le prochain en mai 2020, elle attend 250 femmes et hommes, de toutes morphologies, handicapés ou non, transgenres, gays, homosexuels, hétérosexuels, de tous les âges, de toutes religions...
Georgia Stein, mannequin grande taille fondatrice du groupe The All Sizes Catwalk, est à l’initiative de défilés body positive à Paris pour dénoncer le culte de la minceur qui, selon cette ancienne hôtesse de l'air franco-allemande, fait souffrir énormément de femmes dans une France plutôt mince, réticente aux rondeurs.
Face à la pression du corps parfait, de plus en plus de femmes ont leur réponse : #BodyPositive. Ce mouvement prône l’affirmation d’un corps non standardisé, avec ses défauts assumés.
Comment êtes–vous devenue mannequin grande taille ?
J‘étais animatrice radio, avant de devenir hôtesse de l‘air. A 22 ans et dès l‘arrêt de la pilule, j‘ai commencé à avoir des règles irrégulières et j‘ai découvert que j‘avais les ovaires polykystiques. Ce qui a entraîné une prise de poids fulgurante : je suis passée du 36 au 44. Une transformation de mon corps qui n’a pas été simple à accepter. J’ai dû changer d’identité vestimentaire.
J‘ai toujours aimé poser, j‘ai toujours adoré les photos mais après cette prise de poids, il était évident que je ne deviendrai jamais mannequin... Un jour sur Facebook, j'ai lu un article sur une mannequin grande taille française exilée aux États-Unis. Ça a été une révélation ! Et quelle surprise d'y voir les coordonnées de la seule agence parisienne spécialisée grande taille. J’ai postulé et la semaine suivante j‘avais mon premier casting pour une chaîne de télé-achat où j‘ai été prise. C'est ainsi qu'a commencé l'aventure dans le monde de la mode. J‘ai toujours été une fonceuse et il allait de soi que j‘allais faire le maximum pour m‘accepter. De toute façon je n‘avais pas le choix... Mais cela ne concerne que moi, car il y a tellement d‘histoires différentes : des personnes qui vieillissent, qui tombent malade, qui prennent des traitements. Nous ne sommes pas là pour dicter à chacun comment s‘accepter ou comment vivre, nous sommes là pour leur montrer que c‘est possible.
Quelles sont les difficultés rencontrées ?
De plus en plus d’enseignes ont compris que la diversité et la normalité faisait vendre. Certains diront qu‘ils font de la récupération marketing et moi je dis tant mieux ! Et surtout qu‘ils continuent ! Que ce soit dans le luxe, dans le prêt-à-porter, comme dans la beauté, on voit de plus en plus de diversité dans les campagnes de pub. Une marque de protection menstruelle a ainsi joué sur le naturel en choisissant des femmes avec des corps divers, sans retouches. C‘est frais et ça fait du bien !
Pourquoi avez-vous lancé ces défilés en lingerie ?
J‘ai lancé ces défilés pour plusieurs raisons. Presque tout le monde a des complexes, beaucoup sont dépressifs, certains connaissent du harcèlement, les femmes voient leurs corps évoluer… Tellement de sujets tabous dont on n’a pas beaucoup parlé pendant très longtemps, trop longtemps. Je me suis rendue compte que tout cela fait partit du mouvement Body positif. Un esprit serein pour une vie remplie de joie. Donc j‘ai décidé de défiler en lingerie avec mes modèles afin de montrer la réalité et dénoncer le manque de diversité. Nous sommes juste là pour montrer que la diversité est belle et enrichissante. Qu‘importe les morphologies, chaque personne a le droit d‘être soi ! Avec ses propres caractéristiques, son propre caractère, sa propre histoire.
Si à travers l‘une des TASC (le nom donné aux cinq femmes avec qui j‘ai organisé le premier happening en 2018) ou l‘une des TASCETTES (250 modèles avec qui commençons des projets de shootings et de tournages vidéos) des personnes peuvent s‘identifier, s‘accepter ou se motiver à atteindre des objectifs, c‘est notre meilleure récompense. Ne trouve-t-on pas tous ces profils par millions dans notre société ? Il est temps de dire stop à la destruction volontaire psychologique et de montrer la nature humaine dans sa diversité et dans sa réalité.
A notre premier défilé le 1er avril 2018 nous étions 9, au dernier happening le 15 septembre 2019 nous étions 100, au prochain nous serons 250 femmes et hommes, de toutes morphologies, handicapés ou non, transgenres, couples gays, homosexuels, hétérosexuels, de tous les âges, de toutes religions et de toutes cultures... Ce sera un challenge pour la marque de lingerie Diva's boudoir d’habiller 250 modèles (du 34 au 60) qui participeront au dernier happening en mai 2020. Dernier, car notre communauté grandit tellement vite que nous ne pourrons plus défiler en mode sauvage. Je vais donc travailler avec la Mairie de Paris pour créer un événement ouvert à tous.
Les réseaux sociaux semblent plus ouverts, qu’en pensez-vous ?
Sur les réseaux sociaux, il y a de tout, comme dans la vie. Ces dernières années ils ont beaucoup évolué. Dans le bon sens comme dans le mauvais sens. Il y a beaucoup de faux profils, du harcèlement, des critiques, des insultes.... mais on peut également voir de la diversité, de plus en plus de comptes body positif, de la bienveillance, du soutien, des comptes qui font du bien... Les réseaux sociaux font partis de notre quotidien et cela évoluera avec le temps. Du moins je l‘espère...
Entre les États-Unis et la France, quelles sont les différences de regard ?
Le regard sur le mouvement en France et aux États-Unis se rapproche avec le temps. En un an, il y a eu énormément d‘évolution en France. Dans les mentalités, comme sur nos écrans. Toute discrimination, tout combat, ont pris leur temps. Que ce soit pour les homosexuels, les différentes religions, la différence culturelle, l’égalité homme/femme... finalement les messages passent et font évoluer les moeurs.
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