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Mort de Karl Lagerfeld : "C'était un honnête homme du XVIIe siècle, un esprit fin, cultivé et redoutable", réagit Stéphane Bern

L'animateur de télévision a réagi sur franceinfo à la mort du créateur de mode mardi. 

Article rédigé par franceinfo - Édité par Thomas Pontillon
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Stéphane Bern, en février 2019.  (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)

Karl Lagerfeld était "savait tout sur tout", a réagi mardi 19 février sur franceinfo l'animateur Stéphane Bern, après l'annonce de la mort du couturier. "Il était passionné d'histoire européenne. Il lisait tout le temps", poursuit Stéphane Bern, qui rend hommage à "un immense styliste".


franceinfo : Quelle sorte d'homme était-il ?

Stéphane Bern : C'était quelqu'un qui était plus qu'un styliste qu'un créateur, mais qui était un honnête homme du XVIIe siècle. Il savait tout sur tout. C'est un esprit fin, cultivé, un esprit redoutable qui pouvait être terrible. Quand on se promenait dans la rue et qu'une Japonaise hystérique voulait le toucher, il disait, 'vous pouvez prendre des photos mais ne me touchez pas'. Il était très drôle dans la vie. Les gens n'imaginent pas à quel point Karl Lagerfeld était drôle. Il était passionné d'histoire européenne. Il lisait tout le temps. Je le voyais dans sa librairie préférée rue de Rivoli, il prenait des chariots entiers de beaux livres qu'il faisait livrer chez lui. Il avait plusieurs maisons. Il habitait tout un pâté de maison autour du quai Voltaire. On ne savait dans quelle maison on allait déjeuner quand on allait chez lui. II était très secret et en même temps il disait tout ce qu'il pensait. On dit qu'il était hautain. Il ne l'était pas du tout.

C'était un masque ?

Il me disait : "Je suis gentil mais je ne veux pas que cela se voit." Un jour sur France Inter, il fait une émission, il vient, m'apporte une enveloppe kraft. J'arrive chez moi, j'ouvre, c'était la montre du Kaiser Guillaume, avec un petit mot : "A part vous et moi, qui cela peut encore intéresser ?" Ce n'était que des gestes comme cela. Au mariage du prince Albert de Monaco et Charlène, c'est lui qui a prêté toutes les nappes du XVIIIe siècle. Il n'y avait que lui qui avait des kilomètres de nappes du XVIIIe siècle. Il gardait tout. Il était impayable. Il ne buvait pas, il ne mangeait jamais de dessert, jamais de sucre. C'était quelqu'un qui avait une rigueur, une discipline qu'il imposait aux autres mais qu'il s'imposait à lui-même. Il était exigeant avec les autres mais très exigeant avec lui-même.


Il disait qu'il a eu une enfance aisée mais très ennuyeuse, dans la campagne. Cela a été difficile de s'habituer à ce monde, à Paris, au milieu de la mode ?

Il avait un passeport. Le passeport, c'était les langues et la culture. Il avait compris que pour entrer partout il fallait d'abord être brillant, être doué, mais aussi avoir ce viatique extraordinaire qui était une culture encyclopédique. Il savait tout sur tout. C'était fascinant. Il lisait tous les livres, Il avait tout vu, tout entendu. Il était un infatigable travailleur. Cela lui a servi de passeport pour entrer partout. C'était son immense culture, sa grande générosité et un talent indéniable. J'étais avec lui le jour où son ami et ennemi Yves Saint-Laurent est mort. Il était très embarrassé. C'était quelqu'un qu'il admirait terriblement et avec qui il avait un cadavre dans le placard. Entre eux, il y avait un loup. Ils s'étaient fâchés, ils ne s'étaient jamais reparlés. Yves Saint-Laurent a été un créateur et lui a été un immense styliste. C'était une rock star. Il faut l'imaginer comme une rock star plus que comme un créateur. Il n'a pas lancé de tendance, il a réinterprété la maison Chanel.

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